À Bordeaux, les grandes opérations urbaines avancent malgré la crise du bâtiment

Mérignac Soleil, Brazza et bientôt la Jallère... Les grands projets d'aménagement urbain sortent de terre (ou des cartons) sur la métropole girondine, en portant des objectifs ambitieux de requalification des surfaces commerciales, de logements innovants et de renaturation. La crise du bâtiment semble retarder sans compromettre les ambitions.
Maxime Giraudeau
L'opération d'aménagement Brazza a débuté au début des années 2010 sur la rive droite de la Garonne à Bordeaux.
L'opération d'aménagement Brazza a débuté au début des années 2010 sur la rive droite de la Garonne à Bordeaux. (Crédits : JB Menges / Bordeaux Métropole)

Où sont passées les clés du bâtiment ? La crise s'installe et les solutions ont du mal à s'imposer. Pour relancer la construction, le secteur compte indéniablement sur les opérations d'aménagement et de requalification dans les grandes métropoles françaises. Mais il faudra faire autrement que par le passé. C'est en substance le message adressé en ouverture du Forum des grands projets urbains du Grand Ouest ce 19 mars à Bordeaux, par la nouvelle présidente métropolitaine, Christine Bost.

« Nous vivons un moment tout à fait critique, avec des crises successives qui ont soulevé un certain nombre de changements pour nos habitants. Maintenant, il faut voir comment on offre des capacités d'accueil dans un espace de plus en plus contraint », suggère-t-elle pour sa première sortie publique. Avant d'affirmer : « L'ère des grands projets d'aménagement est derrière nous. »

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Faire la ville sur la ville. Cette mission qui s'impose à travers trois grandes opérations sur le territoire de la métropole girondine. Mérignac Soleil avec son immense centre commercial et Brazza avec ses logements innovants en zone inondable d'abord, deux programmes débutés dans les années 2010 et qui se poursuivront jusqu'en 2030. Puis le futur quartier de la Jallère, en phase de concertation, où la désartificialisation sera conjuguée à l'aménagement de 100.000 m2 de surfaces nouvelles. Tour d'horizon de l'avancée des projets.

Mérignac Soleil, le chantier de la mixité en zone commerciale

C'est un bastion commercial de 70 hectares et 93.000 m2 de surfaces plancher qui voit passer près de dix millions de consommateurs par an. A l'ouest de l'agglomération, le secteur Mérignac Soleil est travaillé depuis dix ans par une opération de requalification qui vise à le faire passer de pure zone commerciale à quartier mixte. L'année 2024 est celle de la concrétisation puisque 800 premiers logements seront livrés (sur une programmation de 2.800 unités) dans des immeubles entièrement dédiés à l'habitat ou accueillant aussi des surfaces commerciales. La crise risque de retarder quelque peu le reste du programme.

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Cliquez sur la carte pour l'agrandir. Le projet s'étend sur 70 hectares à proximité de la rocade. (crédit : La Fab)

« Les premiers habitants, ce sont un peu des pionniers : ils vivent au milieu des parkings et des boîtes à chaussures. Pour autant, on a travaillé sur la végétalisation des espaces privés. C'est aussi l'illustration de l'urbanisme opérationnel car on intervient directement sur les emprises d'anciennes enseignes, comme Fiat et Castorama », explique Aurélie Herault, directrice de projet pour La Fab, service d'urbanisme métropolitain. Avec une attention qui vise à libérer les emprises commerciales existantes plutôt qu'à surélever les bâtiments.

L'opérateur travaille aussi à la renaturation des espaces avec l'objectif de passer de 90 % à 70 % d'espaces imperméabilisés sur le secteur. L'opération Mérignac Soleil a d'ailleurs été lauréate du programme France 2030 pour mener des études approfondies sur les méthodes de désartificialisation et le réemploi des structures des bâtiments. A ce titre, une plateforme de 1.500 m2 dédiée aux matériaux de construction et au réemploi a été ouverte sur site début 2024. Y gravitent des acteurs de l'ESS qui valorisent des éléments de plomberie, d'électricité ou de menuiserie pour les réinjecter dans les circuits de construction.

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Brazza profite de la crise pour se questionner

« Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose de questionner les tendances actuelles. La crise nous donne aussi du temps pour interroger la pérennité de la programmation. » La responsable du projet Brazza pour Bordeaux Métropole, Pauline Deslous, prend les difficultés avec pragmatisme, malgré quelques mois de retard induits par la crise. Sur le quartier, le programme lancé en 2012 prévoit la construction finale de 4.800 logements d'ici 2030 avec la création de 426.000 m2 de surfaces sur les berges de la rive droite de la Garonne à Bordeaux.

Plus de la moitié des programmes ont été livrés, avec de nombreux formats innovants : des constructions sur pilotis pour répondre au caractère inondable des terrains, des appartements modulables pour s'adapter aux changements de vie (les fameux volumes capables) ou des bâtiments construits avec des procédés bas carbone comme l'UCPA Sport station. L'été dernier, plus de 200 personnes ont été expulsées du « bidonville de Brazza » pour libérer un foncier très convoité. Depuis, les manœuvres se poursuivent avec le programme de Cardinal Promotion entré en chantier en novembre qui ambitionne de décrocher le label Bâtiment frugal bordelais pour sa livraison en 2027 au plus tard.

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brazza immobilier aquitanis

Les immeubles sur pilotis du bailleur social Aquitanis. (crédit : JB Menges / Bordeaux Métropole)

De son côté, Cogedim travaille à l'édification de locaux commerciaux en partenariat avec InCité, pour bâtir un pôle dédié à l'ESS et l'artisanat. Le démarrage du chantier est prévu pour l'été. Ensuite, les opérateurs de Brazza vont s'attacher à densifier dans les limites extérieures du quartier afin de faire la jonction avec les autres secteurs de la rive droite, Benauge et Niel. « On veut amener de la densité autour du quartier pour avoir un cœur de quartier plus apaisé, avec des maisons individuelles qui soient aussi capables de dégager un certain niveau de densité », expose Pauline Deslous.

La Jallère, future vitrine du bâtiment durable ?

Ce doit être le support de toutes les ambitions de la municipalité écologiste en matière de construction vertueuse. Au nord de Bordeaux, sur les berges marécageuses du Lac, on présente la Jallère comme le futur quartier bas carbone de la métropole. Sur 35 hectares cohabitent l'ancien siège régional de la Caisse des Dépôts avec ses 31.00 0m2, l'ancien bâtiment du GAN sur 20.000 m2 ou les locaux de Groupama toujours occupés. Et tout ça au milieu de zones humides. En plus des réhabilitations, la municipalité prévoit la construction de 100.000 m2 de surfaces plancher sur le foncier déjà bétonné et la désartificialisation de six hectares.

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« C'est un quartier encore monofonctionnel. On doit y associer les sujets de mobilité, de production d'énergies renouvelables, de matériaux biosourcés dans les futures constructions. C'est probablement ce qui deviendra une opération d'aménagement », évoque ainsi Nathalie Bouchain, directrice de l'urbanisme de Bordeaux Métropole. Un processus de concertation publique s'est ouvert en novembre et se poursuit jusqu'à début avril.

La Jallère

A proximité du tramway et du lac, le quartier de la Jallère offre un potentiel foncier déjà artificialisé. (crédit : Bordeaux Métropole)

Les travaux de réhabilitation, première phase du programme, pourraient débuter en 2025. D'ici là, la municipalité a misé sur l'urbanisme transitoire avec l'installation de structures de l'ESS dans les bâtiments toujours entretenus. C'est bien là un chantier colossal qui promet de s'ouvrir, porté par une attention hautement plus durable que les précédentes infrastructures nées dans le quartier, et qui pourtant rivalise en gigantisme avec le stade voisin que le maire de Bordeaux a depuis toujours décrié.

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Maxime Giraudeau

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