Ces projets immobiliers qui servent de test au Bâtiment frugal bordelais

La mairie de Bordeaux a mis la dernière main à son label Bâtiment frugal bordelais, dont les démonstrateurs grandeur nature auront bientôt fini leur travail de réglage. Une dizaine de programmes immobiliers seront au final passés par les fourches caudines de ce nouveau référentiel architectural, en prise directe sur les dernières innovations urbaines en phase avec la COP 21.
Pour cet immeuble à Bordeaux Saint-Augustin, le promoteur Ideal Groupe a remis en jeu son permis de construire pour retravailler le projet et décrocher les trois étoiles du label du Bâtiment frugal bordelais dévoilé ce 17 mai 2021.
Pour cet immeuble à Bordeaux Saint-Augustin, le promoteur Ideal Groupe a remis en jeu son permis de construire pour retravailler le projet et décrocher les trois étoiles du label du Bâtiment frugal bordelais dévoilé ce 17 mai 2021. (Crédits : Idéal Groupe)

Le nouveau label de Bâtiment frugal bordelais et ses 42 critères n'est pas seulement le fruit d'une opération de marketing politique lancée par le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, et son bras droit pour l'urbanisme, Bernard Blanc, sur un coup de tête. Ce label est l'adaptation locale du concept de bâtiment frugal présenté en décembre 2015 pendant la COP 21 par une équipe de l'Institut pour la conception écoresponsable du bâti (Iceb) : une association logée à la Maison de l'architecture, à Paris, où se retrouvent plus de 70 urbanistes, ingénieurs, architectes, économistes...

Lire aussi : « Les promoteurs doivent s'emparer du Bâtiment frugal bordelais dès aujourd'hui » (Bernard Blanc)

Cette démarche a ensuite conduit à la publication en 2018 du "Manifeste pour une frugalité heureuse dans l'architecture et l'aménagement des territoires urbains et ruraux" lancé par Alain Bornarel, ingénieur de l'Ecole centrale à Paris, fondateur du bureau d'études Tribu, Dominique Gauzin-Müller, architecte-chercheur, enseignante, et Philippe Madec, architecte et urbaniste, à Paris et Rennes. "Ce manifeste de la frugalité a recueilli des milliers des signatures et donné naissance à des rencontres annuelles très suivies", observe pour La Tribune Bernard Blanc. Et ce d'autant plus facilement que depuis 2012 l'association Ekopolis, à Pantin (Sainte-Saint-Denis), organise chaque année les rencontres à succès du "Off du développement durable", avec l'Iceb.

A la croisée des labels méditerranéen et néo-aquitain

"Un grand nombre d'opérations ont été lancées en Paca (Provence-Alpes-Côte-d'Azur) à partir du Off du développement durable, en particulier à Marseille, ce qui a conduit à la création du référentiel Bâtiments durables méditerranéens (BDM), dont s'est inspirée la démarche Bâtiments durables en Nouvelle-Aquitaine (BDNA)", éclaire Bernard Blanc.

Un référentiel BDNA récemment mis en place par le cluster Odéys et Nobatek/Inef-4, centre de recherche appliqué néo-aquitain devenu en 2014 Institut national pour la transition énergétique et environnementale (Ite).

"Avec le label Bâtiment frugal bordelais nous recollons ces deux référentiels pour créer un nouvel outil qui soit parfaitement adapté aux réalités climatiques, écologiques et sociales bordelaises. Ce qui nous a conduit à sélectionner 42 critères, dont 22 obligatoires, pour ce nouveau label de constructions ou extensions de logements, testé en grandeur réelle par le biais d'une dizaine de démonstrateurs", éclaire en substance pour La Tribune le patron de l'urbanisme bordelais.

Focale sur trois démonstrateurs

Les premiers programmes immobiliers retenus pour candidater au label Bâtiment frugal bordelais font l'objet d'un test grandeur nature depuis l'automne 2020. Autrement-dit les porteurs de plusieurs projets immobiliers déposés pour instruction avant l'élaboration du label ont accepté de passer sous les fourches caudines des nouvelles règles. La dizaine de programmes immobiliers concernés totalise près de 1.200 logements dont 40 % de logements sociaux sur 80.000 m2. Ces tests grandeur nature, qui devraient s'achever d'ici juin, ont séduit plusieurs promoteurs immobiliers et leurs architectes, par adhésion ou par pragmatisme, dont Fayat Immobilier et Atelier Cambium ; Kaufman & Broad,  Architectes Bourbouze-Graindorge et Vilogia ; Legendre et Winy Maas ; Ceetrus et Architecte A6 ; Fradin, Crédit Agricole Immobilier et 4A Architectes ; BNP Paribas, Pitch Promotion, Axanis et Patriarche Architecture ou encore Idéal Groupe.

  • Programme Bordeaux-Piéchaud par Idéal Groupe

Idéal Groupe, société de promotion immobilière bordelaise cofondée par Pierre Vital et Edouard Myon, a été le premier acteur du marché à répondre à l'appel de la mairie de Bordeaux pour transformer son programme Bordeaux-Piéchaud, à Saint-Augustin, en démonstrateur. L'initiative a d'autant plus séduit Bernard Blanc qu'Idéal Groupe avait déjà obtenu son permis de construire pour cet ensemble de 10 logements début 2020 et a accepté de le remettre en jeu et de retravailler le projet pendant deux mois. La nouvelle mouture a été déposée il y a deux mois et demi. Le projet propose désormais des logements du T2 au T4 en premier étage, avec un deuxième niveau en attique : de surface plus réduite et disposant d'une terrasse. Il met l'accent sur la double orientation des logements, avec conception traversante pour maximiser la lumière et la ventilation naturelle.

Bâtiment frugal bordelais Idéal groupe

La nouvelle version de l'îlot Bordeaux-Piéchaud (crédits : Idéal Groupe)

De tout béton au départ, Bordeaux-Piéchaud s'articule désormais sur une structure à dominante bois d'origine locale. Il n'y a pas de pas de sous-sol pour réduire les délais de fabrication. L'immeuble va bénéficier d'une isolation par l'extérieur et d'installations photovoltaïques. Des espaces ont été dégagés au rez-de-chaussée pour y installer des jardins. Enfin la conception de quatre logements modulables va permettre de rendre indépendante une partie de l'espace. En particulier en rendant possible la création d'un studio pour adolescent ou étudiant. Un "pack senior" sera proposé à la demande en rez-de-chaussée. Au total, le projet qui n'artificialisera que 530 des 800 m2 de la parcelle pourrait obtenir le label avec 3 étoiles.

Lire aussi : Immobilier : Idéal Groupe veut décrocher le 1er label "Bâtiment frugal bordelais"

  • L'îlot Saint-Louis en rouge pour un "3 étoiles" ?

Même si rien n'est encore tranché, l'Ilot Saint-Louis devrait lui aussi décrocher les trois étoiles. C'est un programme de 75 logements en face du magasin E.Leclerc des Chartrons, porté par Fayat Immobilier et dessiné par Atelier Cambium. Sa reprise en main via les critères Bâtiment frugal bordelais a tout d'abord permis de dégager 29 m2 de surface extérieure par logement.

"Avec ce programme ils étaient partis sur du tout béton et 100 % de sol artificialisé. Ils ont accepté de jouer le jeu avec nous, ce qui a permis de relooker la parcelle et de réintégrer le programme dans son environnement d'échoppes bordelaises. Sur les 100 % de sol artificialisé nous avons récupéré 27 % de surface en pleine terre. La totalité des logements seront traversants et à double orientation : nous avons décomposé chaque cellule d'habitation. Tous les éléments de la construction seront biosourcés. Cet immeuble sera enfin doté d'espaces anti-Covid-19, grâce à des loggias et à un cœur d'îlot très arboré pour pouvoir aller dehors même en cas de confinement", déroule Bernard Blanc.

  • Grand Parc : le programme le plus emblématique

Le programme de l'îlot Centre commercial Europe-Grand-Parc (17.403 m2 d'emprise foncière) a ceci d'impressionnant qu'il se trouve à l'intérieur d'un énorme quartier populaire de 12.000 habitants, le Grand Parc, situé en plein cœur de Bordeaux, dont il est une pièce vitale. A cause de son centre commercial mais aussi de la proximité de La Poste, de la pharmacie, de la piscine, du coiffeur, de diverses boutiques indépendantes, des locaux de la CPAM ou encore d'arrêts de bus. Tandis que la maîtrise d'ouvrage est assurée par le trio BNP Paribas/Pitch/Axanis, le maître d'œuvre est l'agence d'architecture bordelaise Patriarche. Ce grand projet intègre la reconstruction du centre commercial existant, cédé par la mairie, et la construction de 277 logements, dont des logements en accession sociale via Axanis.

"Au départ, ce programme prévoyait 92 % de sols imperméabilisés, surface sur laquelle nous avons réussi à récupérer 38 % en pleine terre, pour un total de 48 % de surfaces végétalisées", éclaire Bernard Blanc.

Le dispositif de végétalisation prévu va se déployer aussi en hauteur, en premier étage, et le bâtiment sera notamment équipé en toiture d'une ferme urbaine avec des jardins partagés. Ce grand programme dispose de sa Maison du projet depuis 2016, il va donc être emblématique du changement de perspective urbaine entre Alain Juppé, parti en 2019, et Pierre Hurmic.

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