Encadrement des loyers à Bordeaux : trois questions avant son application dès le 15 juillet

La hausse des loyers dans le parc privé sera-t-elle freinée à Bordeaux ? C'est l'objectif de l'encadrement des loyers qui entrera en vigueur le 15 juillet à Bordeaux. Cette mesure, permise par la loi Elan de 2018, va contraindre les bailleurs à s'aligner sur des prix locatifs déterminés par l'Agence d'urbanisme de Bordeaux Aquitaine. L'opposition municipale fustige cette application.
Maxime Giraudeau
Un simulateur sera disponible dès le 5 juillet pour connaître les prix de référence selon les quartiers et les types de bien.
Un simulateur sera disponible dès le 5 juillet pour connaître les prix de référence selon les quartiers et les types de bien. (Crédits : Agence APPA)

"C'était pour moi un engagement de campagne que d'encadrer le marché privé de la location." Avec l'application de l'encadrement des loyers à Bordeaux, le maire écologiste, Pierre Hurmic, tient enfin de quoi matérialiser son action en matière de logement. L'édile a annoncé ce 23 juin, lors d'une conférence de presse, le lancement de l'encadrement des loyers à partir du 15 juillet 2022. Tout nouveau bail conclu à partir de cette date devra appliquer des prix au m² tels que définis par Bordeaux métropole et validés par la préfecture. Sans connaître pour l'instant la part des logements qui verront leurs loyers diminuer, les élus vantent une réglementation qui va "améliorer la qualité et l'accessibilité du marché privé", comme le présente Alain Anziani, le président de la métropole. Mais, comme dans les autres villes où le dispositif a été lancé, il est dénoncé par l'opposition et certains propriétaires.

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  • Comment les prix de référence sont-ils calculés ?

La préfecture de Nouvelle-Aquitaine a publié le 22 juin 2022, l'arrêté fixant le niveau des loyers médians à Bordeaux. Cet acte entérine le lancement d'une politique d'encadrement des loyers, voulue depuis de nombreuses années par les élus écologistes et de gauche pour faire face à la flambée des prix dans le parc locatif. Pour définir des nouveaux standards réglementaires, Bordeaux métropole - qui conduit le projet même s'il n'est appliqué qu'à la ville centre pour l'instant - a pu s'appuyer sur l'Observatoire local des loyers de l'A'urba (Agence d'urbanisme de Bordeaux Aquitaine).

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L'organisme, qui documente l'évolution du parc locatif depuis plus de 20 ans sur la métropole, a été chargé de définir des secteurs géographiques homogènes en termes de typologie de logements. Quatre types de zones sont ainsi définies sur Bordeaux, allant de celle où les logements ont majoritairement des grandes surfaces (Z1), à celle où les logements ont les plus petites (Z4). Chaque zone s'est vue accordée un prix de référence au m² selon cinq critères : la localisation du secteur géographique, l'année de construction, le nombre de pièces, le type d'habitat (appartement ou maison) et le type de location (vide ou meublée).

carte loyers bordeaux

Cliquez sur la carte (crédits : Bordeaux Métropole).

L'A'urba indique ainsi quatre prix de référence à titre d'exemple :

  • En Zone 1 : 18€/m² par mois pour un T1 vide construit avant 1946.
  • En Zone 2 : 14€/m² par mois pour une maison T3 meublée construite après 1990.
  • En Zone 3 : 11,7€/m²  par mois pour un appartement T2 vide des années 1980.
  • En Zone 4 : 12,2€/m² par mois pour un appartement T3 meublé construit après 1990.

À titre d'exemple, alors qu'aujourd'hui, des appartements T1 de 19m² sont loués à plus de 500 euros quartier Saint-Pierre à Bordeaux, ils ne pourraient excéder 420 euros par mois avec les mesures d'encadrement, selon nos calculs.

Pour pouvoir louer leurs biens, les propriétaires ne devront pas excéder de 20 % les prix de référence, sauf exception. En cas de non-respect et de recours du locataire, les contrevenants s'exposent à une amende de 5.000 euros pour les personnes physiques et de 15.000 euros pour les personnes morales. Une plateforme sera ouverte dès le 5 juillet pour connaître les prix de référence fixés selon chaque zone et selon tous les types de biens possibles à Bordeaux.

  • Quels sont les logements principalement concernés ?

Alors que Bordeaux Métropole demeure particulièrement attractive pour les entreprises, les salariés mais aussi les étudiants, la flambée des prix sur les dix dernières années a rendu le marché de l'immobilier locatif particulièrement tendu. "Le logement est encore trop cher à Bordeaux Métropole et nous n'avons pas de foncier disponible", cadre Alain Anziani. "L'inflation repart, elle grignote du pouvoir d'achat. La métropole bordelaise est la 5e la plus chère de France en termes de loyers." Selon l'A'urba, le loyer médian à Bordeaux s'élève à 12,7 euros du m². Pas encore le niveau de Lyon, qui est à 17 euros selon SeLoger, mais la métropole girondine ne fait que s'en approcher.

Depuis dix ans, ce sont en particulier les logements T1 et T2 qui ont connu une forte inflation. Les élus affirment que l'encadrement des loyers leur est d'abord destiné. "Les petits logements, ceux de moins de 20m² sont les plus concernés" pointe Pierre Hurmic. Mais la mesure ne réduira pas, bien au contraire, la concurrence entre les candidats à la location. D'autant qu'il faudra patienter plusieurs années avant de tirer des conclusions puisque seuls seront soumis à l'encadrement les baux locatifs conclus à partir du 15 juillet 2022. "Le dispositif va monter en puissance au fil des années, il va falloir attendre le renouvellement des baux pour voir les effets", illustre Stéphane Pfeiffer, adjoint en charge notamment du service public du logement et de l'habitat.

  • Pourquoi l'encadrement est vivement critiqué par l'opposition et les propriétaires ?

À droite, l'opposition tance une mesure "d'économie administrée et contre l'économie de marché". "Que la loi permette, dans le champ du logement, un encadrement, j'y suis favorable. Ça s'appelle le logement social, où les loyers sont plafonnés, et le législateur a aussi prévu le dispositif d'investissement locatif. On autorise une personne à pouvoir bénéficier d'un avantage fiscal dès qu'elle loue à quelqu'un en appliquant des loyers encadrés", argumente Nicolas Florian, chef de file du groupe d'opposition municipale Bordeaux Ensemble.

Comme l'ancien maire de Bordeaux, les propriétaires se sont dressés contre ce nouvel encadrement permis par la loi. En novembre 2021, des représentants avaient déposé un recours devant le conseil d'Etat pour faire valoir que la mesure ne pouvait être appliquée à Bordeaux en raison d'un marché jugé correctement régulé. Leur demande n'a pas été validée par la haute juridiction. Les propriétaires alertaient alors sur les difficultés qu'ils rencontreraient, dans le cas où les loyers se trouvaient encadrés, à mener des travaux de rénovation dans les logements loués. Auquel cas, la qualité du parc locatif diminuerait.

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Pour contrer cet effet pervers, Bordeaux métropole a instauré un permis de louer au 1er janvier 2022. En vertu de cette réglementation, tout nouveau logement mis sur le marché doit remplir des conditions de salubrité pour pouvoir être loué. En réalité, seuls six logements depuis le début de l'année se sont vu refuser leur permis selon les chiffres de la métropole.

Autre effet négatif, les trop grosses contraintes qui pèseraient sur les propriétaires motiveraient ces derniers à se diriger vers une location saisonnière meublée. Autrement dit, à chercher des revenus en louant par AirBnb. Mais à Bordeaux, tout logement qui sort du parc locatif privé classique, avec un bail à l'année, pour être placé sur une plateforme de location saisonnière doit obligatoirement être compensé par la mise sur le marché locatif classique d'un autre autre logement dans le même quartier. Un impératif de poids qui doit limiter la fuite des logements.

Pour l'instant, la mesure d'encadrement des loyers n'est effective qu'à Bordeaux et, si les autres communes de la métropole souhaitent l'appliquer, elles devront aussi se doter de ces mesures barrières pour éviter les effets contre-productifs. Le maire de Bordeaux espère en tout cas que cette mesure implique les propriétaires pour rendre la croissance des loyers privés plus acceptable. "Nous voulons montrer que la puissance publique, la mairie et la Métropole, se préoccupent d'avoir un prix de loyer responsable et régulé. C'est une vertu pédagogique et symbolique", a-t-il rappelé.

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Maxime Giraudeau

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Commentaires 7
à écrit le 24/06/2022 à 12:48
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Vous avez deux façons de détruire une ville: L'armée russe ou le blocage des loyers.

à écrit le 24/06/2022 à 9:42
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Une enquête réalisée par le groupe De particulier à particulier (PAP) auprès des personnes qui passent des annonces pour trouver un locataire dresse le portrait de cette France des «propriétaires-bailleurs». Ils possèdent 6,3 millions de logements lo...

à écrit le 24/06/2022 à 7:59
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Bonjour, Moi-même propriétaire bailleur, je suis assez d'accord avec la mesure. MAIS les taxes diverses seront-elles aussi plafonnées ? Je pense par exemple à la taxe foncière, qui semble ne pas se préoccuper d'encadrement.

le 24/06/2022 à 9:54
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Si on vous taxe ça n'est pas pour quelle soit répercutée sur le locataire... Sinon on taxerait le locataire. C'est dingue d'être si bête et si riche ! C'est vous qui faites les profits (les locataires paient vos traites, financent votre bien ou vous...

à écrit le 24/06/2022 à 7:15
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Désolé de le dire mais ceux qui mettent en place ces dispositifs ont une méconnaissance économique, chaque fois que de telle mesure de blocage des prix ont été mise en place elles ont eu des effets pervers en rétrécissant le marché et en créant de la...

le 24/06/2022 à 10:36
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Ce genre de grille des prix théoriques par quartier, produite par une administration ad hoc, entretient des emplois de fonctionnaires déjà en surnombre dans notre Pays, pas très productifs, et payés par nos impôts. A ce moment-là privatisons la démar...

le 24/06/2022 à 12:52
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Le socialisme, c'est la pénurie pour les pauvres.

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