La filière bois espère que les incendies en Gironde permettront de sensibiliser à sa cause

La filière bois compte plus de 28.000 entreprises et près de 59.000 salariés en Nouvelle-Aquitaine. En pleine expansion, elle appelle à reboiser massivement après les deux incendies qui ont détruit 21.000 hectares en Gironde.
Une parcelle de forêt de pins dans le Médoc, en Gironde.
Une parcelle de forêt de pins dans le Médoc, en Gironde. (Crédits : Agence APPA)

La forêt, c'est le poumon vert mais aussi industriel de la Nouvelle-Aquitaine, première région forestière française. Les pins, chênes et autres peupliers recouvrent un tiers du territoire régional.

"On a tendance à voir la forêt uniquement comme un lieu de promenade ou à souligner son pouvoir de capter le carbone, mais on oublie souvent que les deux ne sont possibles que si la forêt est entretenue. Un arbre ne pousse pas tout seul, les ronces oui !", appuie Christian Ribes, président de Fibois Nouvelle-Aquitaine, structure créée en 2019 par fusion des interprofessions d'Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, et par ailleurs dirigeant de Groupe Bois et Dérivés, à Allassac (Corrèze).

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Dix milliards d'euros de chiffre d'affaires

Cette fédération rassemble les propriétaires, publics mais surtout privés - 92 % de la forêt régionale est aux mains de personnes physiques-, et les industriels de la forêt. Rien qu'en Nouvelle-Aquitaine, la filière, qui s'estime méconnue au niveau national, représente un chiffre d'affaires de près de dix milliards d'euros. Comptant, avec la forêt des Landes de Gascogne qui rayonne sur les Landes, la Gironde et le Lot-et-Garonne, le plus grand massif forestier cultivé d'Europe, l'ex-Aquitaine concentre parmi les plus puissants industriels liés à la filière bois-papier. Qu'ils soient issus du territoire ou venus de l'extérieur.

Parmi les premiers se trouvent notamment les groupes landais DRT (chimie), à Dax, ou encore Gascogne, groupe leader régional de la filière bois-papier-emballage, à Mimizan (Landes). Mais la présence de la multinationale autrichienne Egger, fabricant de panneaux, à Rion-des-Landes, avec ses plus de 500 salariés, ne passe pas inaperçue. Tandis que le groupe japonais Nankai Plywood, qui a repris en 2014, la société Rolpin, à Labouheyre (Landes), qui était au ras de la liquidation judiciaire, a montré sa volonté d'investir. Au total, quelque 28.000 entreprises représentant 59.000 emplois et "plus de 6.000 autres, non-délocalisables, à pourvoir" appuie l'interprofession, qui est le troisième employeur régional.

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La plus grande catastrophe depuis 1999

Pour la filière, les incendies sont la plus grande catastrophe depuis la tempête de 1999. Même si en termes du nombre d'hectares, elles ne représentent que 10 % de la surface touchée à l'époque, il faudra des années pour que le massif, d'où 10 millions de mètres cubes sont extraits chaque année, retrouve son équilibre.

"Les jeunes arbres servent pour les industries papetières et chimiques, les plus grands sont sciés pour la construction et pour des meubles et, enfin, le petit bois sert pour le chauffage et les petits objets. En raison des incendies en Gironde, les industriels, surtout implantés dans les Landes, vont devoir s'approvisionner plus loin", alerte Hervé Bouyrie, président de l'agence départementale Landes Attractivité.

Sauf peut-être Eco-transformation à Saint-Lon-les Mines, au sud de Dax, spécialiste de la valorisation de déchets en bois. "Il est encore trop tôt pour savoir comment se passera le nettoyage, mais il est certain que ce bois carbonisé ne pourra plus servir à grande chose d'autre que de la biomasse", affirme son gérant Louis Mouyen, qui approvisionne les chaudières d'écoles, maisons de retraite et salles de sport environnantes.

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"Encore heureux que nous n'avions pas prévu de récolter autour de La-Teste-de-Buch cette année !", pointe Luc Leneveu, responsable de la société Holiste à Biscarrosse. Depuis l'arrêt préfectoral du 18 juillet, la récolte de résine de pin, qui se déroule de mai à octobre, est à l'arrêt. "L'impact est immédiat pour nos employés, au chômage technique. Nous récoltons entre 50 et 60 tonnes par saison habituellement, qui sont transformées notamment par la société Biolandes (Le Sen) en composants pour les cosmétiques ou encore la colle et les produits d'entretien." A noter que l'essence de térébenthine tirée de la résine de pin, dont DRT est un producteur de référence, reste un grand débouché de la gemme.

Holiste approvisionne aussi la startup angloy Arrosia, qui voit dans le sang des pins une alternative aux résines pétrochimiques. "Il y aura un impact économique à très long terme, car on ne peut débuter la récolte qu'au bout d'une quarantaine d'années", souligne Luc Leneveu. C'est pour cette raison que l'interprofession appelle à reboiser rapidement, massivement mais aussi différemment, en alternant les espèces et en intégrant des bandes coupe-feu.

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Une demande en hausse

"À La-Teste-de-Buch, ce sont essentiellement des pins maritimes, propriétaires de l'Etat et des communes. À Landiras, il y aussi d'autres types d'arbres et plutôt des propriétaires particuliers, qui vont devoir payer pour replanter, en tirant les leçons de ce qui vient de se passer. Il nous faudra des canadairs basés en Nouvelle-Aquitaine", appuie Christian Ribes, le président de Fibois. "Le bois est un matériau d'avenir. La demande a progressé de plus de 20 % depuis 2020", ajoute-t-il. Et de détailler l'effet conjuguée de trois phénomènes : le crise Covid, qui a souligné la vertu de l'approvisionnement local, la moindre concurrence des fournisseurs scandinaves et allemands - préférant profiter de la reprise économique aux Etats-Unis, où les murs des maisons sont réalisés majoritairement en bois - et enfin, la nouvelle réglementation du bâtiment, la RE2020, qui favorise la construction en bois.

'"l y a une marge de progression : la Nouvelle-Aquitaine a la même taille que l'Autriche, où notre filière est huit fois plus importante", pointe Christian Ribes, qui espère que les incendies, douloureuses, serviront à alerter l'Etat et le grand public sur les rôles multiples de la forêt.

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Commentaires 2
à écrit le 26/07/2022 à 20:19
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Bonjour, Bon pour la région bordelaise, le pin parasol est chez lui depuis 200 ans. Mais je regrette l'absence de par feu 🔥 , de grande bande sans plantation, zone nettoyer par des troupeaux de chèvres.... Cela permet d'assurer des limites au ince...

à écrit le 26/07/2022 à 15:23
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Des terrains à perte de vue plantés d'un seul arbre, est ce encore une forêt? La forêt, c'est la diversité des essences et pas la monotonie de rangées de pin bien alignées.

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