Malgré la pandémie de coronavirus Bordeaux Métropole reste attractive, mais les professionnels adhérents de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) de Nouvelle-Aquitaine, dont le succès de l'activité professionnelle dépend de nombreux facteurs, comme le dynamisme démographique et économique, tout en étant soumis à de fortes contraintes règlementaires, ne se montrent pas vraiment optimistes.
Dépendants des décisions prises par les maires pour obtenir les permis de construire, les promoteurs immobiliers n'aiment pas les années d'élections municipales, très souvent synonymes de gel des constructions. Sur ce plan, l'année 2020, avec sa première séquence de 55 jours de confinement intégral, qui a coupé en deux grandes parties le 1er et le 2e tour des élections municipales, a battu tous les records de manque de visibilité.
D'autant que la pandémie a provoqué l'arrêt pendant plusieurs semaines de la plupart des chantiers. Cerise sur le gâteau, plusieurs grandes métropoles françaises, dont Poitiers et Bordeaux, en Nouvelle-Aquitaine, ont basculé dans un camp écologiste généralement critique voire hostile à la promotion immobilière. Mais ce qui semble le plus préoccuper Arnaud Roussel-Prouvost est ailleurs et date d'avant les dernières Municipales.
Une baisse drastique des dossiers autorisés
"Nous manquons encore de chiffres précis concernant les permis de construire mais il y a eu une période délétère dans ce domaine en 2019 et même un peu avant. Lors de cette période, à l'approche des élections municipales, nous avons assisté à une baisse drastique des dossiers de constructions autorisés. Au deuxième trimestre 2020, le nombre de mises en ventes de logements neufs dans la Métropole a chuté de -87 % sur un an, et ce n'est pas la conséquence de la crise sanitaire", alerte le président de la FPI de Nouvelle-Aquitaine.
Arnaud Roussel-Prouvost, le président de la FPI Nouvelle-Aquitaine (crédits : Agence Appa)
La crise sanitaire n'a toutefois pas été sans effet puisque les bureaux de vente des nouveaux programmes immobiliers ont fermé, provoquant une chute des ventes de 63 % au deuxième trimestre, précise Arnaud Roussel-Prouvost.
Les opérations immobilières sous la fourche caudine écologiste
Avec l'arrivée des écologistes à la tête de grandes villes, comme Bordeaux, la traditionnelle période de flottement dans l'étude des dossiers due à l'arrivée de nouvelles équipes a pris une nouvelle tournure.
"Cette année il y a eu un changement de cap : les nouveaux élus ont commencé à auditer les dossiers qui n'avaient pas encore de permis de construire. Les grandes opérations immobilières sont désormais analysées via un prisme écologique. Euratlantique, Brazza, Bastide Niel : la nouvelle gouvernance municipale bordelaise réexamine ces projets à fond tant que « le coup n'est pas parti », ce qui est la nouvelle formule en vogue à la mairie", décrypte le président de la FPI de Nouvelle-Aquitaine.
Preuve d'un changement politique de fond, l'adoption par les nouvelles autorités municipales du label « Bâtiment frugal bordelais ». Comme le précise à La Tribune Bernard-Louis Blanc, 4e adjoint à la mairie de Bordeaux, qui est le nouvel homme fort de l'urbanisme à Bordeaux et dans la Métropole, ce label, dont les détails sont en cours de finition, va par exemple impliquer de prévoir systématiquement, et à minima, "un mix béton-bois" pour la structure des nouveaux bâtiments.
Un enjeu écologique pris en compte par toute la filière
"Cette démarche soulève des problématiques nouvelles que nous connaissons dans la filière. Nous réfléchissons tous à ces enjeux, que l'on soit architecte, paysagiste, constructeur, etc. L'idée c'est bien d'inclure l'impact écologique dans la construction", synthétise Arnaud Roussel-Prouvost.
En formulant cet avis, le patron de la FPI ne se livre pas à un pur exercice de style écolo-compatible, parce que les enjeux portés par l'écologie tendent à se populariser dans tous les secteurs d'activités et en particulier celui de la construction de logements. Ce qui n'empêche pas Arnaud Roussel-Provost d'avoir de vraies divergences, comme la plupart des promoteurs immobiliers, avec la nouvelle vision urbaine portée par la mairie.
Rien à voir au premier abord avec ce virage écologique reconnu comme nécessaire dans le logement. La pomme de discorde tient en l'occurrence sur la façon de compter les moutons, en clair d'évaluer le nombre de logements à construire chaque année pour pouvoir loger les habitants de Bordeaux Métropole.
Une vraie divergence sur le nombre de logements nécessaires
"Le recul des ventes nettes témoigne que la production de logements a énormément baissé entre les premiers semestres 2019 et 2020. Avec la situation actuelle, nourrie comme je l'ai dit par ce qui s'est passé l'an dernier, nous risquons de produire 5.000 logements, alors qu'il en faut 10.000 par an à Bordeaux Métropole pour loger la population ! A cause de la forte hausse de la démographie naturelle, des apports de population extérieurs mais aussi de la décohabitation", martèle le promoteur.
Là où la nouvelle majorité mesure, comme le souligne Bernard-Louis Blanc dans notre interview, que seuls 5.000 logements neufs par an sont réellement nécessaires pour répondre aux besoins de la population aux vues des préconisations le programme local de l'habitat (PLH).
Un outil à propos duquel Arnaud Roussel-Prouvost, qui le juge politique, ne veut pas polémiquer. Même s'il ne lui semble pas adapté à la situation. Le promoteur est d'accord pour dire que Bordeaux est une ville très minérale "par tradition" et soutient le projet écologiste de végétalisation accrue des nouveaux écoquartiers de Bastide Niel et Brazza en cours de développement sur la rive droite.
Les promoteurs d'accord pour planter un million d'arbres
"Nous sommes d'accord pour remettre de la nature en ville, lutter contre les îlots de chaleur et améliorer la qualité de vie. Oui c'est important de planter des micro-forêts urbaines et je suis d'accord pour accompagner cette opération qui va consister à planter un million d'arbres à Bordeaux Métropole. Cela va dans le sens de l'Histoire, les promoteurs immobiliers en ont conscience aussi ! Mais pour planter plus, il va falloir libérer des espaces de pleine terre. Et comme nous devons éviter l'étalement urbain, cela signifie qu'il va falloir gagner en hauteur", avertit Arnaud Roussel-Prouvost.
Un sujet dont il connaît la forte charge émotionnelle auprès des Bordelais, pour lesquels les constructions basses et l'accès visuel au ciel sont des repères de base. Une géométrie urbaine modelée à Bordeaux par l'Intendant Tourny et qui a fait écho, au moins jusqu'au début des années 1980, à celle de Londres, où les tours se sont ensuite mises à pousser.
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Cet article fait partie de notre dossier de novembre consacré au marché immobilier dans la région bordelaise :
- "A Bordeaux, on va ralentir le flux de constructions neuves" Bernard-Louis Blanc (1/2)
- "L'objectif numéro un est de sortir du tout béton à Bordeaux" Bernard-Louis Blanc (2/2)
- Immobilier : les promoteurs craignent que Bordeaux Métropole manque de logements
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