Tous fraudeurs ? Avec son labo dédié au nudge, l'Essca explore nos comportements

Très à la mode, le nudge et les sciences comportementales sont de plus en plus mobilisés par les pouvoirs publics et les entreprises. Objectif : modifier nos habitudes sans effort ou presque. Le laboratoire d'expérimentation de l'Essca, basé à Bordeaux, a mené des travaux pour lutter contre la fraude dans les transports publics.
Actuellement installée aux Bassins à flot, l'Essca se déploiera dans son nouveau campus en 2023 sur la rive droite de Bordeaux au sein de la ZAC Bastide Niel.
Actuellement installée aux Bassins à flot, l'Essca se déploiera dans son nouveau campus en 2023 sur la rive droite de Bordeaux au sein de la ZAC Bastide Niel. (Crédits : Essca)

A quel point nos comportements peuvent-ils être influencés et modifiés par un conditionnement inconscient, un jeu de quelques minutes ou un simple message visuel ? C'est pour répondre à ces questions et en explorer les tenants et les aboutissants que l'Essca s'est dotée en septembre 2021 d'un outil original. Un laboratoire d'expérimentation combinant un laboratoire physique, basé sur le campus lyonnais de cette école de commerce, et une unité mobile déployée sur celui de Bordeaux où l'Essca est présente depuis 2016. L'objectif est, entre autres, de tester en conditions réelles des dispositifs de nudge.

"Le nudge (ou coup de pouce, NDLR) désigne ces multiples outils de science comportementale visant à modifier le comportement des gens sans qu'ils ne s'en rendent compte, sans modifier leur perception et sans tordre la réalité. Ces incitations discrètes jouent sur les émotions immédiates de l'individu, le contexte environnant ou les normes sociales parce que nos comportements sont bien plus influencés par ces éléments qu'on ne veut bien le croire", précise à La Tribune Jérémy Celse, docteur en économie comportementale & expérimentale, responsable du master "Management de l'innovation et de la transformation digitale", et membre du laboratoire.

Des suggestions discrètes

Concrètement, le nudge c'est cet autocollant au fond des urinoirs pour inciter les utilisateurs à viser juste, cette cible sur une poubelle pour inciter les passants à y jeter leurs déchets ou encore des affichages simples permettant de mieux gérer les flux de voyageurs ou d'inciter à la générosité d'éventuels donateurs. Mais ces "suggestions" permettent aussi de lutter efficacement contre la fraude sous ses différentes formes e notamment la fraude fiscale et la fraude dans les transports en commun.

Jérémy Celse

Jérémy Celse dirige le laboratoire d'économie expérimentale (crédits : Essca)

C'est sur la fraude dans les transports publics que Jérémy Celse cherche à travailler. Des études ludiques de quelques minutes sur une tablette permettront, dans un premier temps, d'évaluer discrètement la propension des voyageurs à frauder ou pas et d'en comprendre les raisons afin, dans un second temps, d'élaborer un dispositif de nudge pertinent parce qu'adapté au contexte local.

"Quand il est bien réalisé, le nudge est un outil efficace, pas cher et déployable partout mais il faut suivre une certaine méthodologie. Le nudge est un modificateur de comportement donc il faut commencer par connaître vraiment ce comportement mais sans alerter les gens parce qu'en règle générale, plus ils sont conscients du nudge moins celui-ci est efficace", contextualise Jérémy Celse.

D'autant que ces incitations et autres suggestions ne vieillissent pas bien. Leurs effets ont en effet tendance à disparaître très rapidement avec le temps : de quelques semaines à quelques mois. "Le nudge suppose de toujours innover et renouveler le message pour rester efficace et ne pas tomber dans l'habitude", souligne le chercheur.

Sommes-nous tous tricheurs ?

L'expérience est simple : la personne lance dix fois une pièce et récupère un euro à chaque fois qu'elle retombe sur pile. Un groupe dont le résultat du lancer de dé sera vérifié déclarera cinq euros de gain en moyenne tandis qu'un groupe non contrôlé en déclarera six en moyenne. Le comportement change donc en fonction du contrôle mais pas de manière déterminante.

"Une majorité des gens trichent un petit peu et une minorité, autour de 5 %, triche très fortement. En revanche, on observe une forte influence du contexte immédiat et du facteur psychologique : par exemple, dans un environnent peu lumineux, les gens vont de manière inconsciente tricher davantage ! De même, si on leur dit qu'une autre personne bénéficiera du même gain, la proportion de tricheurs augmente, mais si on leur dit que cette autre personne retirera plus de bénéfices de leur acte de triche qu'eux-mêmes, alors ces derniers ne trichent plus !", raconte Jérémy Celse.

Autre enseignement de ces travaux de science comportementale, en matière de lutte contre la fraude fiscale, le contrôle et la peur du contrôle sont plus dissuasifs que le montant de l'amende. A méditer.

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