La stratégie de Valorem pour s'ancrer dans le boom des énergies renouvelables

Jean-Yves Grandidier, le président-fondateur du producteur indépendant d'électricité Valorem, était l'invité du Petit-déjeuner organisé par La Tribune avec le Crédit agricole d'Aquitaine, le 9 octobre 2020. De l'éolien au photovoltaïque, des années 1990 à l'horizon 2030, le dirigeant de cette ETI de 300 salariés et 90 millions d'euros de chiffre d'affaires, a présenté son parcours, sa stratégie et ses perspectives de recrutement. Morceaux choisis.
(Crédits : Agence APPA)

Née en 1994 sous la forme d'un bureau d'études spécialisé dans les champs d'éoliennes, l'entreprise Valorem, dont le siège est à Bègles, s'est considérablement développée en l'espace d'un quart de siècle. Une trajectoire symbolique de la place croissante des énergies renouvelables (ENR) - l'éolien terrestre et offshore, le photovoltaïque, l'hydraulique et la biomasse - dans le débat public comme dans le mix énergétique français.

"Aujourd'hui, on a un parc énergétique de 500 MW en exploitation dont principalement de l'éolien pour 350 MW, du solaire pour 150 MW et, en complément, un peu d'hydraulique en France métropolitaine mais surtout en Guadeloupe [...] Au total, cela représente de quoi alimenter la consommation de 500.000 habitants en comptant 2.000 kWh par habitant, c'est-à-dire chauffage compris", cadre Jean-Yves Grandidier, lors du Petit-déjeuner organisé par La Tribune avec le Crédit agricole d'Aquitaine ce 9 octobre à l'Intercontinental Bordeaux - Le Grand Hôtel.

Jean-Yves Grandidier Valorem

Pierre Cheminade, rédacteur en chef adjoint de La Tribune, et Jean-Yves Grandidier, président de Valorem (crédits : Agence Appa).

Les trois ingrédients stratégiques

Le chef d'entreprise âgé de 63 ans est aussi un fervent défenseur de la filière des ENR puisqu'il est cofondateur de France énergie éolienne, le lobby de la profession à l'origine de la mise en place des tarifs réglementés de l'électricité renouvelable au tournant des années 2000. Un véritable tournant pour les entreprises de la filière. Loin de la confidentialité de ses débuts, Valorem se positionne désormais sur un marché des ENR de plus en plus concurrentiel avec de nombreux producteurs indépendants - à l'instar de JP Energie et Environnement, qui est derrière la centrale de Labarde à Bordeaux - de porteurs de projets publics ou parapublics - à l'instar de la SEM Sergies, dans la Vienne - et même de grands groupes pétroliers tel que Total qui a racheté l'entreprise Quadrant qui porte la centrale de Merle-Sud, en Gironde.

"Nous voulons résolument rester indépendant, c'est ma volonté et c'est une vision partagée par la majorité de nos salariés parce que ça nous permet de défricher des sentiers, de tester de nouveaux modèles d'affaires plus vertueux et d'envisager d'adopter le statut d'entreprise à mission", affirme Jean-Yves Grandidier. "Et pour cela il faut combiner trois ingrédients : il faut grandir avec l'objectif d'atteindre entre 5 et 10 GW d'ici 2030 à 2035 ; il faut nous diversifier sur le plan géographique et sur le plan des sources d'énergies pour pouvoir utiliser leur complémentarité et être moins sensible au risque lié à une seule ENR ou un seul pays ; enfin, il faut flexibiliser nos actifs de production en y intégrant, par exemple, de l'hydrogène sur les aspects de stockage et de mobilité lourde."

Lire aussi : Grâce à H2Bordeaux, le port pourrait bénéficier de 3.000 tonnes d'hydrogène déjà disponibles

Les quatre marqueurs de Valorem

Et pour se distinguer de la concurrence, Valorem cultive aussi sa propre manière de faire en misant sur quatre critères différenciant. Le premier est son implantation dans le tissu économique local :

"Notre parc solaire de Sainte-Hélène, dans le Médoc, c'est 80 % de contenu français et même 60 % de Nouvelle-Aquitaine puisqu'on s'est fourni chez le Girondin Exosun", affirme le dirigeant. "C'est aussi le recours aux clauses d'insertion dans nos chantiers et chez nos sous-traitant pour embaucher des personnes éloignées de l'emploi. Depuis 2017, c'est 20.000 heures d'insertion réalisées, on est la seule entreprise privée du marché à le faire à ce niveau."

Le deuxième ingrédient c'est "le soucis de protection de l'environnement et de la biodiversité dans nos parcs éoliens et solaire avec le principe de réduire-éviter-compenser". "Nous avons aussi une volonté forte de nous implanter fortement en zones rurales pour y créer des emplois et de l'activité économique et donc des recettes fiscales. C'est une manière à notre échelle de lutter contre ce phénomène de désertification avec les ENR qui sont un modèle plus décentralisé, mieux réparti sur le territoire que le nucléaire", développe Jean-Yves Grandidier. Enfin, dernier ingrédient : le financement participatif, tant auprès des élus que des collectivités locales : "On est un pionnier du financement participatif avec un ingénieur dédié à ça depuis 2010 et 15 millions d'euros collectés dont 5 millions d'euros pour la seule année 2019 !"

Lire aussi : Landes : un projet de centrale solaire réunit 575.000 € en dix jours !

L'essor de l'agrivoltaïsme

En Nouvelle-Aquitaine, la préfète comme le conseil régional veulent interdire l'utilisation des sols naturels et agricoles pour développer du solaire et plutôt privilégier les parkings, toitures et autre friches. Est-ce suffisant pour répondre aux besoins ? "Il faut commencer par là, c'est évident ! Mais même si on couvre la moitié de toutes les toitures orientées au Sud, cela ne représentera que 10 à 15 % de nos besoins électriques. Il faut en effet privilégier les surfaces dégradées mais les grands projets de ce type sont aujourd'hui réalisés et il reste surtout des petits projets qui coûtent plus cher à réaliser car il n'y a pas d'économies d'échelles", relativise Jean-Yves Grandidier. "Il faudra donc aller vers des terres agricoles via du photovoltaïque extensif, c'est-à-dire en espaçant les panneaux pour permettre d'avoir une culture ou un élevage en dessous, c'est ce qu'on appelle l'agrivoltaïsme et c'est un modèle vertueux pour les agriculteurs comme pour les producteurs d'ENR", poursuit le dirigeant.

Lire aussi : Agriculture et énergie solaire : quels modèles économiques ?

Et Jean-Yves Grandidier, partisan d'une taxe carbone aux frontières européennes pour protéger les fabricants français et européens de pales éoliennes et de panneaux photovoltaïques, de se dire convaincu que l'objectif de 80 % d'ENR dans le mix énergétique national à horizon 2035 est parfaitement atteignable : "Il faut accélérer c'est clair ! Mais selon un rythme qui n'est pas hors de portée. Cela peut aller très vite et avec des coûts de production de plus en plus faible. Pour arriver à 80 %, il faut créer 2.500 MW d'éolien terrestre par an, contre 1.600 MW en 2018. Mais par exemple, les Allemands ont 2.700 MW par an en moyenne depuis quinze ans. Donc c'est faisable, notamment en utilisant la ceinture éolienne de Paris : Picardie, Champagne-Ardenne et Centre." Outre l'éolien et le solaire qu'il conviendrait de porter à 5 GW par an, Jean-Yves Grandidier mise aussi sur le fort développement de l'éolien offshore qu'il juge particulièrement prometteur :

"Pour atteindre cet objectif, il ne faut pas multiplier par dix le rythme actuel, seulement l'augmenter de 20 à 30 %. C'est tout à fait faisable d'autant plus que les projections de développement des ENR se trompent souvent à la baisse par rapport à la réalité !"

Lire aussi : Sept chiffres sur la consommation et la production d'électricité en Nouvelle-Aquitaine

60 recrutements en 2021

Dans ce contexte et après deux années d'intense croissance au cours desquelles l'entreprise est passée de 190 à 300 salariés, Valorem devrait continuer à croître mécaniquement d'ici fin 2021 / début 2022.

"Nous prévoyons un volume de recrutements de l'ordre d'une soixantaine de postes sur des métiers assez variés en France et à l'étranger : des chefs de projets, des profils de juristes, des profils de gestion des risques, de la RSE et des clauses d'insertion, des techniciens en éolien et en photovoltaïque, des responsables de maintenance et d'exploitation, etc.", liste le dirigeant.

Valorem intègre désormais tous les métiers de la prospection à l'exploitation d'une centrale éolienne ou solaire en passant par les études de faisabilité, la réalisation ou encore la maintenance. Deux filiales dédiées ont ainsi été créées ces dernières années : Valemo, spécialisée dans la conduite et la maintenance des parcs d'ENR, et Valrea, spécialisée dans la construction de ces parcs.

/////////////////////

Les précédents Petits-déjeuners La Tribune avec le Crédit agricole d'Aquitaine :

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.