"L'objectif numéro un est de sortir du tout béton à Bordeaux" Bernard-Louis Blanc (2/2)

INTERVIEW. Inventaire des permis de construire, contours du futur label du Bâtiment frugal bordelais, ambitions en matière de logement social et positionnement vis-à-vis de l'opération Bordeaux Euratlantique : dans ce second volet de son long entretien à La Tribune, Bernard-Louis Blanc, adjoint au maire de Bordeaux en charge de l'urbanisme résilient, aborde plusieurs dossiers chauds. "Nous nous engageons à atteindre ce seuil de 25 % de logements locatifs sociaux en six ans même si je sais qu'il sera très difficile à atteindre", promet-il.
Ancien directeur général d'Aquitanis de 2008 à 2019, le bailleur social de Bordeaux Métropole, Bernard-Louis Blanc est désormais adjoint au maire de Bordeaux en charge de l'urbanisme résilient.
Ancien directeur général d'Aquitanis de 2008 à 2019, le bailleur social de Bordeaux Métropole, Bernard-Louis Blanc est désormais adjoint au maire de Bordeaux en charge de l'urbanisme résilient. (Crédits : Agence APPA)

Ceci est la deuxième partie du long entretien avec Bernard-Louis Blanc, l'adjoint au maire de Bordeaux en charge de l'urbanisme résilient. La première partie de cet entretien, publiée le 3 novembre, est disponible ici : "A Bordeaux, on va ralentir le flux de constructions neuves" Bernard-Louis Blanc (1/2).

LA TRIBUNE - Pendant la campagne, Pierre Hurmic a promis un gel des grosses opérations urbaines. Aujourd'hui, vous parlez de moratoire, d'inventaire, ou d'arpentage pour réorienter les projets vers plus d'écologie... Au-delà des mots, qui est concerné par cette démarche ?

Les permis de construire qui sont déjà signés ne sont pas concernés et on ne va pas non plus aller regarder les maisons individuelles. Cela concerne les permis de construire pour des logements en collectif dans les zones d'aménagement mais aussi dans le diffus. Ceux qui sont en cours d'instruction ou en amont de l'instruction. Mais, début septembre, nous avions déjà signé 70 permis de construire qui étaient dans les tuyaux issus de l'ancienne majorité. On ne va donc pas bloquer la machine ! Pour ceux qui sont en cours d'instruction, nous allons les voir pour mener un travail de sensibilisation et de négociation.

Que leur demandez-vous très concrètement lors de cette phase de négociation ?

L'objectif numéro un est de sortir du tout béton en zone d'aménagement comme en diffus ! C'est-à-dire de prévoir systématiquement un mix béton-bois pour la structure du bâtiment, du bois pour les murs et cloisons intérieures, etc. Pour le futur centre commercial Europe au Grand Parc où il y aura des commerces et plus de 200 logements neufs, le lauréat que nous venons de désigner - BNP, Pitch Promotion et Axanis avec Patriache - nous propose même des structures entièrement en bois, des planchers bois et des murs intérieurs en briques de terre. Ça par exemple, c'est très bien ! Et c'est ce type de projet que je souhaite prendre comme démonstrateur de ce que nous voulons à Bordeaux.

Lire aussi : Immobilier : les promoteurs craignent que Bordeaux Métropole manque de logements

Ce sont les fameux projets qui recevront le label Bâtiment frugal bordelais. De quoi s'agit-il et avec quelle valeur juridique contraignante ?

L'idée est de construire un référentiel du Bâtiment frugal bordelais comportant une quinzaine de critères précis pour, dans un premier temps, qualifier les projets qui viennent d'obtenir un permis de construire et qui vont, à nos yeux, dans la bonne direction. L'idée est de nourrir la réflexion de tous les promoteurs et de leur indiquer la voie dans laquelle il faut s'engager. D'ici la fin de l'année, j'espère pouvoir présenter dix démonstrateurs du référentiel dont deux ou trois sont déjà livrés. Ensuite, dans un deuxième temps, on présentera début 2021 le référentiel en lui-même qui ne sera pas une simple charte. Il sera opposable juridiquement aux porteurs de projets et annexé au plan local d'urbanisme. Ce référentiel comportera des dimensions techniques, sociétales, environnementales, économiques et paysagères.

Outre la construction bois, avez-vous des exemples plus précis de ces futurs critères ?

Un point extrêmement important pour nous sur le plan sociétal est la possibilité pour les futurs habitants de participer à la conception du projet, aux usages et à la partition de leur futur logement. Le tout sans perdre de temps. Le projet Locus Solus de 50 logements au Grand Parc et le projet Paul Boncour, rive droite, sont de bons exemples. [Il s'agit de deux projets portés par le bailleur social Aquitanis dirigé par Bernard-Louis Blanc de 2008 à 2019] Un autre aspect sociétal important à nos yeux est la prise en compte des personnes âgées que nous souhaitons voir être présentes partout dans l'offre de logements plutôt que cantonnées dans une résidence dédiée.

Sur le plan environnemental, un point important sera le coefficient de biotope par surface qui répondra à la question du zéro artificialisation. Le zéro artificialisation en milieu urbain déjà constitué moi je ne sais pas faire, sauf à construire uniquement sur des parkings. Donc on a opté pour la mesure de l'imperméabilisation à l'échelle de chacun des projets. Vous avez 1.000 m2 de terrain dont 500 m2 de bâti. On va calculer le coefficient d'imperméabilisation de ces 500 m2 restant en fonction de la voierie, des parkings, des espaces verts, etc.. Avec, au-delà d'un certain seuil que nous allons fixer, un système de compensation par de la plantation ailleurs. Certains promoteurs s'y sont déjà mis.

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Quelles seront vos attentes vis-à-vis des particuliers qui font construire à Bordeaux ?

Pour la maison individuelle d'un particulier, on se contentera de demander des matériaux bio-sourcés et de travailler sur la résistance de son logement aux fortes chaleurs d'été avec des solutions simples telles que des protections solaires, de casquettes, de ventilation naturelle, etc. Ensuite, on lui demandera de prévoir une végétalisation optimale au niveau de chaque parcelle et notamment le frontage, c'est-à-dire une forme de rideau vert en façade qui procure à la fois de l'isolation et de l'intimité.

Cela nous amène sur le terrain de la biodiversité. Quelles sont vos propositions en la matière ?

L'idée est de tirer la trame verte et bleue de la métropole dans la ville de Bordeaux en répertoriant tous les espaces verts et naturels et en les mettant en réseau pour créer de vrais cheminements arborés et/ou rafraîchissants et de vrais îlots de fraicheur. Cela sera débattu dans le cadre de la révision du PLU intercommunal. Plus que construire des logements le long des transports en commun, on privilégiera demain de l'habitat le long des trames vertes et bleues. La modification simplifiée du PLU sera enclenchée avant la fin de l'année 2020.

Alors que le marché immobilier bordelais flambe, le logement social a été quasi absent de la campagne électorale. Vous engagez-vous à atteindre le seuil légal de 25 % de logements locatifs sociaux à Bordeaux d'ici 2026, contre moins de 18 % aujourd'hui ?

Nous avons défendu pendant la campagne une part de 50 % de logements sociaux dans tout programme neuf. Nous nous engageons effectivement à atteindre ce seuil de 25 % en six ans parce qu'il faut qu'on se donne cet objectif même, si très sincèrement, je sais qu'il sera très difficile à atteindre. A la fin du mandat, il faut que nous soyons sortis de la loi SRU. Quand je divise le nombre de logements sociaux qu'il manque à Bordeaux cela aboutit à un objectif de 1.500 nouveaux logements sociaux par an. Donc on va afficher cet objectif et partir de là et de notre promesse de 50 % pour fixer un cap théorique de 3.000 nouveaux logements dont la moitié de sociaux.

Parallèlement, je ne souhaite pas qu'on inscrive dans le PLU un objectif de logements abordables à 3.000 €/m2, comme le proposait l'ancienne majorité, parce que tout le monde sait que ce n'est absolument pas tenable d'un point de vue économique. Donc j'ai réuni un conseil de professionnels pour remettre ce sujet à plat dans les mois qui viennent pour fixer un prix du logement abordable qui soit réaliste tout en garantissant une qualité du bâti. Mais le curseur n'est pas évident à fixer puisqu'au-delà de 3.500 €/m2 on n'est plus dans l'abordable.

Parlons de l'OIM Bordeaux Euratlantique qui fête ces dix ans. Avec Pierre Hurmic, vous avez largement critiqué cette opération pendant la campagne. Qu'en est-il maintenant que vous êtes en responsabilité ?

Il y a un vrai désaccord entre l'EPA et la mairie mais les relations seront meilleures maintenant que Pierre Hurmic a été élu à la présidence de l'établissement public d'aménagement. Nous restons, par exemple, fermement opposés au projet de la « Rue bordelaise » et nous l'avons fait clairement explique à Stéphan De Faÿ, le directeur général, qui doit désormais nous présenter en détail une stratégie de sortie de ce projet. Pierre Hurmic n'est absolument pas favorable à la marchandisation de la ville. L'idée d'ouvrir une nouvelle artère n'est pas absurde mais le tracé envisagé entraîne la destruction de plusieurs bâtiments que nous souhaitons conserver, dont celui de l'Insee. Et au-delà, je ne suis pas favorable à la logique d'ensemble d'Euratlantique qui s'inscrit dans la vision de l'Etat, initiée par François Hollande, de concentration de toutes les activités dans les métropoles. C'est en partie ce qui a donné naissance aux Gilets jaunes. Je m'inscris plutôt dans les réflexions d'Olivier Bouba-Olga sur ces sujets.

Lire aussi : Bordeaux Euratlantique : la Rue bordelaise, "nouvel idéal urbain" ou "vision dépassée" ?

Quelle marque de fabrique allez-vous essayer d'imprimer pour faire évoluer l'OIM Euratlantique qui se trouve à la moitié du gué ?

Sur le plan environnemental, il y a désormais un peu de construction bois, c'est bien mais ce n'est pas non plus la plus haute tour en bois d'Europe comme le dit Eiffage. Mais on va pouvoir travailler ensemble là-dessus car Euratlantique sera une ressource intéressante. Pour le reste, on discute pied à pied avec l'EPA sur la qualité de la construction, la densité, la part de logements sociaux, le plan paysage, etc. Il a déjà engagé 70 % de ses projets donc nos marges de manœuvre sont faibles. Quand vous allez vous promener dans le quartier Armagnac, qui est achevé, il n'y pas beaucoup d'espaces verts. Le futur jardin de l'Ars qui viendra dans le futur devra compenser tout le reste ! On n'est pas d'accord avec cette vision des choses et le plan paysage devra évoluer et être renforcé.

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Cet article fait partie de notre dossier de novembre consacré au marché immobilier dans la région bordelaise :

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Commentaires 4
à écrit le 04/11/2020 à 9:58
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Oui mais en UE qui n'a jamais évolué depuis 1992, le béton, l'agro-industrie ce sont de puissants lobbys qui s'ils ne peuvent pas rentrer par la porte rentrent par la fenêtre et qu'ils ne peuvent pas rentrer par la fenêtre finiront par détruire votre...

le 05/11/2020 à 14:54
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Je vais répondre ici à votre réponse a mon commentaire du volet 1 de cette série. Je suis d'accord qu'une option peut être aussi de "bloquer" la croissance dans les grands centres et de la "favoriser" dans les déserts afin de répartir la population. ...

le 05/11/2020 à 15:09
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Mon idée est que nos villes devraient suivre la voie de Seattle. Cette ville US a définit une limite géographique qui borde la ville afin de mettre une fin à l'étalement urbain. En dedans, la ville a identifié des villages urbains qui sont des centre...

le 08/11/2020 à 9:27
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@ "Je vais répondre ici à votre réponse a mon commentaire du volet 1 de cette série. " Ben oui tiens c'est vrai, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué hein... :-)

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