« À ce stade, on écarte tout risque de récession en 2024 ! » (Banque de France)

INTERVIEW. « Nous sommes raisonnablement optimistes pour 2024 car le comportement des ménages et des entreprises démontre la résilience de l'économie française », explique Marie-Agnès de Montbron. La nouvelle directrice régionale de la Banque de France en Nouvelle-Aquitaine, arrivée à l'automne 2023, revient sur les enjeux de la bataille contre l'inflation et sur les perspectives économiques pour 2024.
Marie-Agnès de Montbron a pris la direction régionale de la Banque de France en Nouvelle-Aquitaine à l'automne 2023.
Marie-Agnès de Montbron a pris la direction régionale de la Banque de France en Nouvelle-Aquitaine à l'automne 2023. (Crédits : Agence APPA)

LA TRIBUNE - Il y a un an, la Banque de France n'excluait pas le scénario d'une « récession temporaire et limitée » en 2023. Qu'en est-il finalement ?

MARIE-AGNÈS DE MONTBRON - Notre principale préoccupation c'est la lutte contre l'inflation et cela passe par la hausse des taux d'intérêts tout en restant vigilant sur l'impact de cette hausse sur l'économie. Jusqu'à quel point pouvions-nous augmenter les taux sans que cela ne génère une récession ? C'est un équilibre difficile à trouver mais l'année 2023 devrait s'achever sur une croissance faible, de l'ordre de +0,9 %, soit un peu mieux que la fourchette envisagée.

Quelles sont les projections pour 2024 ?

À ce stade, on écarte tout risque de récession en 2024 ! L'économie a été tirée par les exportations en 2023 et elle devrait bénéficier, cette année, de la reprise de la consommation des ménages grâce à la diminution de l'inflation. On se projette donc sur une croissance économique de +0,9 % en 2024 et de +1,3 % en 2025.

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L'inflation sera-t-elle bientôt un mauvais souvenir ?

Non, on n'a pas encore gagné notre pari contre l'inflation, on ne pourra le dire que fin 2025. On n'est pas encore revenu autour des 2 % mais il semble que la hausse des taux d'intérêt ait bien eu l'effet escompté sur l'inflation et, dans le même temps, elle n'a pas entraîné de récession. Psychologiquement et symboliquement le fait de maintenir une croissance, même faible, c'est important !

Pourtant, on va poindre pour 2024 deux points d'inquiétude : le chômage qui repart à la hausse tout comme les défaillances d'entreprises. Comment appréhendez-vous ces deux paramètres ?

Chaque année depuis la crise sanitaire on s'est attendu au pire et le pire n'est finalement jamais arrivé ! Les problèmes vont-ils arriver en 2024 ? Pas nécessairement au regard, par exemple, de notre indicateur d'incertitudes sur l'avenir. Depuis quatre ans, cet indicateur s'améliore ce qui montre que les entreprises et les particuliers savent déployer des stratégies de contournement face aux difficultés économiques. Cela traduit une économique très résiliente et très adaptable, c'est un vrai facteur d'optimisme dans la situation actuelle.

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Le chômage qui repart à la hausse est pourtant bien réel...

Oui mais, avec un taux de chômage estimé à 7,8 % en 2024, on garde un taux d'emploi très élevé parce que les entreprises ont appris de la crise de 2008 et ont préservé autant que possible leurs fournisseurs et leurs effectifs pendant la crise du Covid, grâce aux prêts garantis par l'Etat (PGE) et au chômage partiel. Aujourd'hui, sous l'effet de l'inflation et du ralentissement économique, les marges des entreprises se réduisent et elles cherchent à améliorer leur productivité. Pour y arriver, elles limitent leur masse salariale, notamment en ne conservant pas les alternants.

Parallèlement, l'investissement des entreprises résiste plutôt bien et reste à un niveau élevé. Mais il y aura probablement davantage d'arbitrages entre les investissements, notamment au profit de la transition énergétique qui nécessite des montants considérables.

Craignez-vous un « mur de défaillances » en 2024 ?

Il y a clairement une hausse du nombre de défaillances d'entreprises mais cela reste à des niveaux encore inférieurs à ceux de l'avant Covid. Plus de la moitié des défaillances concernent le commerce et la réparation automobile, l'hébergement-restauration et la construction. Il y a deux choses à avoir en tête pour ne pas trop s'effrayer. La première c'est que cela correspond à un cycle économique classique de rattrapage des dispositifs de soutien déployés pendant la crise sanitaire. L'autre élément c'est qu'en parallèle la création d'entreprises est très dynamique avec, il est vrai, beaucoup de micro-entreprises.

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Au regard de tous ces éléments, comment qualifiez-vous la tendance économique pour l'année 2024 après des années de récession (2020), de reprise (2021), de résilience (2022) et de ralentissement (2023) ?

Nous parlons pour 2024 d'un atterrissage en douceur. Il faut que les hausses des taux d'intérêt produisent tous leurs effets pour que l'inflation continue à diminuer. La tendance est désormais à la stabilisation des taux et ce qui compte c'est la durée pendant laquelle ils resteront à un niveau élevé pour retrouver des prix à la consommation un peu plus raisonnable. Nous sommes raisonnablement optimistes car le comportement des ménages et des entreprises démontre la résilience de l'économie française. Les chefs d'entreprise sont plein de ressources et c'est une force.

Comment se positionne la Nouvelle-Aquitaine ?

Les tendances régionales sont similaires à celles constatées au niveau national avec des écarts, sur le bâtiment ou sur l'industrie, qui restent marginaux. En revanche, c'est une région très vaste avec une économie très hétérogène et des secteurs économiques très concentrés sur certains territoires. C'est une force mais cela nécessite aussi de s'adapter aux préoccupations des acteurs économiques qui peuvent être très différentes dans la Creuse et à Bordeaux Métropole.

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