Les bâtiments à énergie positive sont-ils l'avenir de la construction ?

Pour répondre aux enjeux de réduction des émissions carbone du bâtiment, les constructions dites à énergie positive se diffusent peu à peu. Comme le nouveau siège régional d'Alpes Contrôles à Bordeaux, ces infrastructures neuves ou réhabilitées dessinent une issue pour le secteur de la construction à un moment délicat pour la filière. Encore faudra-t-il trouver la main d’œuvre qualifiée.
Maxime Giraudeau
Alpes contrôle a organisé une visite de chantier de rénovation de son siège régional à Bordeaux Lac le 4 avril.
Alpes contrôle a organisé une visite de chantier de rénovation de son siège régional à Bordeaux Lac le 4 avril. (Crédits : MG / La Tribune)

Hausse du coût des matières premières, tensions sur la main d'œuvre disponible, surcoûts des matériaux géo et biosourcés, allongement des délais. Cette myriade de contraintes s'inscrit aussi dans une crise du logement neuf qui s'annonce sans précédent pour le secteur du bâtiment. Le tableau est inquiétant alors même que la filière est particulièrement concernée par la réduction des émissions carbone.

Responsable de 23 % des émissions de gaz à effet de serre en France, le bâtiment s'appuie sur la nouvelle Réglementation environnementale 2020, entrée en vigueur l'an dernier, pour abaisser son impact. Au menu : hautes performances thermiques, matériaux réversibles et énergies renouvelables. La combinaison donne parfois des bâtiments à énergie positive, capables de produire plus d'énergie qu'ils n'en consomment.

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bâtiment énergie positive alpes contrôle

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Avant/Après. En haut, l'immeuble jumeau et voisin du bâtiment d'Alpes Contrôles, construit dans les années 1980. En bas, le siège régional en chantier. (crédits : MG / La Tribune)

Des économies qui compensent les surcoûts

C'est le cas pour le futur siège régional de l'entreprise Alpes Contrôles à Bordeaux, qui doit être livré pour la rentrée 2023. Ce spécialiste du contrôle technique dans le domaine de la construction mène un projet de rénovation et de surélévation de son bâtiment de 1.000 m2 à Bordeaux Lac dont la surface doit doubler. Doté d'une enveloppe thermique externe et de sondes géothermiques pour alimenter le système de chaleur, la structure en béton qui passe de trois à six étages est surmontée d'une ombrière photovoltaïque consacrant sa sur-autonomie énergétique. « Ce couplage entre photovoltaïque et géothermie nous permet de passer dans la dimension de l'énergie positive », illustre l'architecte Olivier Laurent de l'atelier Cambium, auteur du projet.

Cherche colocataires

Sur les 2.000m2 du futur bâtiment, près de la moitié vont être proposés à la location. Quatre lots seront ainsi disponibles (2x300 m2 et 2x15 0m2) pour des entreprises cherchant à s'implanter à Bordeaux Lac. Pour sa part, Alpes Contrôles accueillera une trentaine de salariés alors qu'une dizaine de recrutements sont prévus dans les métiers du diagnostic immobilier d'ici 2024.

Un chantier à 4,3 millions d'euros HT qui va permettre de réduire l'empreinte carbone en terme d'utilisation du bâtiment mais pas sur le plan de sa construction. Initié en 2018, le projet n'intègre pas le cadre du bâtiment frugal bordelais, posé pour le logement en 2021 avant d'être étendu aux bureaux, et reste sur un procédé classique de béton. Mais Alpes Contrôles revendique une rénovation ambitieuse « à la fois sur le neuf et l'existant ». « D'habitude on ne va pas sur de l'énergie positive pour un bâtiment ancien », indique Hugues Salomé, directeur régional du groupe. La structure de base a en effet été dénudée, conservée et surélevée. Des choix qui entraînent environ 10 % de coûts supplémentaires à la construction. Mais derrière « nous diminuerons nos consommations d'énergie de 30 % », indique le directeur.

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Le directeur régional d'Alpes Contrôles Hugues Salomé lors d'une visite de chantier le 4 avril 2023. (crédits : MG / La Tribune)

« Une carence folle de savoir-faire »

Pari gagnant pour un maître d'ouvrage, mais quid pour des promoteurs ? « Plusieurs études des notaires de France montrent qu'aujourd'hui les bâtiments les plus responsables au niveau environnemental, classés A et B, peuvent être valorisés sur le marché entre 7 et 15 % de plus que les autres. Pour les promoteurs c'est un changement majeur, ça permet de monter des dossiers dont la rentabilité est garantie », souligne Romain Gérard, créateur de Frameworks qui propose du conseil en ingénierie du bâtiment.

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Les constructions aux procédés plus vertueux pourraient-elles ainsi sortir gagnantes de la crise que traverse l'industrie du bâtiment ? Le marché est en tout cas en pleine reconfiguration mais la question de la pénurie main d'œuvre est de toute façon à craindre sur les nouveaux métiers exigés par la rénovation énergétique. « Il y a une carence folle de savoir-faire, c'est un frein à la massification des bâtiments de type énergie positive. Sans ce manque de main d'œuvre, les promoteurs pourraient tripler leur carnet de commandes », renvoie Romain Gérard.

Dix ans après le premier immeuble à énergie positive inauguré à Bordeaux - un bâtiment de la Métropole dans le quartier Mériadeck - la technique ne s'est effectivement pas massifiée. Elle est aussi contrainte par le patrimoine bâti existant qui ne permet pas toujours de mener des travaux complets de rénovation énergétique, comme pour les immeubles en pierre par exemple. Géothermie et photovoltaïque, les deux ressorts d'énergie renouvelable, ne peuvent quant à eux pas toujours être implantés sur de l'ancien. L'énergie positive n'est donc pas viable dans tous les cas.

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Maxime Giraudeau

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