Robotique : « La France a du mal à déployer des champions sur des marchés industriels »

INTERVIEW. Enfin ! Après trois d'attente et de reports à cause du Covid, la Robocup, la plus grande compétition mondiale de robotique, débute ce mardi 4 juillet à Bordeaux. Alors que compétitions et démonstrations vont être ouvertes au grand public, la filière veut aussi en profiter pour briller à travers la tenue d'un salon professionnel. Entretien avec Eric Sainclair, co-président d'Aquitaine Robotics.
Maxime Giraudeau
Les robots s'intègrent de plus en plus dans les process industriels, comme dans l'usine de Fives Syleps à Martillac (Gironde).
Les robots s'intègrent de plus en plus dans les process industriels, comme dans l'usine de Fives Syleps à Martillac (Gironde). (Crédits : Fives Syleps)

LA TRIBUNE - Au-delà de la compétition, quelles sont les attentes de la filière robotique à l'ouverture de la Robocup à Bordeaux ?

Eric SAINCLAIR - C'est un événement à la fois pour le grand public et pour la recherche. Avec l'organisation de Robot4Industry [le salon professionnel piloté par Aquitaine Robotics les 6 et 7 juillet durant la Robocup, ndlr], l'intérêt est de profiter de la vitrine pour faire parler de quelque chose que les gens connaissent mais qui n'est pas directement mis en lumière : la robotique industrielle. On veut pouvoir bénéficier d'une caisse de résonance. Dès 2020, quand la Robocup devait initialement se tenir à Bordeaux, on s'est dit au sein d'Aquitaine Robotics que c'était l'occasion de lancer un salon spécialisé sur la robotique industrielle pendant l'événement.

Si on résonne en terme d'acteurs industriels, il n'y a pas d'entreprise nationale qui fabrique des robots, sauf sur des marchés de niche. Mais il y a beaucoup d'intégrateurs comme nous, et là nous recherchons des clients. C'est ça notre sujet. S'il n'y avait pas le salon professionnel, il n'y aurait pas d'intérêt pour les professionnels de venir sur l'événement.

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Quelles sont les forces et faiblesses de la France dans la robotique ?

Quand on a commencé à construire des robots dans les années 1980, on avait et on a toujours, comme souvent dans les procédés industriels, d'excellentes filières de recherche avec des très bons spécialistes. Mais on a du mal à développer des champions sur des marchés industriels de masse. Aujourd'hui, les grands acteurs sont d'abord japonais. Il y en avait un en Allemagne mais il a été racheté par un chinois. On n'a pas d'acteur français et quasiment pas ou plus d'européen. Il se passe un peu la même chose dans la robotique que dans le domaine de l'électronique et de la batterie.

Pour quelle raison ?

Aujourd'hui, on ne se développe pas sur ce marché-là à l'échelon national. Le taux d'équipement de l'industrie en robots industriels est faible, plus encore en France qu'ailleurs. C'est un handicap, mais ce n'est pas le frein majeur au développement d'un grand fabricant. La difficulté, c'est de passer à l'échelle pour pouvoir aborder les marchés de masse.

Les industriels sont-ils plus enclins qu'avant à intégrer les procédés robotiques ?

Globalement oui, c'est un mouvement de fond. C'est quelque chose qui se démocratise. Le message important à faire passer, c'est que la robotique en soi n'est pas un métier. La robotique est un outil. Le métier d'intégrateur, c'est de mettre des robots dans un process, dans un savoir-faire particulier. Intégrer un robot dans l'automobile n'est pas la même chose que dans l'agroalimentaire. Un robot c'est un actionneur. Les systèmes robotiques se déploient de plus en plus à grande échelle, ils permettent d'avoir des actionneurs intelligents au niveau d'un process de fabrication à un coût extrêmement abordable. L'enjeu après est de l'adapter au mieux et au plus fin à un environnement industriel donné. Sur les métiers en tension, on disait à une époque que les robots étaient là pour diminuer la pénibilité. Aujourd'hui, ça va au-delà de ça : on compense la pénurie de ressources humaines pour faire le job.

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Comment la robotique appréhende-t-elle la percée de l'Intelligence Artificielle ?

C'est une brique technologique supplémentaire. Elle va venir compléter la panoplie des outils. Dans le domaine de la vision, l'IA a par exemple un rôle important car elle permet de traiter des masses de données. Encore une fois, l'IA est un concept très ancien, la révolution c'est la capacité du système informatique à traiter la masse.

Des animations toute la semaine

La Robocup se déroule jusqu'au 10 juillet au parc des expositions de Bordeaux. Plus de 3.500 participants venus d'une quarantaine de pays sont attendus du côté des différentes compétitions de robots : football, sauvetage, maison, industrie et spectacle, dans des catégories sénior et junior. Les organisateurs espèrent accueillir plusieurs dizaines de milliers de personnes qui viendront assister à des matchs et démonstrations, mais également à des conférences sur l'IA, la robotique agricole, la place des robots dans nos vies ou encore pour découvrir des formations.

Maxime Giraudeau

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