Démographie, Parisiens, seniors : quel impact sur le marché immobilier bordelais ? (9/11)

Croissance démographique, arrivée d'acheteurs franciliens et retour d'une clientèle seniors : quels sont les impacts réels de ces phénomènes sur le, ou plutôt, sur les marchés immobiliers bordelais ? Attention aux idées reçues !
Bordeaux est-elle vraiment perturbée par une arrivée massive de profils parisiens ?
Bordeaux est-elle vraiment perturbée par une arrivée massive de profils parisiens ? (Crédits : Agence APPA)
  • Le grand galop de la démographie

Bordeaux, la Gironde et plus largement la Nouvelle-Aquitaine ont enregistré une croissance démographique supérieure à la moyenne nationale entre 2010 et 2015, selon l'Insee. Une tendance lourde qui contribue à l'assèchement de l'offre de logements dans la métropole.

Avec très exactement 5.911.482 habitants au 1er janvier 2015, la Nouvelle-Aquitaine a gagné 165.996 habitants depuis 2010 et est la 4e région la plus peuplée de France derrière l'Ile-de-France, les Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. Elle a enregistré une croissance démographique annuelle moyenne de +0,6 % entre 2010 et 2015, légèrement plus forte que la tendance nationale (+0,5 %) et rassemblait à cette date près de 9 % de la population française. Ce dynamisme est lié à un solde migratoire positif (arrivées supérieures aux départs), le solde naturel étant globalement nul. C'est ce qui ressort de la dernière étude disponible de l'Insee, publiée fin 2017.

Ce sont les départements littoraux qui accueillent le plus de nouveaux arrivants. Avec un gain de près de 100.000 habitants en cinq ans, la Gironde, qui comptait désormais 1,548 million d'âmes en 2015, était alors le département le plus dynamique de Nouvelle-Aquitaine (+1,3 % en moyenne annuelle) et le 4e le plus dynamique de France derrière la Haute-Savoie, l'Hérault et la Haute-Garonne. La Gironde totalisait alors un quart de la population régionale, dont la moitié dans l'agglomération bordelaise. Les Landes (+1 % par an en moyenne) et la Charente-Maritime (+0,6 %) affichaient des progressions supérieures à la moyenne tandis que la Corrèze (-0,1 %) et surtout la Creuse (-0,4 %) perdaient des habitants entre 2010 et 2015.

Au 1er janvier 2015 toujours, Bordeaux Métropole hébergeait 773.542 habitants, soit un gain de 52.106 habitants en seulement cinq ans (+7,2 %). Combinant attractivité et excédent naturel, elle affichait une hausse moyenne annuelle de 1,4 %, soit le même rythme que les métropoles de Toulouse, Nantes et Rennes. Seule celle de Montpellier augmentait alors plus vite (+1,9 %). Bordeaux Métropole est ainsi la 5e métropole la plus peuplée de France. Dans le détail, la commune de Bordeaux, avec 249.712 habitants, en a gagné 10.555 en cinq ans, principalement grâce à une natalité vigoureuse. La hausse de la population bordelaise entre 2008 et 2014 a d'abord été alimentée par les naissances, avec un taux d'accroissement naturel de +0,5 % par an, puis par les migrations d'une ville à une autre (+0,3 % par an).

En proportion, c'est sa voisine immédiate Bruges qui a connu la plus forte hausse de population ces dernières années avec un bond de 22 % entre 2010 et 2015. En résumé : la population de Bordeaux progresse, mais moins vite que celle de sa périphérie immédiate. A défaut de pouvoir disposer de chiffres plus récents, il est difficile d'étayer ce qui s'est passé ces trois dernières années. Gageons qu'au vu de l'attractivité bordelaise, la tendance vue précédemment n'a fait que se renforcer.

Les chiffres à retenir

  • 5,9 millions d'habitants en Nouvelle-Aquitaine (+0,6 % entre 2010 et 2015)
  • 1,548 million d'habitants en Gironde (+ 1,3 %)
  • 773.542 habitants à Bordeaux Métropole (+7,2 %)

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  • Parisien, tête de turc

Avec le loueur Airbnb, le Parisien récemment installé à Bordeaux fait figure de grand satan, à entendre une large frange de l'opinion publique. Problème : les chiffres sont têtus et contredisent l'assertion.

Petit autocollant, grosse polémique. En octobre 2017, un autocollant « Parisien rentre chez toi » orné d'un TGV fleurissaient sur quelques lampadaires et arrêts de bus de Bordeaux. Rien de massif, mais une manière bien peu avenante de renvoyer chez eux les familles de cadres parisiens aisés qui choisissent de s'installer dans la capitale girondine. Le rabâchage médiatique constant en mode "Bordeaux, ville préférée des cadres pour s'y installer", et l'arrivée sur le marché immobilier de quelques dizaines de couples à fort pouvoir d'achat après avoir revendu leur logement francilien une fortune, a fait son effet. Les "Parisiens bobos néo-bordelais" étaient auparavant seulement moqués pour leur tendance à demander des pains au chocolat à la boulangerie du coin au lieu des sacro-saintes chocolatines locales. Depuis, ils sont devenus de parfaits boucs émissaires.

Sont-ils aussi coupables de la flambée des prix qu'on l'entend dire ? Quelques coups de fil aux agences immobilières évoquent plutôt des arrivées progressives, légèrement accentuées depuis la mise en fonction de la ligne à grande vitesse qui place Bordeaux à 2h05 de Paris. Ces mêmes agents soulignent que, plus que leur nombre, ce sont les moyens à la disposition de ces profils qui sont conséquents, les positionnant d'emblée sur le marché du haut de gamme. Enfin, certains soulignent voir désormais dans leurs agences des couples qui ont acheté il y a trois ou quatre ans et qui revendent maintenant pour repartir à Paris, l'un des conjoints n'ayant pas réussi à trouver un emploi dans la métropole.

Les notaires confirment aussi l'emballement. La dernière étude de la Chambre des notaires de Gironde sur l'évolution du marché immobilier en 2017 indiquent que les Franciliens représentaient 12 % des acquéreurs de bien immobilier à Bordeaux en 2017. Beaucoup moins que ce à quoi on aurait pu s'attendre, puisqu'il reste quand même 88 % de non-Franciliens... "Selon les marchés, leur proportion varie de 7 % pour les appartements anciens à 30 % pour les appartements neufs. Sur la dernière année, leur part de marché a progressé uniquement sur le marché des maisons anciennes, passant de 7 % à 10 %", égrène l'étude de 2017, qui poursuit :

"10 % des appartements les plus onéreux sont acquis par des Franciliens. Cette proportion s'élève à 14 % pour les maisons anciennes. A l'inverse, pour les biens les moins chers, les Franciliens représentent entre 5 % et 6 % du marché."

Parmi cette population francilienne, les Parisiens sont les plus nombreux (42 %) dont le portrait-robot de cet acquéreur immobilier se rapproche de la caricature locale sur le pouvoir d'achat des nouveaux arrivants puisque c'est un cadre supérieur âgé de 30 à 39 ans. L'autre information n'est pas simplement lexicale : 24 % de ces 10 % de Franciliens qui achètent à Bordeaux sont des Altoséquanais. Mais ce mot, qui semble signaler une invasion barbare, désigne plus simplement les habitants des Hauts-de-Seine...

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  • Les seniors, éléments perturbateurs ?

Les plus de 60 ans contribueraient-ils à déséquilibrer le marché immobilier métropolitain ? Il semble que les couples âgés plébiscitent de plus en plus l'hyper-centre de Bordeaux, le neuf ou le rénové, et se positionnent avec des moyens conséquents après avoir revendu une petite fortune leur pavillon en banlieue.

"La frange du marché au-dessus des 5.400 €/m2 représentait 3 % du marché bordelais en 2016. Fin 2017, c'était 19 % des ventes et 26 % de l'offre. Il y a un risque d'hors-sol." Le constat date d'il y a un plus d'un an et était posé par Gilles Buffin, directeur commercial du promoteur régional Belin Promotion, au moment de dresser le portrait du marché bordelais. Quinze mois après, le diagnostic est toujours valable. A l'époque, le professionnel était l'un des rares à pointer une des raisons méconnues de la flambée des prix :

"Le marché bordelais de l'hyper centre-ville se caractérise par une population senior qui revend des grandes maisons dans la métropole et des appartements dans des immeubles anciens, et qui cherche en centre-ville des appartements fonctionnels, aux normes, avec un ascenseur et de belles prestations. Cette population dispose, après la vente de leur précédent logement, d'un pouvoir d'achat très important, et font preuve d'un fort degré d'exigence. En un an nous avons commercialisé 90 % de notre programme Palais Galien, rue Fondaudège. Pour 50 % de ces ventes, il s'agit d'acquéreurs de plus de 65 ans. On le voit aussi à Lyon et à Paris : c'est le retour des seniors dans de grands appartements en centre-ville."

En 2018, une maison avec un bout de jardin et 3 chambres à Mérignac part aisément à plus de 600.000 € minimum, la plupart du temps bien au-dessus, tant la demande est soutenue. Les seniors cédants disposent donc d'un solide pécule, parfois abondé par des économies de toute une vie. Au moment de partir à la recherche d'un logement spacieux dans le centre de Bordeaux, dans les zones bien desservies par les transports en commun, ils partent donc avec une solide longueur d'avance sur les jeunes couples avec enfants primo-accédants, contrainte dans son pouvoir d'achat et solvable à un prix moyen ne dépassant guère les 3.100 €/m2...

Agent immobilier et cofondateur de la startup Bientôt chez soi, Philippe Gaudin apporte un éclairage complémentaire :

"A Bordeaux, la part de propriétaires occupants, donc susceptibles de mettre leur bien sur le marché, est de 32 % selon l'Insee. Le marché potentiel n'est donc pas si énorme que ça. Il faut aussi avoir en tête qu'après un achat, l'acquéreur cherche à amortir puis à attendre la possibilité d'une plus-value. Il est même généralement arc-bouté sur le prix facial à la revente en oubliant le loyer économisé, la variation des taux, voire les frais de notaire. Psychologiquement, il lui faut une plus-value de 8 %. Une fois une opération faite, beaucoup attendent au minimum 5 ans, souvent entre 10 et 15 ans, afin de se resolvabiliser avant de mettre leur logement sur le marché. Comme il y a eu beaucoup de transactions ces dernières années avec les taux bas, le marché doit reprendre son souffle. Après, nous constatons aussi une nouvelle catégorie de population qui se présente. Des gens de 65 à 70 ans qui viennent d'hériter de leurs parents, qui n'ont pas confiance dans l'assurance-vie et ses placements, qui n'ont plus d'enfants à la maison et qui ont fini de payer leur logement. Cette franche du marché hérite de plus en plus tard au fur et à mesure que l'espérance de vie s'allonge, ils se retrouvent du jour au lendemain avec des moyens importants et les orientent vers des logements à louer qu'ils achètent en négociant peu les prix."

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Au cours des prochains jours, nous publierons notre enquête complète, "Immobilier à Bordeaux : l'heure du retournement ?" dédiée aux tenants et aux aboutissants du marché immobilier de la métropole et parue dans La Tribune Hebdo datée du 12 octobre 2018. Il est possible de consulter la version numérique en format pdf ici.

Les premiers volets du dossier sont accessibles ici :

Lire aussi : Bordeaux : pourquoi la flambée des prix de l'immobilier ne pouvait plus durer (1/11)

Lire aussi : Bordeaux Métropole : la hausse des prix immobiliers fait tache d'huile (2/11)

Lire aussi : Bordeaux Métropole, les ventes dans l'immobilier neuf chutent de 40 % (3/11)

Lire aussi : A Bordeaux Métropole, la raréfaction des permis de construire est "un facteur explosif" (4/11)

Lire aussi : Bordeaux Métropole : "Le marché immobilier doit faire une pause" selon Jacques Mangon (5/11)

Lire aussi : Logements neufs : à Bordeaux Métropole les maires ont le pied sur le frein (6/11)

Lire aussi : Bordeaux Métropole : à Bruges, Brigitte Terraza veille à la qualité de l'immobilier (7/11)

Lire aussi : Airbnb à Bordeaux : un coupable trop idéal ? (8/11)

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Commentaire 1
à écrit le 15/11/2018 à 17:11
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Bien, le marché va se retourner. Mais je cherche toujours un appartement en centre ville avec ascenseur, avec une vue légèrement dégagée (pas des rue à "8 m de largeur comme dans les Chartrons",me disait le promoteur) et avec des surfaces où on ne pa...

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