Cybersécurité : Tehtris lève 20 millions d'euros et va créer 300 emplois en 3 ans à Bordeaux

Entreprise innovante discrète, Tehtris, cofondée en 2010 par Elena Poincet et Laurent Oudot est implantée dans la Cité de la photonique, à Pessac (Gironde/Bordeaux Métropole) et à Paris. Elle annonce le bouclage de sa première levée de fonds, qui atteint le montant record de 20 millions d'euros. Tehtris édite des solutions de cybersécurité et se présente comme le leader technologique européen contre les cyber-espionnage et cybersabotage.

Prétention que vient valider l'énormité de cette levée de fonds dans la cybersécurité à l'échelle européenne. Car cette opération financière, qui a été montée avec Ace Management, société de capital-investissement dans les secteurs industriels et technologiques (un milliard d'euros d'actifs sous gestion/filiale du groupe français Tikehau Capital), est l'une des plus importantes d'Europe jamais réalisées dans le secteur de la cybersécurité pour un investissement de série A. Cette qualification indique aux investisseurs que le tour de table s'adresse à une jeune entreprise, avec comme objectifs l'optimisation des produits et l'accès aux clients cibles.

Illustration de la puissance de feu tricolore

"Ace Management a joué le rôle de lead investor (chef de file -NDLR) sur ce tour de table, dans le cadre de son fonds Brienne III (consacré à la cybersécurité et doté de 80 millions d'euros -NDLR). Cette filiale de Tikehau Capital est le plus gros fonds souverain en cybersécurité", souligne pour La Tribune Laurent Oudot, le directeur général de Tehtris, dont Elena Poincet est la présidente.

Une façon un peu détournée de montrer que la France est loin d'être inactive dans la cybersécurité et donc la cyberguerre. Chef de file du pool d'investisseurs, Ace Management a syndiqué pour cette opération deux autres grands intervenants : Open CNP, le fonds de capital investissement de CNP Assurances, et Nouvelle-Aquitaine Co-Investissement (Naco), pour la Région Nouvelle-Aquitaine, sans détails sur les sommes apportées par chacun. Des acteurs qu'accompagne tout un ensemble de business angels.

65 salariés dont plus de 55 à Bordeaux Métropole

Elena Poncet et Laurent Oudot sont tous deux d'anciens agents de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) issus du renseignement opérationnel et technique, ce qui les a conduits à développer l'architecture logicielle à la base du succès jusqu'ici discret de Tehtris qui affiche cinq millions d'euros de chiffre d'affaires.

"Sur le plan technologique notre stratégie consiste à construire des solutions de cyberdéfense qui soient les plus disruptives et les mieux adaptées. Avec cette levée de fonds, notre pilier technologique va être enrichi par deux autres : faire de Tehtris une marque et partir en mode expansion. Ceci sans perdre nos valeurs", recadre Laurent Oudot.

C'est ainsi que la discrétion de Tehtris, caractéristique des "boites d'ingénieurs", touche à sa fin. Parce que la levée de fonds de 20 millions d'euros va permettre de changer le futur de cette jeune entreprise, qui annonce un important programme de recrutements dont va bénéficier Bordeaux Métropole.

"Nous employons actuellement 65 personnes, dont moins de dix se trouvent hors de Bordeaux, c'est-à-dire près de notre base parisienne. Avec le nouveau plan de développement que nous sommes en train de lancer sur trois ans, nous allons recruter 100 personnes de plus en 2021, autant en 2022 et 2023. Des créations d'emplois qui vont essentiellement profiter à Bordeaux Métropole. Nous saluons le succès des autres sociétés numériques déjà implantées à Bordeaux, comme Betclic ou Cdiscount", éclaire le directeur général.

Création d'une énorme nouvelle brique marketing

Interrogé sur les fortes tensions que connait déjà le marché de l'emploi à Bordeaux Métropole dans les profils de salariés formés aux technologies numériques, Laurent Oudot nuance les enjeux.

"Nous allons, c'est vrai, recruter des développeurs, des ingénieurs mais nous travaillons à un très haut niveau d'excellence et beaucoup de ces salariés déjà présents à Bordeaux viennent de toutes les autres régions. Et puis nous allons beaucoup nous développer côté business, dans l'accompagnement des clients et le développement à l'international, en partenariat avec de très grandes SSII (société de service en ingénierie informatique ) de taille mondiale. Nous avons également décidé de créer une énorme brique marketing, avec le recrutement d'Ingrid Söllner, à qui nous avons confié cette nouvelle responsabilité", déroule le cofondateur de Thetris.

Un système pour liquider automatiquement les "ransomware"

Une des spécialités de Tehtris est de développer des solutions dont la finesse d'analyse du risque encouru en temps réel par ses clients se double d'une montée en puissance de l'automatisation de la riposte, et de la réaction coordonnée de systèmes clients rendus capables de dialoguer entre eux.

Au centre de son offre, Tehtris commercialise ainsi une plateforme de type XDR (extended detection and response) capable de détecter et de neutraliser en temps réel et de manière automatisée des menaces numériques connues et inconnues dans les infrastructures d'entreprises, notamment les demandes de rançon (ransomware).

"Ces solutions sont vendues sous forme d'abonnement, par exemple pour 1.000 ou 10.000 ordinateurs : nous automatisons la cyberdéfense à outrance. Oui, quand un membre du réseau est attaqué, les autres vont réagir", confirme le DG de Tehtris, qui met en avant l'excellence de l'algorithmie développée par l'entreprise.

Du grand groupe jusqu'à la grosse PME

"Nous travaillons déjà dans plus de 70 pays auprès de grands comptes et, ce qui est rassurant, c'est que nous conservons 100 % de notre clientèle, que nous accompagnons dans sa croissance. Nous travaillons en direct avec les grandes SSII qui distribuent nos produits, avec parfois notre participation. Nous sommes capables de descendre jusqu'au niveau des entreprises de taille moyenne, voire les grosses PME, en partenariat", détaille Laurent Oudot.

Le codirigeant de Tehtris ne cache pas que l'objectif de l'entreprise, qui est déjà venue au secours de certains services de renseignement européens techniquement en difficulté, est de s'imposer à l'échelle européenne.