La panoplie du maire de Bordeaux pour réguler l'immobilier et doper le logement social

La mairie EELV de Bordeaux a présenté sa boîte à outils pour atteindre le seuil légal de 25 % de logements locatifs sociaux à l'horizon 2025 et réguler davantage un marché immobilier débridé. Construction neuve, action foncière, bail réel solidaire, permis de louer et de diviser, label du bâtiment frugal bordelais et encadrement des loyers : tour d'horizon des leviers mobilisés.
Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, veut atteindre l'objectif de 25 % de logements sociaux en 2025, contre 18,5 aujourd'hui.
Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, veut atteindre l'objectif de 25 % de logements sociaux en 2025, contre 18,5 aujourd'hui. (Crédits : Thibaud Moritz / Agence APPA)

[Article mise à jour le 07/05/21 avec l'annonce de la sélection de Bordeaux Métropole dans le "Plan national de lutte contre le logement vacant".]

"A Bordeaux, le logement est devenu cher et difficile à trouver et les Bordelais ne se retrouvent pas dans les nouveaux quartiers", lance Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux. Difficile de lui donner tort, au moins en ce qui concerne les prix de l'immobilier. Pour y remédier, l'élu écologiste a présenté les mesures qui seront discutées en conseil municipal ce 4 mai pour mettre en musique sa philosophie bâtie autour "des trois R de la renaturation, de la régulation et de la résilience". Il est ainsi revenu sur la stratégie dévoilée dans nos colonnes dès le mois d'octobre 2020 par Bernard-Louis Blanc, son adjoint à l'urbanisme.

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  • Les objectifs de construction

"Notre volonté n'a jamais été d'arrêter de construire", assure Pierre Hurmic, qui, à l'issue d'un droit d'inventaire et d'un moratoire de quelques mois, entend réenclencher la machine. Il maintient donc l'objectif du programme local de l'habitat (PLH) de 3.000 nouveaux logements par an dans les opérations d'aménagement (Bassins à flot, Brazza, Bastide Niel, Euratlantique). S'y ajouteront des constructions neuves dans le diffus qui seront contenues à moins d'un millier par an et seront des cibles prioritaires pour le logement social. Parallèlement, les logements en défiscalisation ne seront acceptés qu'à la marge, comme variable d'équilibre des projets. Tous secteurs confondus, 3.450 logements neufs par an ont été autorisés à Bordeaux entre 2017 et 2019, contre 2.500 environ entre 2012 et 2016.

  • Respecter la loi SRU en 2025

De 14,2 % en 1995, la ville de Bordeaux affiche aujourd'hui un taux de logements sociaux de seulement 18,5 %, loin de l'objectif légal de 25 % en 2025 fixé par la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU). Les logements sociaux bordelais sont en outre très mal répartis et principalement concentrés au Grand Parc, aux Aubiers et à la Benauge quand d'autres quartiers en sont presque totalement dépourvus. La mairie se fixe l'objectif ambitieux de construire 1.500 nouveaux logements sociaux par (contre 1.200 par an au cours du mandat précédent) pour résorber le retard estimé à plus de 9.000 logements et être ainsi au rendez-vous de la loi SRU en 2025.

Pour tenter d'y arriver, elle imposera 40 % de logement social (contre 35 % auparavant) et 10 % d'accession sociale dans les secteurs de diversité sociale (SDS) qui concernent la majeure du partie du territoire communal. Elle élargira également les servitudes de mixité sociale (SMS), qui imposent des objectifs sociaux encore plus importants, aux projets à partir de 1.500 m2 contre 2.000 m2 actuellement. L'outil du bail réel solidaire (BRS), qui permet de dissocier le foncier et le bâti, sera également mobilisé. Une dizaine de projets sont en route avec des premières pierre prévues en fin d'année dans le centre-ville et la mairie vise 300 logements en BRS par an. De même, une politique de conventionnement avec des propriétaires privés sera menée pour conventionner environ 100 logements sociaux par an dans le parc privé diffus sans pour autant d'engager une politique d'acquisition volontariste au-delà de l'action d'Incité.

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  •  Le label "bâtiment frugal bordelais"

Elaboré avec les services de la Métropole et les promoteurs depuis plusieurs mois, le label "bâtiment frugal bordelais" est enfin défini et sera présenté officiellement le 17 mai. Présenté comme "un référentiel très précis", il compile 42 critères, dont 20 principaux, qui ont trait à la végétalisation, à la désimperméabilisation des sols, aux matériaux bio-sourcés dans un rayon de 200 km, à la dimension participative, à la qualité du bâti en favorisant les logements traversants ou en double exposition, aux surfaces extérieures, etc.

"Ce document n'est pas encore opposable aux permis de construire et il ne le sera qu'en 2023, une fois annexé au Plan local d'urbanisme [dans le cadre d'une modification simplifiée, NDLR]. Mais, depuis le début de l'année, on s'appuie sur cette démarche dans notre travail de négociation et de convictions avec les promoteurs", précise Bernard-Louis Blanc. Une quinzaine de projets "démonstrateurs" seront présentés courant mai totalisant plus de 1.350 logements, dont un projet par Idéal Groupe à Gambetta ou un autre de Fayat Immobilier, Square Saint Louis aux Chartrons. "Nous n'allons pas attendre deux ans pour agir et nous donnons dès aujourd'hui une règle du jeu", appuie Pierre Hurmic

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  • La régulation du parc privé

Qualifié de "fou", le marché immobilier bordelais, à la transaction comme à la location, a vocation à être mieux régulé, selon la mairie. Stéphane Pfeiffer, l'adjoint au maire en charge du service public du logement et de l'habitat, a ainsi égrené les dispositifs prévus. Pour lutter contre l'insalubrité, la précarité énergétique et les marchands de sommeil, un permis de louer sera déployé dès janvier 2022 dans le secteur cours de la Marne, Victoire, Saint-Michel, Belcier. Dans les zones plus résidentielles, à l'instar de Caudéran, c'est un permis de diviser qui entrera en vigueur au même moment pour évaluer l'opportunité des fractionnements de parcelles ou d'immeubles.

Parallèlement, la mairie, qui a candidaté via la Métropole à l'expérimentation de l'encadrement des loyers, attend toujours une réponse de l'Etat et assure qu'elle renforcera le contrôle des locations de meublés touristiques, les fameux logements Airbnb (environ 7.000 annonces en 2020), et la lutte contre les 5.000 logements vacants (*). Toutes ces démarches auront vocation à être explicitées au sein d'une "maison du logement" qui devrait ouvrir ses portes prochainement.

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  •  Muscler l'action foncière

"Nous constatons depuis plusieurs années une surenchère sur le foncier entre les promoteurs et même les bailleurs sociaux qui pousse les prix jusqu'à 700, 800 ou 900 €/m2 voire même au-delà", souligne Bernard-Louis Blanc, qui entend bien rompre ou, au moins, atténuer cette tendance, brandissant l'arme de la préemption. "Le diffus sera un marché clef à Bordeaux pour la décennie qui vient [...] Il faut reprendre en main l'économie des projets dans le diffus en allant jusqu'à la préemption du foncier par la puissance publique pour garder la main sur l'évolution des prix", prévient-il, rappelant que "la mairie ne dispose plus d'aucune réserve foncière aujourd'hui". Une convention particulière est ainsi en cours de discussion avec l'Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine pour accentuer son action auprès des offices fonciers solidaires et des bailleurs sociaux.

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  • L'hébergement d'urgence

Enfin, alors que 4.000 personnes sont en attente d'un hébergement, la mairie annonce le lancement d'une étude pour créer un millier de places d'hébergement pour les personnes à la rue d'ici à 2026. Une nouvelle aire d'accueil pour les gens du voyage doit aussi être mise en construction en 2022.

(*) Le 4 mai 2021, le ministère du Logement a retenu la candidature de Bordeaux Métropole dans le cadre du "Plan national de lutte contre le logement vacant". Cet appel répond au besoin de la métropole de résoudre un problème de logements inhabités, qui représentent entre 3 et 5 % du parc immobilier, d'après l'agence d'urbanisme. Dès lors, la métropole pourra accéder à un nouveau jeu de données "Lovac" (permettant d'avoir des informations sur les logements concernés et les analyses associées) ainsi qu'à la solution numérique "Zero logement vacant" (permettant de réaliser un repérage des logements et propriétaires sur le marché des biens, dispositif qui sera mis en place pour 17 territoires à partir de mai 2021), et obtenir des crédits d'ingénierie.

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