Dioxycle, le pionnier de l’économie circulaire appliquée au CO2 est né à Bordeaux

INTERVIEW. Recycler le CO2 pour le transformer en matières premières valorisables : c'est l’ambition portée par Sarah Lamaison et David Wakerley, deux jeunes chercheurs co-fondateurs de l’entreprise Dioxycle, implantée à Bordeaux et hébergée à Pessac par le CNRS et l'Université de Bordeaux au sein de l'Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMB) et du Centre de recherche Paul Pascal.
Sarah Lamaison et David Wakerley, les cofondateurs de la startup bordelaise Dioxycle.
Sarah Lamaison et David Wakerley, les cofondateurs de la startup bordelaise Dioxycle. (Crédits : Agence APPA)

Âgée de 27 ans et diplômée de l'École polytechnique, Sarah Lamaison a étudié l'économie de l'environnement et de l'énergie à  l'Université Paris Saclay, puis la photosynthèse artificielle à l'Université de Cambridge (Royaume-Uni). Elle a effectué sa thèse sur le stockage de l'énergie et la valorisation du CO2 au Collège de France et à l'Université de Stanford (Etats-Unis), élaborant au fil de ses recherches le projet Dioxycle. Une projet pour lequel elle a reçu en septembre 2020 le prix Jeunes talents L'Oréal-Unesco pour les femmes et la science. David Wakerley, 31 ans, a pour sa part conduit un doctorat de Chimie à l'université de Cambridge avant de poursuivre son post-doctorat au Collège de France et à Stanford, et de concevoir avec Sarah Lamaison la technologie déployée par Dioxycle.

LA TRIBUNE - Vous avez co-fondé en novembre dernier Dioxycle, une startup spécialisée dans le recyclage du CO2. Sur quel principe repose votre solution technique ?

SARAH LAMAISON - Il s'agit de ne plus considérer le dioxyde de carbone comme un déchet, mais plutôt comme une ressource. Aujourd'hui, les industriels qui veulent réduire l'impact de leurs émissions de CO2 ont globalement deux solutions : compenser ces émissions, par exemple en plantant des arbres qui stockeront le CO2 par le jeu de la photosynthèse, ou séquestrer le CO2 émis, par enfouissement notamment. Or, il existe une troisième voie, l'électrocatalyse du CO2, qui permet de le transformer en molécules valorisables : du méthane, du monoxyde de carbone ou d'autres hydrocarbures. Et d'envisager, à terme, un cycle carbone qui nous affranchirait de la dépendance aux ressources fossiles.

Votre solution nécessite un apport énergétique pour fonctionner... N'y a-t-il pas un paradoxe à consommer de l'énergie, et donc émettre du CO2, pour alimenter un système qui a vocation lui-même à recycler du CO2 ?

DAVID WAKERLEY - Tout dépend de l'énergie que l'on déploie pour faire fonctionner notre système ! En l'occurrence, cela dépend surtout du mix énergétique qui alimente le réseau électrique... Je m'explique : nous évaluons la capacité de recyclage de notre première version de la technologie à 270 g de CO2 par kWh consommé. En France, le mix énergétique est tel que l'impact carbone de la production électrique y est de 54 gCO2/kWh produit. Notre impact est donc positif. En revanche, aux États-Unis, l'impact carbone de l'électricité produite est de 409 gCO2/kWh, et en Chine, il est de 555 gCO2/kWh. Il y est donc plus difficile de développer des solutions d'électrocatalyse du CO2 écologiquement pertinentes à moins de développer des fermes de production d'énergie renouvelable dédiées. À cet égard, la France est un candidat idéal au déploiement de notre technologie.

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Où en êtes-vous de votre développement ?

DW - Nous avons déposé nos brevets au Collège de France entre 2018 et 2019 avant de poursuivre nos recherches à Stanford, aux Etats-Unis, et nous travaillons désormais sur un prototype capable de recycler environ 50 kg de CO2 par jour, soit l'équivalent de ce qu'émet une voiture sur un trajet de 500 km. Nous voudrions livrer ce prototype dans le courant de l'année 2022, pour pouvoir ensuite développer notre solution, sur site, avec nos premiers partenaires industriels dès 2022.

SL - Notre objectif est de co-développer avec les clients des solutions clés en main économiquement viables pour faciliter le plus possible l'usage de notre technologie et inciter les industriels à privilégier le recyclage du CO2, qu'il soit sur un marché soumis à la taxation carbone ou non.

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Comptez-vous embaucher pour tenir ces objectifs ?

SL - Oui, nous avons recruté deux personnes aux profils complémentaires, un chimiste et un énergéticien, pour penser l'intégration industrielle de nos technologies. Nous avons été lauréats en 2020 du concours i-Lab porté par le ministère de l'Enseignement supérieur et Bpifrance, et sollicité des fonds privés, ce qui nous permet de financer cette année de développement.

Dioxycle Sarah Lamaison David Wakerley

Sarah Lamaison et David Wakerley (crédits : Agence APPA)

Qui sont les industriels que vous ciblez exactement ?

SL - Nous raisonnons en termes d'écologie industrielle, l'idée étant d'identifier les matières que l'on va pouvoir créer, et à qui elles pourront être vendues. Par exemple, on peut imaginer des synergies entre les industriels implantés autour de l'étang de Berre, près de Marseille. Vous y trouvez des industriels de l'acier, du ciment, de la pétrochimie... Le CO2 des uns peut y devenir la matière première des autres.

DW - Pour l'instant, nous avons choisi de développer notre solution en produisant des molécules "simples", comme le monoxyde de carbone (dangereux dans une chaudière mais très utile dans plusieurs industries) et le gaz de synthèse, ou encore le méthane. Mais notre procédé peut tout à fait être exploité pour créer directement ou indirectement une large gamme de "e-fuels", nom englobant l'ensemble des produits carbonés obtenus par électrosynthèse, et notamment des SAF [sustainable aviation fuel, sorte de kérosène synthétique renouvelable], dont le marché est en expansion.

Avez-vous déjà rencontré des industriels possiblement intéressés en Nouvelle-Aquitaine ?

SL - Pas encore, mais c'est en projet !

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