Pourquoi Kazoart cède ses actifs à son concurrent britannique Rise Art

La place de marché bordelaise d'art en ligne, Kazoart, cède ses actifs à la plateforme concurrente Rise Art à l'issue d'une procédure de prépack cession, scellée par la liquidation judiciaire de l'entreprise. Mathilde Le Roy, la dirigeante et fondatrice qui vient d'être élue au board de French Tech Bordeaux, s'en explique dans La Tribune.
De gauche à droite : Mathilde Le Roy, fondatrice de Kazoart, Scott Phillips, co-fondateur de Rise Art, et Laurel Bouye, directrice des relations artistes chez Kazoart qui poursuivra chez Rise Art.
De gauche à droite : Mathilde Le Roy, fondatrice de Kazoart, Scott Phillips, co-fondateur de Rise Art, et Laurel Bouye, directrice des relations artistes chez Kazoart qui poursuivra chez Rise Art. (Crédits : Kazoart)

Créée en 2015 à Bordeaux, Kazoart est une plateforme de ventes d'œuvres d'art en ligne : tableaux, sculptures, dessins, photographies, etc. Au fil des ans, l'entreprise fondée et dirigée par Mathilde Le Roy a su se faire une place sur un marché, par essence, international et très concurrentiel avec une soixantaine d'acteurs des deux côtés de l'Atlantique dont les leaders américains Artsy et Saatchi Art, le Britannique Rise Art ou encore les Français Singulart et Artmajeur. « Nous avons connu une très forte croissance pendant le Covid avant un ralentissement à la sortie des confinements. L'année 2020 a été rentable et nous avons atteint deux millions d'euros de volume d'affaires en 2022, un record, notamment grâce à la croissance de notre activité BtoB de vente d'œuvres d'art en leasing aux entreprises », explique Mathilde Le Roy à La Tribune.

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Liquidation judiciaire

Au total, depuis 2015, plus de sept millions d'œuvres ont été vendues sur la place de marché girondine, dont un quart à l'international. Mais la dynamique commerciale n'a pas suffi à assurer la rentabilité de la société d'autant que le Covid a aussi été synonyme d'endettement via un prêt garanti par l'État (PGE) qu'il faut rembourser. L'heure de tourner la page a donc sonné pour la fondatrice, confrontée à une impasse à l'heure où les investisseurs se montrent plus regardants que par le passé :

« Je suis arrivée à la fin d'un cycle de huit ans et plutôt que lever des fonds j'ai cherché à trouver un partenaire plus gros auquel s'adosser financièrement. Dans ce cadre, la dette de l'entreprise a été un facteur bloquant, c'est pourquoi nous avons opté pour la procédure de prépack cession », poursuit l'entrepreneure.

Le prépack cession, également sollicité par les startups Marbotic et Sunday l'an dernier, est une procédure amiable et confidentielle de mise en faillite ordonnée pour préparer la vente de tout ou partie des actifs de l'entreprise. La vente est ensuite réalisée de façon publique dans le cadre d'une procédure collective : plan de sauvegarde, redressement ou liquidation. Après avoir échangé avec une vingtaine de repreneurs potentiels puis examiné deux offres sérieuses, c'est finalement l'entreprise britannique Rise Art qui a repris les actifs de KazoArt et six des huit salariés à la barre du tribunal de commerce de Bordeaux le 18 juin dernier. Simultanément, la société Kazoart a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, le prix payé par Rise Art servant à éponger autant que possible les dettes restantes

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Complémentarité stratégique et géographique

« Avec Rise Art nous avons la même vision du marché avec la même approche sélective et qualitative des artistes et une vraie complémentarité géographique entre l'Europe, le Royaume-Uni et les États-Unis. Je tenais à ce que l'équipe et la plateforme puissent continuer leur route », souligne Mathilde Le Roy. « Je ne retiens pas un échec mais les succès et la construction d'une formidable communauté de 1.200 artistes qui comptent sur nous pour faire connaître leur travail  !»

Fondée en 2011 par Scott Philips, de nationalité américaine, Rise Art est une plateforme britannique, installée à Londres, et concurrente directe de Kazoart. Sur un marché où de multiples acteurs cohabitent, Rise Art est légèrement plus grande que la plateforme bordelaise avec un peu moins d'artistes référencés (1.000 contre 1.200) mais davantage de revenus. L'entreprise anglaise affiche ainsi un volume d'affaires de plusieurs millions d'euros pour un panier moyen de l'ordre de près de 6.000 euros mais reste, elle-aussi, toujours en quête de rentabilité. Rise Art, qui revendique une croissance annuelle de +40 %, organise également des évènements artistiques physiques aux États-Unis et au Royaume-Uni.

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Un marché à dix milliards d'euros

Après deux années exceptionnelles de croissance de 16 % par an liées aux confinements en 2020 et 2021, le marché mondial de l'art en ligne renoue avec une progression plus modérée. Selon le cabinet Hiscox, il s'est ainsi établi à 9,6 milliards d'euros, en hausse de 6 % sur un an mais de 575 % sur dix ans ! Cependant, le contexte macro-économique d'inflation et de hausse des taux d'intérêts n'incite pas à l'optimisme à tel point que 71 % des 60 plateformes de vente d'art en ligne répertoriées et interrogées par Hiscox s'attendaient l'an dernier à davantage d'opérations de fusions et acquisitions. Le rachat de KazoArt par Rise Art en est l'illustration.

Fusion prévue à moyen terme

« Reprendre Kazoart est une très belle opportunité, ce sera notre tête de pont sur le continent européen, nous conserverons l'équipe à Bordeaux. Nous allons tout faire pour gagner le respect et la confiance des artistes présents sur la plateforme en conservant une approche de qualité plutôt que de quantité », indique à La Tribune Scott Philips, qui ne réalise pour l'instant que 20 % de ses ventes en Europe.

Six des huit salariés de Kazoart sont en effet repris par Rise Art qui conservera également la marque pendant un certain temps avant de tout fusionner sous la bannière Rise Art. Le nouvel ensemble comptera une grosse quinzaine de salariés pour environ 1.500 artistes référencés.

De son côté, Mathilde Le Roy conservera temporairement un rôle de conseillère avant d'engager d'autres projets entrepreneuriaux dans l'économie verte et la lutte contre le dérèglement climatique. Mais elle vient aussi d'être élue au conseil d'administration de la French Tech Bordeaux et, parmi les cinq membres entrepreneurs, c'est elle qui a reçu le plus de suffrages de l'écosystème. Elle pourrait donc faire office de candidate aussi naturelle que légitime au mandat de présidente de l'association. L'élection se tiendra à la rentrée.

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