Un instant de répit, juste le temps pour les 2.000 pompiers mobilisés de repartir à l'offensive contre ces feux gigantesques. Une accalmie s'est confirmée ce mercredi 20 juillet sur le front des deux incendies qui ont déjà brulé près de 21.000 hectares à Landiras et La-Teste-de-Buch depuis le 12 juillet, entraînant l'évacuation de près de 37.000 habitants et vacanciers. Signe positif : ce bilan est quasi-inchangé par rapport à la veille : "Pour la deuxième journée consécutive, les deux feux ne présentent plus de fronts de flammes constitués et n'ont pas progressé", indiquait la préfecture mercredi soir tard.
Jusque-là, la Nouvelle-Aquitaine dans son ensemble et tout particulièrement ses zones littorales s'attendaient à une excellente saison avec des prévisions de réservations supérieures aux niveaux record de 2021. 76 % des professionnels du tourisme sur le littoral se déclaraient ainsi satisfaits de l'avant-saison fin juin, dont 23 % de très satisfaits, selon les derniers chiffres du Comité régional du tourisme alors que le tourisme pèse du 9 % du PIB régional. Une dynamique d'abord tirée par les touristes français. Pour le mois de juillet, les réservations dans la région étaient identiques ou supérieures à l'an dernier dans 73 % des établissements. Un taux qui grimpait à 75 % en août, porté notamment par les bons résultats des campings situés sur le littoral.
"Tout a brûlé, la saison est terminée"
Mais le vent a tourné dès le 12 juillet et le déclenchement des deux incendies à Landiras et La-Test-de-Buch, près de la célèbre dune du Pilat. C'est là que les campings et leurs 6.000 occupants ont été évacués dès le 1er jour avant d'être détruits par les flammes quelques jours plus tard.
"L'organisation de l'évacuation a été incroyable mais le feu a changé de dimension et, aujourd'hui, la saison est terminée, tout a brûlé", témoigne Charlie Piccolo, le directeur de la Waggas School, une école de parapente active depuis une quinzaine d'années sur la dune du Pilat et hébergée au Pyla Camping, l'un des cinq établissements détruits à 90 %. "On est retourné sur le site et il n'y a littéralement plus rien... Tout a brûlé, le bâtiment, le matériel, tout... C'est un désastre", explique-t-il, partageant sa "sidération totale".
"Plus de 20 % d'annulations"
Outre les 20.000 personnes évacuées et plusieurs milliers d'emplacements de camping partis en fumée, avec des conséquences durables pour les commerces, supermarchés, artisans et opérateurs touristiques locaux, les secteurs de la dune du Pilat et plus largement du Bassin d'Arcachon font face à une vague d'annulations depuis le 12 juillet. Les images des pins en flammes qui passent en boucle à la télévision dissuadent un certain nombre de touristes de venir ou de rester en Gironde, un département où 23.000 emplois dépendent du tourisme, dont 40 % hors de la métropole bordelaise, et où la consommation touristique annuelle est évaluée à 1,8 milliard d'euros.
"On enregistre plus de 20 % d'annulations ces derniers jours et d'ici la fin du mois de juillet", évalue Franck Chaumes, le président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie de Gironde (Umih 33). "C'est dommage mais c'est vrai qu'il y a pour le moment un effet assez anxiogène tant que le feu n'est pas stoppé. Les annulations se concentrent sur juillet mais ne touchent pas encore le mois d'août et on espère que ça ne sera pas le cas. Il faut le dire : c'est un coup dur pour beaucoup d'établissements mais la saison touristique n'est pas morte !", poursuit le patron du Transat, un restaurant à Arcachon.
Difficile de faire les comptes alors que les feux, bien que moins virulents, ne sont toujours pas fixés mais Patrick Seguin, le président de la Chambre de commerce et d'industrie Bordeaux Gironde, estime que "pour l'hôtellerie-restauration, on parle de 10 % à 15 % de perte de chiffre d'affaires par rapport à ce qui était prévu. Il y a des annulations et des gens qui partent alors même qu'on espère enfin tenir le bon bout face à ce feu qui ne progresse plus ces dernières heures". "Sur le terrain, il y aussi beaucoup de solidarité entre hébergeurs pour reloger des personnes là où il y a encore des places disponibles", complète Aurélie Loubes, la directrice du Comité régional des tourismes.
Pas de reconstruction à l'identique
Le patron de la CCI a été mandaté par l'Etat pour réquisitionner une douzaine de bulldozers privés afin de participer aux chantiers des pare-feux. Mais il prépare aussi le coup d'après. "On travaille avec l'Etat, la Région, le Département et les communes pour créer un fonds d'aide exceptionnelle pour les entreprises sinistrées. On les accompagne dans leurs démarches avec les assureurs notamment", indique-t-il à La Tribune, soulignant que "la reconstruction des campings situés au pied de la dune pose question au regard de la loi littoral et de l'évolution de la réglementation. Il risque d'y avoir des problèmes épineux..."
Une inquiétude partagée également par Charlie Piccolo de la Waggas School : "Il faudra surement des aides financières pour permettre aux campings de redémarrer mais notre souhait le plus profond c'est qu'il n'y ait pas de frein à la reconstruction sur site des campings détruits. Ce serait déjà une grande aide !" Interpellé sur ce sujet lors d'un déplacement à La-Teste-de-Buch, Emmanuel Macron a prévenu :
"On ne reconstruira pas les campings dans les mêmes conditions. Beaucoup n'étaient pas aux normes et avaient des contentieux avec l'État [...] Je ne peux pas vous dire qu'on reconstruira chaque bungalow de la même manière, ce ne serait pas vrai. Il y a des règles nouvelles et il faudra rebâtir avec des règles différentes, des règles de prévention des risques et de préservation du littoral. [...] Nous allons mettre la pression sur les assureurs, donner très vite les nouvelles règles [de construction] et accompagner la reconstruction parce que je veux voir des campings ouverts dès la saison prochaine !"
Un plan local de relance présenté le 22 juillet
Le président de la République a également assuré que l'État sera là pour accompagner les acteurs économiques dans l'urgence et pour demander une "réponse très forte et rapide" aux compagnies d'assurance. "Nous allons aussi accompagner les travailleurs saisonniers pour qui la saison s'arrête avec les outils tels que le chômage partiel", a ajouté le chef de l'État.
Encore sous le coup du désastre des derniers jours, Charlie Piccolo, qui a été contraint de se séparer de ses quatre moniteurs saisonniers, veut rester optimiste même si sa saison est terminée : "Par expérience, après les crises comme les marées noires ou le Covid, les gens sont toujours revenus sur le Bassin d'Arcachon. Il y a un très fort attachement." De son côté, le Syndicat intercommunal du Bassin d'Arcachon présentera un plan de relance du tourisme dès ce vendredi 22 juillet. Le CRT devrait suivre rapidement pour cibler prioritairement la clientèle étrangère.
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