Le marché immobilier bordelais stationne à très haute altitude

Après des années de flambée des prix, l'accalmie initiée en 2019 sur le marché immobilier bordelais s'est confirmée en 2020 et devrait durer. Les prix devraient ainsi se stabiliser à près de 5.000 €/m2 dans la ville centre, un niveau prohibitif pour de très nombreux ménages. Mais le retournement du marché n'est toujours pas à l'ordre du jour selon les professionnels, notamment avec le regain d'intérêt des acheteurs pour les éléments extérieurs post-confinement.
(Crédits : Agence APPA)

"Les délais de vente se sont un peu allongés avec parfois un mois pour certains biens contre huit jours auparavant. Les acheteurs tentent de plus en plus des offres à la baisse et il y en a qui passent alors que ça n'arrivait jamais ces dernières années ! Bordeaux n'est plus la poule aux œufs d'or et les vendeurs entendent enfin cette réalité", témoigne Gilles Bourdry, qui dirige une agence immobilière Citya dans le centre-ville de Bordeaux.

Un secteur de moins en moins attractif tant les prix y ont atteint des sommets à plus de 7.000 €/m2, y compris pour des biens à rénover, et où ils se stabilisent enfin (+0,1 % sur un an à fin août 2020). "A Bordeaux centre, les acquéreurs ne sont que des couples secundo-accédants plutôt aisés. La plupart de nos ventes se font désormais en 1ere couronne qui est devenue le marché cible pour beaucoup de ménages", poursuit ce professionnel, qui constate également une évaporation des profils d'investisseurs. Ces derniers délaissant Bordeaux au profit de villes plus rentables telles que Libourne, Périgueux, Limoges, Poitiers, etc. "A Bordeaux, Les acquéreurs sont un peu plus dans la réflexion, l'attente, la négociation et tentent des offres à la baisse. Les biens au prix partent vite mais ceux qui sont au-dessus ne sont désormais plus visités, ni appelés", confirme Camille Faloci, la présidente de l'Unis en Gironde. En clair, les appartements comme les maisons ne partent plus à n'importe quel prix et l'emballement a cédé la place à un peu plus de rationalité.

Lire aussi : Immobilier : un vent d'accalmie souffle enfin sur Bordeaux (11/14)

Les prix restent orientés à la hausse

Une page est donc bel et bien tournée à Bordeaux, celle de la flambée des prix. Mais malgré ce relatif apaisement sur la ville centre, les marchés immobiliers en Gironde, à Bordeaux Métropole et à Bordeaux restent dynamiques et orientés à la hausse, selon les derniers chiffres compilés par les notaires girondins : +7 % sur un an pour les maisons en Gironde et +4 % pour les appartements anciens à Bordeaux Métropole, par exemple (lire encadré en fin d'article).

"Sur le marché français, on est globalement sur un changement de cycle avec des prix en hausse depuis cinq ans grâce à l'effet conjugué des taux bas, de l'accès au crédit, de la croissance économique et de la baisse du chômage. Bordeaux a été l'une des stars de ce cycle avec des hausses très significatives de +65 % en dix ans et +40 % en cinq ans", recontextualise Thomas Lefebvre, le directeur scientifique du réseau MeilleursAgents, qui fait état d'une évolution des prix à Bordeaux de +0,9 % sur douze mois à fin septembre 2020.

Et pas d'inquiétude de voire la tendance s'inverser même si les conséquences de la crise sont dans toutes les têtes avec un taux de chômage qui devrait dépasser 11,5 % à l'horizon mi-2021, à Bordeaux comme ailleurs. "La crise économique et sanitaire impacte les fondamentaux du marché. L'accès au crédit va être durci et se durcit déjà avec des critères plus stricts. Mais même si le taux de refus a doublé à 11 %, cela signifie que près de 90 % des ménages obtiennent leur prêt", relativise-t-il, tablant ainsi sur une stagnation des prix bordelais jusqu'à septembre 2021.

Prix immobilier Bordeaux Métropole octobre 2020

Les prix de l'immobilier à Bordeaux Métropole au 1er octobre 2020, selon MeilleursAgents. A Bordeaux, le prix moyen des appartement est de 4.451 €/m2 et celui des maisons de 5.193 €/m2. (cliquez sur l'image pour l'agrandir).

Un constat peu ou prou partagé par Thibault Sudre, notaire à Bordeaux : "Le marché reste liquide, les biens de qualité partent très vites. Pour 2021, c'est la feuille blanche compte tenu de la situation mais je mise sur un plateau des prix à Bordeaux avec une baisse du nombre de transactions tandis que la baisse des livraisons de logements neufs devrait mécaniquement renchérir l'ancien."

Lire aussi : "A Bordeaux, on va ralentir le flux de constructions neuves" Bernard-Louis Blanc (1/2)

Un marché actif depuis le déconfinement

Il faut dire qu'après les six semaines de pause totale lors du confinement du printemps, le marché immobilier à Bordeaux et en Gironde est reparti de plus belle avec une activité soutenue pendant tout l'été. Ceux qui avaient un projet immobilier ne l'ont pas annulé mais simplement décalé dans le temps. "On a eu un phénomène de rattrapage très significatif jusqu'à fin août avec par exemple +70 % d'activité en juin par rapport à juin 2019. Il y a eu ensuite un atterrissage du marché avec toujours beaucoup d'acheteurs mais un regard plus précis des banques sur leurs dossiers de financement. Mais jusqu'au reconfinement du 30 octobre, on s'attendait à rattraper le retard du 1er confinement avec un chiffre d'affaires équivalent en 2020 à celui de 2019", résume Denis Chupin, responsable des 31 agences bordelaises de la Bourse de l'immobilier. La Chambre des notaires de Gironde espérait elle-aussi boucler l'année 2020 avec seulement un léger retard en volume par rapport au très bon cru 2019.

D'autant que les prix restent encore tirés par certains attributs qui ont trouvé ou retrouvé un caractère inflationniste après le confinement du printemps. De l'avis de tous les professionnels, les jardins, cours, terrasses et balcons sont des éléments qui étaient déjà appréciés mais qui sont encore plus valorisés après les six semaines de chacun chez soi. "Plusieurs acheteurs qui cherchaient un appartement avant le confinement ont finalement opté pour une maison avec jardin à l'extérieur de Bordeaux au déconfinement", note en effet Camille Faloci. Et, fait nouveau, le fameux bureau, cette pièce ne disposant pas des 9 m2 règlementaires pour devenir une chambre, récupère aussi des couleurs : "Ce qu'on appelle les pièces noires, c'est-à-dire les pièces sans nécessairement de lumière naturelle que sont les combles, greniers, caves et bureaux, sont davantage recherchées parce qu'elles ont désormais réellement une utilité pour s'isoler et retrouver un peu de calme en télétravail", observe le notaire Thibault Sudre.

Quelle place pour les classes moyennes ?

Mais malgré ce relatif apaisement du marché, les prix pratiqués à Bordeaux restent à un niveau prohibitif pour le plus grand nombre. "Les prix sont déjà très hauts : il n'y a plus d'acheteurs célibataires à Bordeaux, uniquement des secundo-accédants ou des profils avec de gros apports", alerte Thibault Sudre. Et la situation ne risque pas de s'améliorer avec la crise puisque les banques scrutent désormais de près les secteurs d'activités des emprunteurs et leur exposition à la crise économique. Si bien que le CDI dans l'aéronautique, par exemple, n'est plus aujourd'hui le sésame qu'il était encore en janvier 2020. Et ce très haut niveau de prix pratiqués à Bordeaux est désormais source d'un nouvel assèchement du marché puisque qu'en plus des ménages modestes, ce sont désormais les classes moyennes installées - instituteurs, professeurs, fonctionnaires, salariés, cadres mais aussi ingénieurs ou professions libérales - qui n'ont tout simplement plus les moyens d'acheter à Bordeaux. C'est ce qu'observe Michel Mouillart, directeur scientifique de SeLoger :

"Le marché est désormais moins alimenté en demande puisque que toute une partie des classes moyennes en est désormais exclue. Pour acheter à 4.800 €/m2, ça implique soit d'avoir revendu un bien, soit d'avoir un apport significatif issu d'un gain ou d'un héritage... Sans ça, on ne rentre plus sur ce marché bordelais ! Notamment en raison du taux d'effort plafonné à 33 % par les banques. Ces classes moyennes en sont mécaniquement exclues si bien que le marché bordelais connaît une activité moins importante et surtout portée par des ménages aisés. La crise n'a pas encore appauvrit les clientèles mais a déjà renforcé ce mouvement de sortie des classes moyennes et modestes qui, par ailleurs, est un constat valable partout en France dans les villes de plus de 100.000 habitants."

Par conséquent, l'analyste de SeLoger table sur une évolution des prix sur l'ensemble de la métropole bordelaise de l'ordre de +3 % à 3,5 % dans les prochains mois. "Les quartiers bordelais qui fonctionnent le mieux sont les plus accessibles : Bacalan, Bastide, Belcier, etc. C'est là que les primo-accédants ont encore quelques espoirs d'acheter, sinon ils vont à Talence, Bruges, Bègles, Eysines, voire encore plus loin.", abonde Denis Chupin, pour la Bourse de l'immobilier.

Et Mathieu Massie, le président de la Chambre des notaires de Gironde, de s'inquiéter lui aussi des conséquences de la crise économique sur ce marché bordelais : "La région bordelaise reste un territoire privilégié qui attire les ménages. Il y aura une sélection de plus en plus stricte dans les mois qui viennent parce que de nombreux acteurs économiques, notamment les petits commerçants, vont beaucoup souffrir de la crise. Mais pour l'heure on constate que les acquéreurs sont encore là et prêts à se lancer dans leur projet immobilier Et ils pourront compter sur les notaires pour les accompagner puisque pendant ce nouveau confinement, les études notariales ne fermeront pas et vont continuer à établir des actes à distances ou en présentiel."

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L'évolution sur un an des prix des actes définitifs de vente enregistrés par la Chambre des notaires de Gironde entre le 31 août 2019 et le 31 juillet 2020.

Pour les appartements anciens :

  • +3,5 % en Gironde
  • +4 % à Bordeaux Métropole
  • +1,4 % à Bordeaux

Pour les appartements neufs :

  • +3,4 % en Gironde
  • +3,7 % à Bordeaux Métropole
  • +0 % à Bordeaux

Pour les maisons anciennes :

  • +7 % en Gironde
  • +2 % à Bordeaux Métropole
  • +5,9 % à Bordeaux

Pour les maisons neuves :

  • +7,7 % en Gironde
  • +5 % à Bordeaux Métropole
  • pas suffisamment de données disponibles à Bordeaux.

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Cet article fait partie de notre dossier de novembre consacré au marché immobilier dans la région bordelaise :

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Commentaires 2
à écrit le 07/11/2020 à 16:55
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Articles aussi hors sol que les prix immobilier de Bordeaux... Les dernières nouvelles des notaires annoncent une baisse dans quasi TOUTES les métropoles y compris Paris. L'économie va être dans des turbulences comme jamais, beaucoup de faillites, ...

à écrit le 06/11/2020 à 10:29
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Bon c est sur qu on va pas demander aux pro de l immobilier de dire que le marché va baisser, ca serait se tirer une balle dans le pied. Mais est ce possible de demander aux journalistes un peu d esprit critique ? Le PIB va chuter de 10 %, on anno...

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