« French Tech Bordeaux vise la neutralité carbone en 2023 » (Cyril Texier)

INTERVIEW. Réélu à la présidence de French Tech Bordeaux, Cyril Texier fixe le cap des deux années à venir dans un entretien exclusif à La Tribune. La neutralité carbone, l'inclusion sociale et la cybersécurité sont désormais prioritaires pour le conseil d'administration de l'association qui fédère 590 entreprises. Cyril Texier revient aussi sur le départ de Kat Borlongan, la course à l'hypercroissance et les menaces que font peser les prix de l'immobilier et les tensions du marché de l'emploi sur l'écosystème numérique bordelais.
(Crédits : French Tech Bordeaux)

LA TRIBUNE - Quel bilan dressez-vous de ce premier mandat 2019-2021 à la tête de la French Tech Bordeaux ?

CYRIL TEXIER - Ces deux années ont été un peu biaisées par la pandémie de Covid-19 mais nous avons réussi à bien avancer sur plusieurs sujets. En 2019, il y avait 384 entreprises adhérentes, aujourd'hui nous sommes à 590 entreprises. C'est une hausse de +50 %, c'est costaud ! On est désormais suivis par 70.000 followers sur les différents réseaux sociaux, ce qui signifie que notre voix pèse. Je retiens aussi qu'on a été la première des treize capitales French Tech à déployer l'outil French Tech Central en dehors de Paris dès l'été 2020 et c'est un succès : nos partenaires et les startups nous disent au quotidien qu'on leur facilite la vie. C'est donc une belle réussite tout comme l'ont été les Job Connect que nous organisons avec à chaque fois plusieurs centaines d'emplois à saisir. Tout ça nous installe dans le paysage et l'écosystème.

Enfin, on a aussi réussi à aller chercher des personnes très différentes pour participer au fonctionnement de l'association. En ce qui me concerne, je consacre une quinzaine d'heures par semaine à French Tech et je me félicite qu'on ait réussi à atteindre la parité au sein du conseil d'administration, notamment avec l'élection de personnalités comme Eléna Poincet, Hannah Berkouk ou encore Glwadys Le Moulnier. Glwadys a bénéficié du dispositif French Tech Tremplin et saura représenter les auto-entrepreneurs.

Lire aussi 2 mnUn nouveau board plus féminin pour la French Tech Bordeaux

Quelles sont les priorités actées par le conseil d'administration pour les deux ans qui viennent ?

Il y en a une qui me tient particulièrement à cœur c'est l'inclusion et la prise en compte du handicap. J'ai moi-même une fille handicapée donc je suis très concerné par cette question et j'y veillerai particulièrement ! L'autre priorité décidée par le board c'est l'objectif d'avoir une empreinte carbone neutre dans deux ans. Nous visons la neutralité carbone du fonctionnement de l'association French Tech Bordeaux en 2023 et nous allons tout mettre en œuvre pour l'atteindre ! Mais si c'est en 2024 ce n'est pas grave, c'est la trajectoire qui est importante parce que c'est nouveau et ça va être de plus en plus répandu dans les entreprises et les startups. C'est le sens de l'histoire, ça correspond aux attentes de Bordeaux Métropole et ça nous permettra de balayer devant notre porte. Et, peut-être, d'établir une méthodologie qui va bien pour inciter des startups à s'inscrire dans cette démarche. Il y a beaucoup de choses à apprendre collectivement dans de domaine !

French Tech Bordeaux

Le nouveau conseil d'administration de French Tech Bordeaux (crédits : French Tech Bordeaux)

Au niveau local comme au niveau national on observe un virage vers la "tech for good" et les innovations à impact social et environnemental. Est-ce que vous vous inscrivez dans cette démarche à Bordeaux ?

Oui, complètement ! Il y a deux ou trois ans on parlait beaucoup d'hypercroissance, de deeptech et d'intelligence artificielle et aujourd'hui on veut parler davantage d'inclusion, d'impact et d'économie sociale et solidaire. Parce qu'on se rend compte que dans le domaine de l'ESS il y a aussi des enjeux d'investissement, de recrutement et de passage à l'échelle et que tout cela donne du sens à ce qu'on fait. Ce sont des thèmes qui nous sont chers chez French Tech Bordeaux et on veut les mettre en avant dans la région. Il faut le répéter : l'innovation c'est l'innovation dans tous les secteurs et pas qu'avec des serveurs ! Mais on veut aussi parler de souveraineté et de cybersécurité, deux enjeux dont on ne parlait pas ou peu en 2019. Aujourd'hui, avec Hannah Berkouk, de HelloAsso, et Eléna Poincet, de Tehtris, au conseil d'administration, on a deux figures locales et nationales qui nous aideront à porter les questions d'ESS et de cybersécurité.

Lire aussi 6 mnLes "startups à impact", un écosystème en plein boom en France

La flambée des prix de l'immobilier et les tensions croissantes sur la main d'œuvre sont-elles de réelles menaces pour l'attractivité de l'écosystème numérique bordelais ?

Oui, très clairement ! Je l'ai dit à Bordeaux Métropole, le coût de l'immobilier peut être un vrai problème. Il n'y a jamais eu autant d'argent disponible et de levées de fonds avec 4,7 milliards d'euros au 1er semestre et probablement 10 milliards sur l'ensemble de l'année ! Tout cela se matérialise par des méga-levées comme ManoMano, qui vient de lever 300 millions d'euros et prévoit un millier de recrutements dont probablement plusieurs dizaines ou centaines à Bordeaux où elle a un bureau important. Mais quand on recrute un développeur, on fait potentiellement venir son conjoint, voire ses enfants, et il faut donc pouvoir les loger et leur proposer les équipements publics qui vont bien. Donc, malgré la LGV, si on sait que l'immobilier bordelais devient très cher, cela risque de dissuader ce type de startups très dynamiques de venir à Bordeaux et de les inciter à s'implanter plutôt à Nantes, Lille ou Montpellier voire Toulouse ! C'est notre rôle d'alerter sur cet obstacle mais on ne peut pas vraiment agir là-dessus à la French Tech Bordeaux.

Qu'en est-il du marché de l'emploi ?

C'est compliqué parce qu'il y a désormais une vraie surenchère locale entre les entreprises pour attirer les profils de développeurs. Cela passe par le job, les conditions de travail et bien sûr sur la rémunération. Les salaires ont flambé ces derniers mois mais la pénurie perdure. Il faut donc plus de formations et former plus de développeurs mieux et plus vite ! C'est tant mieux pour ces profils qui trouvent un job sans aucun problème mais cela tend aussi les relations entre les entreprises. Quand certaines boîtes, notamment les grosses, sont en pleine accélération, elles ont besoin de recruter tout de suite et elles vont piquer les salariés du voisin en rehaussant le salaire ! Pour celles qui se font asséchées leurs équipes, c'est un vrai problème. L'autre soucis c'est qu'il est compliqué de convaincre un développeur de venir à Mérignac ou à Pessac plutôt qu'à Bordeaux centre.

Kat Borlongan vient quitter la direction nationale de la mission French Tech. Quel regard portez-vous sur son action depuis 2018 ?

On ne sait pas encore qui la remplacera et c'est un job qui n'est objectivement pas facile. Kat Borlongan a réussi à structurer et fédérer les communautés French Tech, à labelliser les capitales et à internationaliser la mission French Tech. Ce que je retiens surtout c'est qu'elle a su mettre en place des programmes nationaux en liens étroits avec les régions françaises. C'est le cas des programmes French Tech 120 et Next 40, de French Tech Central ou encore du French Tech Visa et du classement Green 20. L'enjeu de sa ou de son successeur sera maintenant de massifier et densifier ces différents outils plutôt que d'en créer de nouveaux.

Vous évoquez le French Tech 120 et le Next 40, deux classements fondés sur la croissance et les levées de fonds où Bordeaux et la Nouvelle-Aquitaine se distinguent par leur faible poids. Est-ce que c'est un problème pour vous ?

Non ça ne nous empêche pas de dormir à French Tech Bordeaux ! Parce que ces deux classements relèvent de critères très financiers et d'une forme de course à la levée de fonds que nous ne cautionnons pas forcément. Il y a plein de boîtes qui vont très bien et se développent à Bordeaux sans lever 100 ou 200 millions d'euros. Après, oui, c'est vrai, Bordeaux n'est pas très bien représenté sur cet indicateur mais on a pas mal de boîtes du Next 40 et du French Tech 120 qui ont un bureau à Bordeaux. Mais ce n'est pas une faiblesse de notre point de vue et je préfère rendre service aux 600 entreprises adhérentes petites et grandes présente sur le territoire dans tous les secteurs d'activité que d'avoir une startup comme Sorare qui lève des centaines de millions d'euros mais pour seulement 17 emplois.

Lire aussi 8 mnNext40, French Tech 120 : faut-il changer les critères pour mesurer le succès des startups ?

Près de 18 mois après le déclenchement de la crise du Covid-19, quel est l'état des troupes au sein de l'écosystème numérique régional ?

Plutôt bon, je dirais. Toutes les startups en lien avec le tourisme, l'hôtellerie et l'événementiel commencent enfin à relever la tête, à l'instar de Blue Valet qui a connu des temps très difficiles mais qui commence à redémarrer. Parallèlement, tout le secteur du numérique et du e-commerce s'est très bien porté pendant la crise. J'observe aussi en échangeant avec les chefs d'entreprise que le Covid et le confinement ont entrainé beaucoup de pivots et de créativité dans les modèles économiques. La situation contrainte a forcé les dirigeants de startups à être encore plus imaginatifs et c'est une bonne chose. Au total, je ne constate pas d'affaiblissement du moral des troupes si ce n'est que tout le monde en a marre des visio-conférences et a envie de retrouver de vrais contacts, de vrais échanges et de vraies occasions de réseauter. On tiendra d'ailleurs notre French Tech Day le 18 novembre 2021 avec des surprises et des invités de marque !

//////////////////////////

Ce mardi 6 juillet, le conseil d'administration de l'association French Tech Bordeaux a voté la répartition des rôles jusqu'à juillet 2021 :

  • Président : Cyril TEXIER
  • Trésorier : Guillaume-Olivier DORÉ
  • Secrétaire : Hélène DESLIENS
  • Vice-président en charge de "Communautés French Tech de Nouvelle-Aquitaine" et "Relations grands groupes" : Julien ANSELME
  • Vice-présidente en charge de "Impact et économie sociale et solidaire": Hannah BERKOUK
  • Vice-présidente en charge de "Talents et Inclusion", "Entrepreneuriat et Financement" : Hélène DESLIENS
  • Vice-président en charge de "Entrepreneuriat et financement", "Impact et ESS" : Guillaume-Olivier DORÉ
  • Vice-présidente en charge de "Talents et Inclusion", "Communautés French Tech de Nouvelle-Aquitaine" : Glwadys LE MOULNIER
  • Vice-présidente en charge de "Souveraineté et cybersécurité", "International" : Eléna POINCET
  • En tant que président, Cyril TEXIER est également en charge de "Souveraineté et cybersécurité" et "International"

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.