
La chasse à la réindustrialisation est ouverte ! Si l'on connaissait jusqu'ici la concurrence internationale qui a causé le déclin de l'industrie française, voici qu'arrive un autre affrontement qui s'annonce tout aussi sportif : la bataille des régions. Avec les enjeux de relocalisation de productions stratégiques, chaque territoire y va de sa parade pour s'attirer les faveurs des industriels. Un numéro auquel le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine aime particulièrement s'adonner.
Pour l'heure, il a échoué à capter une gigafactory - ces sites d'une centaine d'hectares aux gigantesques capacités de production - et c'est peut-être tant mieux. Que ce soit dans le domaine photovoltaïque avec Carbon qui est parti s'installer à Fos-sur-Mer, ou dans la mobilité électrique, les velléités politiques se heurtent à la réalité des bassins d'emploi et de la disponibilité du foncier. Mais malgré ce revers, la région n'a pas à rougir de sa filière batterie. Si les grands fabricants sont concentrés dans les Hauts-de-France, les acteurs régionaux font aujourd'hui partie d'un territoire de pointe et diversifié.
L'on peut citer le fleuron Saft qui conçoit et fabrique des batteries intégrées à Bordeaux et Poitiers, ainsi que le démonstrateur et centre de recherche de son entreprise sœur ACC à Bruges et Nersac. Des sites qui s'adressent aux marchés aéronautique, ferroviaire ou des mobilités urbaines. Forsee Power fabrique quant à lui au nord de Poitiers des batteries pour les bus, poids-lourds et motos. À l'autre bout du processus, Orano travaille sur la partie recyclage des composants et métaux précieux en Haute-Vienne. Il y a aussi des startups, à l'image de Gouach qui planche sur la réparabilité des cellules.
« L'absence de gigafactory, c'est une opportunité »
« Dans la chaîne de valeur, la Nouvelle-Aquitaine est présente en amont sur la partie chimie et en aval sur la revalorisation. Là où il y a un petit trou dans la raquette, c'est sur la fabrication de cellules. Mais il y a pleins d'autres segments où l'on a acquis une légitimité », cadre François Barsacq, fondateur et président d'EasyLi. Ce fabricant basé à Chasseneuil-du-Poitou, dans la Vienne, conçoit différents types de batteries pour la micro-mobilité, la manutention lourde ou le stockage d'énergie photovoltaïque. Une diversité de clients permise par une structure industrielle compacte de 30 salariés et des lignes de production adaptables en quelques heures.
La flexibilité, cet avantage par rapport aux gigafactories spécialisées sur un marché certes colossal, mais hautement soumises aux aléas de l'automobile. « L'absence de gigafactory en Nouvelle-Aquitaine, c'est une opportunité pour nous. On bénéficiera de la production de cellules européennes pour fabriquer nos batteries. On se démarque en développant l'assemblage des composants, le développement du hardware et du software ou la résistance thermique », liste François Barsacq. Avec un but : « s'inscrire dans une logique de limitation maximale de l'empreinte environnementale. » Une adaptabilité qui permettra de construire les batteries les plus vertueuses, mais aussi d'adresser un tas de marchés différents.
Former 35.000 personnes d'ici 2030
« La Nouvelle-Aquitaine n'a pas de production de masse comme ce sera le cas dans le Nord, mais pour développer les produits de demain c'est bien ici que ça se passe ! », brandit également Peter Herssens. Le directeur général de Serma Energy est à la tête d'un centre d'essai de batteries à Pessac en Gironde, qui emploie 30 salariés pour 12 millions d'euros de chiffre d'affaires. « On a des fleurons comme Saft et ACC ce qui nous positionne comme l'une des deux régions leaders [avec Aura, NDLR] de la R&D sur les cellules des batteries fabriquées en France, ça c'est une énorme force et c'est très enthousiasmant ! »
Mais au-delà des industriels, la région compte aussi sur la recherche pour rayonner. « Notre ambition est de se positionner comme un hub technologique européen en s'appuyant sur les forces académiques en présence », vise Fayah Assih, responsable transitions énergétiques et environnementale d'ADI Nouvelle-Aquitaine.Avec la programme Battena, la région veut constituer une sorte d'académie de la batterie autour des métiers dédiés à la fabrication et l'innovation. Au total, 35.000 personnes pourraient être formées d'ici 2030, pour des parcours du CAP au bac +8 à travers une trentaine de modules de formation. L'écosystème régional peut aussi bien s'appuyer sur Poitiers (Institut Pprime, IC2MP) que sur Bordeaux (ENSTBB, IMM) pour mobiliser les écoles ou les laboratoires de recherche réunis dans le réseau R3 Tesna. Toute une galaxie branchée qui se retrouve ces 14 et 15 novembre dans la capitale régionale pour aborder les grands défis d'innovation et de passage à l'échelle à venir.
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