Crise du logement : les ventes dans le neuf dégringolent de 72 % en Gironde

De mémoire de promoteur immobilier, c'est du jamais vu : le volume de logements neufs vendus en Gironde au premier trimestre a diminué de -72 % sur un an. Le plan de sauvetage de l'Etat ne semble pas en mesure d'enrayer cette crise nourrie par le durcissement des crédits immobiliers et les prix qui se maintiennent dans le neuf. Au niveau régional, la FFB craint la perte de 15.000 emplois à l'horizon 2024/2025.
Les nuages s'amoncellent au-dessus des constructeurs de logements neufs dont les ventes s’effondrent littéralement.
Les nuages s'amoncellent au-dessus des constructeurs de logements neufs dont les ventes s’effondrent littéralement. (Crédits : Agence APPA)

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : « Seulement 210 logements neufs ont été vendus en Gironde au 1er trimestre 2023. C'est 72 % de moins qu'au 1er trimestre 2022 et c'est moins que les 230 logements vendus au Pays basque, qui est normalement un marché nettement plus petit. On n'a jamais observé de décrochement aussi fort ! », s'alarme Gonzague Douniau, le vice-président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) de Nouvelle-Aquitaine et directeur régional de Bouygues Immobilier. Cela projette l'activité de 2023 entre 1.000 et 2.000 logements vendus en Gironde contre encore 2.800 ventes l'an dernier et 5.400 ventes au pic de 2019.

Si la situation est particulièrement lourde en Gironde, le poumon régional de la construction, la situation est à peine moins mauvaise en Nouvelle-Aquitaine avec une baisse de -43 % des ventes par les promoteurs au premier trimestre. À fin avril 2023, le nombre de logements mis en chantier dans la région a également reculé de -19 % (contre -9 % France entière) et celui des permis de construire accordés de -21 % (contre -14 % France entière), selon la FFB Nouvelle-Aquitaine.

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Une véritable dégringolade que rien ne semble arrêter en Gironde dans un département qui continue pourtant à attirer 20.000 nouveaux habitants chaque année : « Nous n'avons pas de raison de penser que le 2e trimestre a été meilleur que le premier tandis que ce qu'on retient du plan du gouvernement [présenté le 5 juin, NDLR] c'est qu'il n'est pas à la hauteur de nos attentes et qu'il ne résoudra pas nos difficultés », poursuit Gonzague Douniau, à l'unisson des instances nationales de la FPI et des autres acteurs de la filière.

Un effet ciseau

Les ventes de logements neufs subissent de plein fouet la hausse des taux des crédits immobiliers passés en douze mois de 1,6 % à 3,6 % pour un prêt sur 20 ans. « Les désistements des acheteurs ont doublé en un an pour atteindre 50 % : cela signifie qu'un acquéreur sur deux a été contraint d'abandonner son projet en cours de route ! », ajoute Pierre Vital. Le président de la FPI régionale pointe aussi la disparition des investisseurs locatifs dont le nombre a été divisé presque par dix en Gironde en 2023 alors que c'est bien souvent cette clientèle, prompte à se positionner, qui permet de sécuriser les programmes.

Mais si, logiquement, les délais de commercialisation augmentent, en revanche les prix ne diminuent pas dans le neuf. « Ils ont même augmenté de 9 % en un an à 5.090 €/m2 dans la métropole bordelaise, contre 4.700 €/m2 début 2022 et 4.330 €/m2 en 2019. Cela s'explique par une offre qui diminue alors que la demande est restée encore forte jusqu'à l'automne 2022 », précise Gonzague Douniau. Parallèlement, les coûts de construction sont aussi à la hausse, alimentés par les normes environnementales et l'inflation du prix des matériaux. Les promoteurs girondins construisent ainsi à 2.000 €/m2 aujourd'hui, contre encore 1.700 € avant le Covid.

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« L'appareil de production va souffrir »

Les conséquences ne se font pas attendre et, malgré le coup de pouce significatif voté par Bordeaux Métropole, la construction de logements locatifs sociaux, dont la moité est portée par les promoteurs, devrait sérieusement tousser tout comme les projets d'accession à la propriété des particuliers. Mais c'est aussi l'appareil de production qui s'effrite avec déjà, au niveau national, 250 faillites d'agences immobilières, 280 de constructions de maisons individuelles et 40 de promoteurs immobiliers recensées depuis le 1er janvier par le cabinet Altarès.

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En Nouvelle-Aquitaine, la vigilance a laissé la place à une forte inquiétude qui laisse augurer des mois difficiles sur le front de l'emploi. Les gels des embauches et la non-reconduction des contrats courts sont déjà la règle chez les promoteurs.

« Cette situation rebat les cartes du marché et porte un risque important pour la profession avec des situations très différentes en fonction des problématiques de trésorerie et des calendriers de projets en cours », euphémise Pierre Vital.

Alors que des promoteurs girondins tirent déjà la langue, le président régional de la FPI considère « qu'on peut s'attendre à de vrais problèmes pour des acteurs de toutes tailles : des grands qui pourraient être contraints de réduire leurs équipes et des petits qui pourraient risquer de disparaître. Au total, si rien ne change, on parle de 15 à 20 % d'emplois en moins... »

15.000 emplois en jeu

Une inquiétude et une estimation partagées par Marie-Ange Gay-Ramos, la présidente de la FFB (Fédération française du bâtiment) Nouvelle-Aquitaine, qui vient d'être réélue pour trois ans.

« Nous avons été méprisés par le gouvernement avec qui nous avons beaucoup travaillé sans être entendus. C'est une catastrophe que l'on peut chiffrer dans la région à un risque de perdre 15.000 emplois ! », alerte la présidente d'une filière régionale qui pèse plus de 100.000 emplois directs. « Les entreprises du bâtiment ont encore de la visibilité jusqu'à fin 2023 mais ensuite il n'y a plus grand chose pour 2024. Dans six à huit mois, ça va être très problématique, un vrai marasme... Le pôle habitat de la FFB craint de perdre un tiers de ses adhérents dans les mois qui viennent. »

À fin 2022, c'est-à-dire avant l'accentuation de la crise au premier semestre 2023, les déclarations préalables à l'embauche dans le bâtiment étaient déjà en repli de -8 % sur un an en Gironde tandis que les liquidations ont bondi de 41,1 %. Mais cela ne représente que 247 entreprises liquidées pour un millier d'emplois alors que 3.500 entreprises étaient créées en parallèle (+16 %). Pour inverser la tendance, la FPI et les autres fédérations professionnelles continuent à réclamer un assouplissement des conditions de crédits et la reconduction d'un dispositif d'investissement locatif.

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Quant à la piste de la rénovation du parc existant, elle ne représentera qu'un secours partiel selon Marie-Ange Gay Ramos : « On est armés pour ces chantiers et on recrute pour se renforcer mais cela ne pourra pas compenser l'effondrement du neuf qui représente 35 % de l'activité de nos entreprises ». À fin 2022, les travaux d'entretien et rénovation de logements ont progressé de 2,4 % sur un an.

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