Drones et maintenance prédictive : comment Suez revisite l'inspection des canalisations d'eau

C'est à Pessac, dans la région bordelaise, que le laboratoire Lyre développe des innovations pour les clients et les équipes de Suez aux quatre coins du monde. À commencer par la conception de drones flottants, volants ou terrestres pour inspecter les infrastructures et collecter de précieuses données dédiées à la maintenance prédictive.
Conçus et programmés au sein du Lyre à Bordeaux, les drones volants, flottants et terrestres servent notamment à inspecter les canalisations d'assainissement et à récupérer des précieuses données.
Conçus et programmés au sein du Lyre à Bordeaux, les drones volants, flottants et terrestres servent notamment à inspecter les canalisations d'assainissement et à récupérer des précieuses données. (Crédits : Antoine Meyssonnier)

Des arrêtés préfectoraux de restriction des usages de l'eau sont en vigueur en cette fin août dans plus de 80 départements français. La moitié de ces territoires sont même classés en état de crise hydrique, c'est-à-dire qu'il y est interdit tout prélèvement en eau non prioritaire. « La raréfaction de la ressource en eau est l'enjeu majeur pour les collectivités locales qui doivent aussi anticiper les conséquences du changement climatique, lutter contre la pollution des eaux et développer la réutilisation des eaux usées », alerte Mélodie Chambolle, la directrice du Lyre.

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Une approche pluri-disciplinaire

Ce centre d'expertise du groupe Suez réunit une cinquantaine de salariés dédiés à l'innovation dans ses locaux de Pessac, à Bordeaux Métropole. Et s'il agit évidemment de réduire les fuites sur les réseaux d'eau, le Lyre peut se targuer d'une approche pluridisciplinaire originale combinant une expertise technologique, des savoir-faire numériques et d'algorithmie mais aussi des compétences sociologiques et comportementales. « L'objectif est de produire une eau de qualité pour tous et à tout moment en travaillant, par exemple, sur la mise au point de systèmes intelligents de gestion des réseaux d'eau et d'algorithmes de recherche de fuites, mais aussi de programmes d'explication et d'accompagnement des usages pour travailler en parallèle les solutions techniques et les usages », poursuit Mélodie Chambolle, dont les équipes recourent volontiers au nudge, ces mécanismes d'incitations comportementales.

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En ce qui concerne la maintenance des infrastructures, elle nécessite des déplacements sur le terrain et en souterrain dans des environnements aussi exigus que dangereux pour les agents. D'où le recours accru à différents modèles de drones qui sont conçus et testés au sein de Suez avant d'être déployés depuis le début de l'année 2023. Et la palette est variée pour répondre aux différentes configurations : drones terrestres, volants ou sous-marins, bateaux ou encore balles flottantes. Le Lyre travaille ainsi avec l'entreprise bordelaise Dronisos pour concevoir des drones volants capables de s'auto-positionner au centre d'une canalisation pour pouvoir l'inspecter sans risque de collision.

Drones Suez Lyre

Un modèle de drone quad développé par Suez au sein du Lyre (crédits : Antoine Meyssonnier).

La « pokeball » flottante

« Ces ouvrages peuvent aller de 20 cm à six mètres de diamètre et sont souvent hors d'atteinte des réseaux GPS et radio. C'est donc un environnement énormément contraint qui nous pousse à innover pour proposer une technologie robuste et éprouvée mais aussi accessible », développe Alexandre Ventura, le responsable des nouvelles technologies au sein du Lyre. Faute de liaisons radio ou GPS classiques, les drones sont donc équipés de capteurs spécifiques - gyroscopiques, acoustiques, ultrasons, infra-rouge pour la vision nocturne - de lumières et de caméras mais aussi de pare-chocs. Pas question en effet de perdre l'un d'entre eux quand on sait que leur prix sur étagère oscille entre 50.000 et 200.000 euros pièce !

Et quand il s'agit d'évaluer la qualité et la vitesse d'écoulement de l'eau dans de petites canalisations, les équipes de Suez ont recours à une balle flottante bardée de capteurs, appelée SewerBall, et surnommée « Pokeball », en référence à la franchise vidéoludique de Nintendo : « On la dépose à un endroit donné avant de la récupérer à un autre. Cela permet de connaître précisément la fluidité du réseau tout en collectant des données chiffrées sur le PH, la conductivité, la température ou encore le potentiel d'oxydo-réduction des eaux usées », détaille Alexandre Ventura.

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Drones Suez

La « pokeball » mise au point et testée par les équipes du Lyre (crédits : Antoine Meyssonnier).

L'enjeu de la maintenance prédictive

Les premiers chantiers opérés par Suez depuis le début de l'année avec l'assistance de ces drones ont permis de réduire de moitié le nombre de personnes mobilisées et de limiter drastiquement le temps passé dans les zones les plus exposées aux risques.

Les précieuses données collectées sur le terrain sont ensuite analysées et passées au crible des algorithmes du Lyre pour détecter et réparer les fuites d'eau le plus vite possible. Mais aussi pour être capable de les anticiper, assure Mélodie Chambolle :

« Nous développons des outils de pilotage et de gestion en temps réel des ouvrages grâce à un réseau de capteurs, notamment acoustiques. Avec ces outils, nous sommes en mesure de prédire l'apparition d'une fuite et de la localiser à l'échelle de la rue concernée ! Avec de grosses économies d'eau et de maintenance à la clé ! »

Deux contrats de R&D avec Bordeaux Métropole

Et si ces innovations n'ont pas évité le retour de la gestion de l'eau de Bordeaux Métropole en régie public au 1er janvier dernier au détriment de Suez. Le groupe a maintenu deux contrats de R&D avec la collectivité mobilisant précisément les savoir-faire développés au sein du Lyre. L'un porte sur une prestation d'aide à la décision sur l'anticipation et la prédiction de la disponibilité de la ressource en eau à moyen et long terme. Le second se concentre sur les économies d'eau en mobilisant des sociologues pour comprendre les usages et lever les freins qui persistent face à la nécessaire évolution des comportements individuels et collectifs. Les bâtiments tertiaires seront particulièrement ciblés.

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