
« Le chantier a débuté il y a 1h30 et nous avons déjà régénéré 420 mètres de voie ferrée. Nous tenons un bon rythme ! », se félicite Mathieu Sacenda, casque de chantier vissé sur la tête, ce 6 septembre 2023 peu après minuit. Le directeur général adjoint de Transalp Renouvellement, observe avec satisfaction l'avancée de la « Suite rapide » sur le tronçon entre Marcheprime (Gironde) et Ychoux (Landes). Un chantier à 121 millions d'euros pour renouveler intégralement 77 kilomètres de voie entre janvier 2023 et juin 2024 sans interrompe la circulation des trains en journée. « C'est le plus gros chantier de régénération réalisé par SNCF Réseau dans la région cette année. Il mobilise entre 400 et 500 personnes 24h sur 24 pendant 18 mois », souligne Jean-Luc Gary, le directeur de SNCF Réseau en Nouvelle-Aquitaine. La base de vie de ce chantier au long cours réalisé tous les 40 à 50 ans est située à Caudos, au sud de la Gironde.
Un énorme train usine à ciel ouvert
Et si l'opérateur arrive à tenir la cadence c'est parce qu'il a recours à la « Suite rapide ». Il s'agit d'un énorme train usine de 750 mètres de long et de plusieurs dizaines de wagons dont l'usage se répand depuis une dizaine d'années.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir. Les différents wagons de la suite-rapide constituent une usine roulante de 750 mètres de long (crédits : PC/La Tribune).
Opéré par 65 personnes, il est capable de littéralement démonter et avaler l'ancienne voie - rails, traverses et ballast - pour aussitôt poser les nouveaux éléments. L'enjeu ? Être en mesure de rouvrir la voie avant que la circulation des trains ne reprenne au petit matin, même si cela se fait à vitesse réduite dans un premier temps. Quelques jours plus tard, le nouveau rail sera en effet « libéré » - c'est-à-dire amené à une température uniforme de 25°C pour le préparer aux efforts de dilatation et de traction - pour permettre le retour à la vitesse commerciale de 160 km/h. « Chaque jour, il faut compter 21 heures de préparation du chantier et du train usine pour réaliser trois heures de production nocturne ! », précise Mathieu Sacenda.
Il faut dire que le train-usine impressionne tant par sa taille et sa complexité que par son efficacité dans la succession des étapes. La « Suite rapide » vient d'abord détacher les rails existants, enlever les anciennes traverses et en déposer de nouvelles avec une précision de quelques millimètres. Elle croise ensuite les anciens rails et les nouveaux, de plus de 300 mètres de long, avant de les fixer aux nouvelles traverses.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir. L'opération délicate de croisement du nouveau rail et de l'ancien qui sera laissé sur le côté de la voie avant d'être évacué quelques jours plus tard (crédits : PC/La Tribune).
Cliquez sur l'image pour l'agrandir. Les nouvelles traverses sont posées par la machine avant d'être vérifiées par les opérateurs humains (crédits : PC/La Tribune).
Quatre à cinq ans de planification
C'est alors au tour de la « Dégarnisseuse » d'intervenir pour littéralement soulever la nouvelle voie afin d'aspirer le ballast, le trier et réinjecter ce qui est récupérable en le combinant avec du ballast neuf. La « Bourreuse » vient enfin tasser et surélever la voie pour la stabiliser à la bonne hauteur. En parallèle, un ballet de wagons et de portiques apporte les matériaux neufs et évacuent les anciens pour tenir le rythme. Une partie des déchets est réutilisée sur d'autres chantiers.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir. La « Dégarnisseuse » vient remplacer la ballast existant qui stabilise la voie ferrée (crédits : PC/La Tribune).
« Ce travail d'horlogerie qui est autant humain que mécanique permet d'avancer relativement rapidement à la vitesse moyenne de 360 mètres par heure. En moyenne, on régénère un kilomètre par nuit avec un maximum à 1.400 mètres », indique Mathieu Sacenda. En comparaison, un chantier sans train usine plafonne à 200 mètres par nuit en moyenne.
En France, ces trains usines d'une valeur neuve de 25 millions d'euros se comptent sur les doigts d'une seule main. Chaque major du BTP dispose d'une machine tout comme l'ETI Transalp Renouvellement qui opère sur ce chantier. « Le calendrier de ce type de travaux est calé quatre à cinq ans à l'avance tant il est complexe et nécessite de planification en amont pour préparer le chantier, réunir les équipes et adapter les horaires de passage des trains », remarque Jean-Luc Gary qui rappelle qu'en 2023, SNCF Réseau investit 250 millions d'euros dans la régénération des voies ferrées néo-aquitaines et près de 200 millions d'euros dans leur maintenance. Pour éviter tout risque d'incendie au sein du massif forestier des Landes de Gascogne, le chantier nécessite en outre la réalisation de pare-feux de part et d'autre des voies ferrées.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir. Après le passage de la « Suite rapide », les anciens rails sont découpés à intervalle régulier pour permettre leur évacuation par la suite (crédits : PC/La Tribune).
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