Immobilier : les 42 critères du nouveau label Bâtiment frugal bordelais

EXCLUSIF. Très attendu par les acteurs de l'immobilier comme par les habitants, le label du Bâtiment frugal bordelais concocté par la mairie EELV de Bordeaux depuis près d'un an est enfin arrêté. La Tribune vous dévoile en exclusivité ses 22 critères obligatoires, ses 20 critères optionnels et son fonctionnement. Matériaux, isolation, ventilation, usages, insertion urbaine ou encore biodiversité : le spectre est particulièrement large et concernera tous les projets immobiliers à Bordeaux dès 2023, voire même avant.
Emblématique des années Juppé, la ZAC Bastide Niel, dessinée par Winy Maas, a été revue pour laisser davantage de place à la végétation, aux logements traversants et aux espaces partagés.
Emblématique des années Juppé, la ZAC Bastide Niel, dessinée par Winy Maas, a été revue pour laisser davantage de place à la végétation, aux logements traversants et aux espaces partagés. (Crédits : MRDV)

Une charte de bon sens après les excès d'une folle décennie de construction à Bordeaux ou une nouvelle usine à gaz qui compliquera, raréfiera et renchérira encore la construction de nouveaux logements ? Le temps long des opérations immobilières et de l'aménagement urbain y répondra dans quelques années mais Pierre Hurmic, le nouveau maire EELV de Bordeaux, entend bien faire de ce label du Bâtiment frugal bordelais l'un des principaux marqueurs de sa politique urbaine de rupture avec les années Juppé. Est frugal ce qui se nourrit de peu et qui vit d'une manière simple : c'est bien cette logique que l'élu écologiste est décidé à imposer à la ville de Bordeaux en "initiant une profonde métamorphose de l'urbanisation" et en "cassant du bitume".

C'est Bernard Blanc, son adjoint en charge de l'urbanisme résilient, et ancien directeur général du bailleur social Aquitanis, qui est à la manœuvre depuis le mois d'août sur ce dossier stratégique. Moratoire, inventaire, négociations et concertations avec les promoteurs comme avec les services d'urbanisme de la Métropole se sont succédé pour aboutir, avec quelques mois de retard sur le calendrier prévu, à ce fameux label. Présenté comme compatible avec la règlementation thermique 2020, ce document détaillé de 63 pages, que La Tribune a consulté en exclusivité, égrène pas moins de 42 critères, dont 22 obligatoires, qui s'imposeront légalement à tous les permis de construire déposés à Bordeaux à compter de 2023 lorsqu'il sera annexé au plan local d'urbanisme métropolitain. Mais Bernard Blanc entend bien le généraliser d'ici là par un travail de conviction active et malgré un surcoût évalué entre +10 % et +40 %

Lire aussi : « Les promoteurs doivent s'emparer du bâtiment frugal bordelais dès aujourd'hui » (Bernard Blanc)

Particuliers et professionnels : tous concernés

Sont concernés, à des degrés divers, tous les porteurs d'un projet immobilier nécessitant un permis de construire à Bordeaux : du particulier qui bâtit une petite extension dans son jardin aux professionnels de la promotion et du bâtiment construisant plusieurs dizaines de logements en passant par le particulier assisté d'un professionnel qui surélève sa maison. Etant entendu que les obligations imposées aux particuliers s'avèrent bien plus contraignantes que celles réservées aux professionnels du BTP.

Ces 42 critères sont réunis en trois grandes familles : "faire mieux avec moins" (24 critères), "bienveillance avec le territoire d'accueil" (14 critères) et "adaptation au contexte de demain" (4 critères). Le label sera délivré lors de la signature du permis de construire après instruction par les services et sera confirmé à la livraison. L'ensemble du label et de ses critères seront évalués et ajustés dans un an en fonction des différents retours d'expériences. Au-delà des 22 critères obligatoires pour décrocher le label et donc, à terme, pour obtenir un permis de construire à Bordeaux, 20 critères optionnels permettent de décrocher entre une et trois étoiles. Un cahier distinct est également prévu pour les projets d'immobilier tertiaire en distinguant les bâtiments scolaires et les immeubles de bureaux.

Testé avec une dizaine de promoteurs sur des projets ayant déjà obtenu leur permis de construire ou étant en passe de le décrocher et totalisant près de 1.200 logements neufs, ce label fera l'objet d'une exposition et d'une série de conférences en juin 2021. La mairie assure que sur ces dix projets représentant 80.000 m2 de surface plancher, l'application du label a permis de récupérer près de 25 % de pleine terre en moyenne.

Voici les 22 pré-requis obligatoires pour obtenir le label :

  • Réaliser une analyse multicritères du site en cas de construction neuve (historique, architecture, environnement urbain, eaux pluviales, mobilités, ressources locales, etc.)
  • Réaliser un diagnostic multicritères du bâtiment existant en cas de réhabilitation
  • Impliquer les riverains et usagers du site et les futurs habitants
  • Prévoir, quel que soit le type de logement, un espace extérieur d'au moins 10 m2 en neuf
  • Optimiser l'exposition solaire : en neuf, au moins 35 % des surfaces de baies doivent être orientées de sud-est à sud-ouest
  • Favoriser la lumière naturelle : l'indice d'ouverture du bâtiment doit se situer autour de 20 %.
  • Prévoir des protections solaires extérieures sur les baies qui ne sont pas orientées plein nord
  • Favoriser la protection solaire des façades et toitures par des revêtements clairs
  • Tous les logements doivent bénéficier d'une ventilation traversante
  • Garantir la porosité de la ventilation : les protections solaires doivent laisser passer l'air même en position fermée
  • Le confort d'été doit être assuré sans climatisation ni rafraîchissement actif
  • Le système de ventilation doit assurer des débits supérieurs ou égaux à 0,5 vol/h en moyenne pour améliorer la qualité de l'air intérieur
  • Adapter l'enveloppe thermique en arbitrant entre les préoccupations d'hiver et d'été grâce à un indice d'isolation, dans le neuf, et en préservant les atouts du bâti existant, en cas de réhabilitation
  • Recourir à des matériaux réemployés, biosourcés ou géosourcés pour au moins deux catégories d'ouvrages dans chacune des trois familles définies (structure, traitement d'enveloppe et second œuvre) dans le neuf et pour au moins un ouvrage dans chaque famille en cas de réhabilitation
  • Réduire les besoins de chauffage à moins de 15 kWh/m2 par an en neuf et à moins de 20 de kWh/m2 pour une réhabilitation lourde grâce à la compacité des volumes, l'accès au soleil hivernal et la qualité de l'enveloppe thermique
  • Limiter au strict minimum les surfaces imperméables. Le coefficient de perméabilité ne pourra pas être inférieur à 25 %
  • La construction neuve ne sera autorisée que si l'alternative de la réhabilitation a été explorée
  • Créer ou préserver un espace de biodiversité sur chaque parcelle, notamment en préservant les vieux arbres. Le projet sera mesuré avec un coefficient de biotope d'au moins 0,2
  • Gérer les eaux de pluie de manière adaptée y compris en allant au-delà des exigences locales
  • Créer un îlot de fraicheur sur chaque parcelle notamment par une végétalisation accrue aux abords du bâtiment, en frontage. Un coefficient de régulation thermique sera calculé et ne pourra pas être inférieur à 0,2
  • Justifier que les matériaux de construction proviennent de moins de 200 km de Bordeaux via des filières et savoir-faire locaux
  • Anticiper et faciliter le caractère évolutif et modulable du bâtiment

Voici les 20 critères additionnels permettant de décrocher une étoile (de 1 à 10), deux étoiles (de 11 à 16) ou trois étoiles (de 17 à 20) :

  • Mutualiser des espaces, équipements ou services entre les usagers de l'opération
  • Arbitrer entre compacité du bâtiment pour l'isolation et faible épaisseur du bâti pour la lumière. Toutes les pièces doivent posséder une baie donnant sur l'extérieur.
  • Favoriser l'inertie thermique par la présence de parois lourdes en terre crue ou cuite, pierre, béton ou chaux dans les pièces de vie
  • Rechercher le déphasage thermique en choisissant des isolants appropriés comme la paille, par exemple
  • La ventilation naturelle doit être choisie dès que possible pour assurer le renouvellement hygiénique de l'air
  • Maîtriser la quantité de matériaux utilisés : le bon matériau, au bon endroit et dans la bonne quantité
  • Anticiper la fin de vie du bâtiment en prévoyant la séparabilité des matériaux utilisés, a minima pour le cloisonnement et les revêtements
  • Réduire la consommation d'eau potable en optimisant la récupération des eaux pluviales et grises
  • Déployer des systèmes techniques utiles, réparables et simples d'utilisation et d'entretien
  • S'insérer dans l'ilot, le quartier ou le territoire en apportant un élément, un espace ou un service qui lui manquait
  • Optimiser l'emprise au sol du bâti au sein de chaque parcelle
  • Prévoir des revêtements extérieurs de couleur claire
  • Prévoir un accès en moins de 10 min à pied aux services et équipements d'usages quotidiens (commerces, crèche, écoles, espaces verts, arrêts de transports publics, etc.)
  • Intégrer les mobilités actives (marche, vélo, trottinette, etc.) en prévoyant des accès et stationnement simples et sécurisés
  • Valoriser au moins 90 % des déchets de chantier et installer un composteur
  • Le déroulement du chantier doit respecter le voisinage immédiat en diminuant les nuisances directes ou indirectes (accès au soleil, vues, bruits, odeurs, etc.)
  • Le projet doit mutualiser des espaces, équipements ou services avec des acteurs extérieurs à l'opération
  • Prendre en compte les risques de canicules et de hausses des températures et prévoir des mesures compensatoires
  • Prendre en compte les risques d'orages et de montée des eaux exceptionnelles et prévoir des mesures compensatoires en termes
  • Prendre en compte les risques de sécheresses et prévoir des mesures compensatoires

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Commentaires 5
à écrit le 17/05/2021 à 13:58
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Qui va bien pouvoir et vouloir encore construire dans un pareil contexte, avec des surcoûs extravagants, pour un résultat plus qu'aléatoire ?

le 18/05/2021 à 13:40
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Oui vous avez raison, construisons des taudis, c'est moins cher

à écrit le 17/05/2021 à 9:03
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Ce qui est loin d'être anecdotique vu que de nombreux insectes massacrés à la campagne par l'activité agroindustrielle arrivent à se réfugier en ville malgré la pollution de des voitures qui leur est moins néfaste.

à écrit le 17/05/2021 à 7:57
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encore des lois des normes et des plans pour fabriquer des batiments en polystirene qu'il faudra demolir dans 30 ans et qui coutent 5 ou 6000 euros le m2, que plus personne ne peut payer ( alors on fait du logement social paye par personne par ceux q...

le 17/05/2021 à 9:24
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Churchill, merci de conserver le sens commun, malheureusement les gogos n'en veulent pas, car ils ne paient pas directement la conséquence de leur choix.

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