Encadrement des loyers : défaits au Conseil d'Etat, des propriétaires bordelais continuent à férailler

Le Conseil d'Etat a rejeté la requête de la Chambre des propriétaires de Bordeaux contre l’encadrement des loyers. Mais ces derniers ne baissent pas les bras et préparent de nouveaux recours, y compris au niveau européen, contre ce dispositif appliqué à Bordeaux depuis juillet 2022. Les propriétaires regrettent notamment l'effet dissuasif sur les investisseurs.
(Crédits : Agence APPA)

Les recours des propriétaires immobiliers devant les juridictions administratives avaient été déposés simultanément à Bordeaux, Lyon et Montpellier à l'automne 2021 pour contester, avant même son application, l'encadrement des loyers dans ces trois villes. Mais dans trois décisions rendues le 25 mai dernier, le Conseil d'Etat a rejeté ces trois requêtes, validant de fait ce dispositif entré en vigueur à Bordeaux le 15 juillet 2022.

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Dans sa décision relative à Bordeaux, le Conseil d'Etat rejette la requête de la Chambre des propriétaires de Bordeaux qui contestait la légalité du décret n° 2021-1145 du 2 septembre 2021 fixant le périmètre de l'encadrement des loyers à Bordeaux Métropole. Ce dernier ne concerne que la ville de Bordeaux qui a été découpée en quatre zones avec des loyers de référence oscillant, par exemple, entre 11 €/m2 et 13,60 €/m2 pour un T2 de 30 m2 construit entre 1946 et 1970. Loyer qui peut être majoré jusqu'à 16,30 €/m2 dans le centre-ville (zone 1) pour des biens pouvant justifier d'un caractère particulier.

« Exigence d'intérêt général »

Après avoir écarté les motifs soulevés sur la forme, le juge administratif souligne, sur le fond, que « le niveau du loyer médian de Bordeaux, de 12,5 euros par mètre carré, contre 11,5 euros par mètre carré sur l'ensemble de l'agglomération, est élevé. » Il considère également que le fait de « fixer des loyers de référence qui seront susceptibles de limiter l'exercice du droit de propriété [...] présente un rapport raisonnable de proportionnalité avec l'exigence d'intérêt général qu'elle poursuit. » D'autant que le rythme de la construction de logements neuf est notoirement insuffisant pour répondre à la croissance démographique. Le requérant est également condamné à verser 3.000 euros à Bordeaux Métropole au titre des frais engagés.

Cette dernière salue la décision du Conseil d'Etat qui « vient ainsi confirmer la légalité de ce dispositif expérimental légitimement proposé par Bordeaux Métropole de concert avec la Ville qui [...] s'inscrit dans un objectif d'intérêt général face à quelques intérêts privés empêchant l'accès de toutes et tous au logement. »

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La Cour européenne des droits de l'Homme

De son côté, Denis Jacques, le président de la Chambre des propriétaires de Bordeaux qui compte environ 130 membres, se dit « stupéfait de ne pas avoir été entendu sur des arguments factuels issus des données de la Métropole » :

« Je maintiens que les loyers à Bordeaux sont accessibles, puisqu'ils sont inférieurs à 33 % des revenus des ménages, et qu'ils ont moins augmenté que l'inflation ces dernières années », poursuit-il, avant d'annoncer la couleur : « Je demanderai lors de la prochaine assemblée générale de l'association au mois de juin l'autorisation de poursuivre le combat devant la Cour européenne des droits de l'Homme pour contester notamment l'atteinte à l'exercice du droit de propriété. »

En 2021, le loyer moyen à Bordeaux Métropole s'élevait à 670 euros pour 59 m2 (11,4 €/m2) tandis que le loyer médian d'un appartement à Bordeaux s'élevait à 695 euros pour un 50 m2 (13,9 €/m2). « L'agglomération bordelaise arrive en 6e position, derrière l'agglomération de Paris, de Montpellier, d'Aix-Marseille, de Lyon et de La Rochelle », rappelle l'A'urba qui a épluché les loyers de 25.000 logements de l'agglomération bordelaise.

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Un autre cheval de bataille

Mais Denis Jacques n'entend pas s'arrêter là puisqu'il conteste également le mode de calcul du loyer médian de référence fixé chaque année par arrêté préfectoral. « La formule retenue n'est pas conforme à l'esprit de la loi. Elle ne prend pas en compte la surface des logements pour calculer la médiane et cela revient à mécaniquement pénaliser les logements de petites surfaces. Personne ne m'a donné tort sur ce point mathématique », fait-il valoir.

La Chambre des propriétaires de Bordeaux va donc demander au préfet de revoir sa copie et, si ce n'est pas le cas, elle saisira le tribunal administratif pour tenter de faire annuler le prochain arrêté qui entrera en vigueur à partir du 15 juillet 2023. Pas sûr que les propriétaires soient entendus puisque la baisse des loyers des petits logements est précisément l'un des objectifs politiques poursuivis par la majorité municipale et métropolitaine via ce dispositif d'encadrement.

Un impact encore très progressif

Selon l'association de propriétaires, l'effet de l'encadrement est encore marginal puisqu'il ne concerne potentiellement qu'un quart des studios et environ 10 % des appartements de 2, 3 et 4 pièces, sachant que seulement un tiers de ce total change de locataire chaque année. « Dans les faits ça ne change pas grand chose mais nous attaquons ce texte parce qu'il stigmatise les propriétaires en laissant penser qu'ils seraient malhonnêtes », précise Denis Jacques, qui s'inquiète aussi de l'effet épouvantail sur les investisseurs : « C'est une catastrophe ! Les investisseurs locatifs ne veulent plus entendre parler de Bordeaux et ils investissent ailleurs. »

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