C'est à Nersac, dans la banlieue d'Angoulême (Charente), que l'usine flambant neuve d'Automotive Cells Compagny (ACC) déroule ses 25.000 m2. Sortie de terre en seulement treize mois, cette usine pilote ou "centre d'excellence industrielle" constitue la deuxième des quatre briques déployées par la co-entreprise créée en 2020. Avec déjà 450 salariés et 700 prévus fin 2022, ACC veut devenir dans quelques années rien de moins que "le leader européen des cellules et modules de batteries pour véhicules électriques", comme le martèle Yann Vincent. Le directeur général d'ACC, passé par PSA, Alstom Transport et Renault, reprend ainsi les ambitions fixées par Emmanuel Macron lorsqu'il était venu poser la première pierre de l'usine début 2020.
Valider, régler, optimiser, former
Quelques mois après le centre de R&D implanté à Bruges, dans la banlieue bordelaise, avec déjà plus de 300 collaborateurs, c'est donc au tour de l'usine pilote de Nersac d'être inaugurée. Suivront l'usine géante de Douvrain, dans le Pas-de-Calais, en 2023, puis la gigafactory jumelle à Kaiserslautern (Allemagne) en 2025. En rythme de croisière, ACC ambitionnera alors de produire suffisamment de modules pour équiper entre un et deux millions de véhicules par an pour viser 10 % d'un marché européen évalué, toutes choses égales par ailleurs, à un besoin annuel de 12 à 14 millions de batteries électriques en 2030. Pour cela, "l'Airbus des batteries" devra continuer à avancer vite au regard des nombreux projets concurrents sur le sol européen dont notamment Verkor (France), Envision ou encore Northvolt (Suède).
Yann Vincent, le CEO d'ACC, le 11 mars 2002, à Nersac (crédits : Agence APPA).
Et, alors que l'entrée de Mercedes-Benz au capital de la co-entreprise fondée par Total Saft et Stellantis sera actée dans quelques jours, l'accélération d'ACC passera nécessairement par la case Nersac. L'usine pilote représente un investissement de 100 millions d'euros. Elle accueille déjà plus de 50 salariés - pour une centaine à terme - et quasiment autant de machines et autres lignes robotisées. "C'est ici que sont déployés les mêmes procédés de fabrication qui seront installés dans les gigafactories. Nersac permet de les valider, de les régler et de les optimiser. C'est aussi ici que nous formerons les responsables d'équipe des futures usines", poursuit Yann Vincent.
Neuf étapes de fabrication
Et, effectivement, les lignes de production n'ont pas attendu l'inauguration pour se mettre en route et rôder les neuf étapes de fabrication de ces cellules lithium-ion liquides : mélange des encres, enrobage, calandrage, découpe, assemblage des cellules catodes et anodes, remplissage et séchage, formation électrique et assemblage des modules. "L'enjeu est vraiment de réussir la phase d'industrialisation en étant une passerelle entre les travaux de R&D de Bruges et les futures grandes séries des gigafactories", insiste Philippe Biesan, le directeur technique d'ACC. Et la ligne de production est bien à taille 1, elle ne déploie que 2 GW/h de puissance contre une vingtaine de lignes de production pour jusqu'à 32 GW/h de puissance pour chacune des deux futures usines. Selon ACC, sa première batterie sera réellement mise sur le marché fin 2023. Et viendra notamment honorer les deux premiers contrats déjà signés avec Stellantis.
La cellule de batterie électrique fabriquée et testée dans l'usine pilote de Nersac (crédits : Agence APPA).
Dans les prochaines années, l'usine de Nersac servira aussi à fabriquer de petites séries et surtout à poursuivre les travaux de R&D d'ACC vers la batterie lithium-ion solide. Car si les batteries fabriquées aujourd'hui par ACC ne diffèrent pas sur le fond des procédés utilisés ailleurs en Asie ou en Europe, l'entreprise s'est fixée pour 2030 l'objectif de batteries lithium-ion solides puis lithium-métal réputées plus sûres, plus légères et plus puissantes. De larges espaces restent ainsi encore vides pour accueillir à Nersac les futures lignes de production.
Souveraineté et réemploi
Et la quête de ce Graal que constitue la batterie solide ne sera pas la seule difficulté à résoudre. "ACC est un élément contributif très fort à la souveraineté française et européenne pour la mobilité propre. Un projet très ambitieux et difficile", juge ainsi Yann Vincent. Difficile du point de vue de la souveraineté en effet car si le bâtiment a bien été construite par des entreprises françaises, toutes les machines ou presque viennent de Chine ou de Corée-du-Sud. S'y ajoute l'origine extra-européenne de ces si précieuses matières premières utilisées pour fabriquer ces batteries - lithium, Nickel, Cobalt, Manganese - dont le cours est, en outre, en train de flamber avec des prix parfois multipliés par cinq. Au-delà d'ACC, le constat est cinglant pour le Vieux continent : 85 % de la chaîne de valeur actuelle de la batterie pour véhicules électriques est actuellement localisée en Asie.
La ligne de production tourne déjà à Nersac (crédits : Agence APPA).
Tant pour les machines que pour les matières premières, ACC assure ainsi travailler à un approvisionnement plus européen, autant que possible, et sélectionner strictement ses fournisseurs étrangers d'un point de vue environnemental et éthique. "Le chemin de la souveraineté n'est pas terminé", appuie Alain Rousset, le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, soutien du projet depuis des années. "Il faut se déprendre de cette dépendance industrielle et prendre de nouvelles habitudes industrielles associant les entreprises, les pouvoirs publics et les laboratoires de recherche".
A l'autre bout de la chaîne, il faudra enfin résoudre l'indispensable équation du recyclage des batteries électriques. "L'éco-conception et le recyclage ou la réutilisation constituent des sujets importants dont nous voulons faire un avantage concurrentiel avec l'objectif d'avoir à terme 95 % des matières premières de nos batteries qui soient réutilisables ou recyclées", répond Philippe Biesan. Parmi les pistes évoquées, figure notamment le réemploi des batteries électriques de l'automobile dans des structures de stockage secondaire d'énergies renouvelables. "L'objectif final est que les matières premières issues du recyclage deviennent une vraie mine d'approvisionnement. Mais cette boucle d'économie circulaire prendra du temps et dépendra de l'augmentation de la taille du marché", complète le CTO. Actuellement, les batteries électriques fabriquées par ACC sont prévues pour durer plus de dix ans.
La chaîne de production est largement automatisée et robotisée (crédits : Agence APPA).
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