Recrutements et innovation : la confiance retrouvée du constructeur nautique CNB

REPORTAGE. Le vent est de nouveau favorable pour le constructeur bordelais de catamarans de plaisance CNB, filiale du groupe Bénéteau. Le site qui compte déjà 1.000 salariés doit recruter encore 100 personnes en un an pour soutenir la hausse de la demande de bateaux. Côté fabrication, le chantier améliore la durabilité de ses composants, dans une filière peu portée sur l'économie circulaire.
CNB fabrique intégralement chaque année à Bordeaux une centaine de catamarans de deux gammes du groupe Bénéteau.
CNB fabrique intégralement chaque année à Bordeaux une centaine de catamarans de deux gammes du groupe Bénéteau. (Crédits : Agence APPA)

C'est un site d'ampleur industrielle. Mais à l'ambiance très artisanale. Chez CNB (Construction navale de Bordeaux), sur la rive droite de la Garonne, le procédé de fabrication est porté par la main d'œuvre qui fabrique les 110 à 120 catamarans qui glissent chaque année des ateliers aux pontons du fleuve. Et si, en cette matinée de juin, l'entrée simultanée de centaines de salariés sur le site rappelle « Les Temps modernes » de Chaplin, ce n'est pas pour rejoindre des lignes de production automatisées mais simplement pour clôturer un exercice incendie.

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À Bordeaux, CNB emploie environ un millier de salariés dans 45.000 m² de bâtiments. (crédits : Agence APPA)

Avec un accès immédiat au fleuve, CNB dispose d'un atout historique et jalousement défendu. La direction s'est d'ailleurs opposée aux tracés de télécabine, imaginés par Bordeaux Métropole, qui pourraient survoler son site. Elle craint pour la tranquillité de ses clients qui viennent ici découvrir les deux grandes gammes de catamarans de Bénéteau. Un avantage concurrentiel à préserver dans une histoire récente mouvementée. Avec le départ de son fondateur Dieter Gust en 2020 et la suppression de 70 emplois durant la crise Covid, l'avenir du chantier bordelais s'était brutalement assombri. « C'était une mauvaise parenthèse à vivre », euphémise Clément Himily, directeur général du site aux commandes depuis trois ans. Il peut souffler : l'activité repart de plus belle, il est enfin temps d'hisser la grand-voile.

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Vers des coques recyclables

Alors que le marché du nautisme de plaisance a redémarré dès 2021, le groupe Bénéteau a enregistré un chiffre d'affaires de 1,5 milliard d'euros en hausse de 23 %. De quoi revenir au niveau de 2019, avec une filiale bordelaise qui génère à elle seule 300 millions d'euros avec ses catamarans de 15 à 24 mètres de long, vendus entre un et six millions d'euros pièce. Le vaisseau amiral, basé en Vendée, veut garder la bonne vague en augmentant ses capacités de production. Une centaine de personnes vont être recrutées à Bordeaux d'ici un an. CNB figure déjà dans les 15 plus gros employeurs de Gironde, derrière notamment les géants de l'aéronautique, et va se rapprocher du top 10. Le site pourrait alors produire une dizaine de bateaux en plus par an. Une reprise attendue par les salariés. « On a eu beaucoup de turnover à la suite du PSE, avec une sorte de ras-le-bol », évoque David Hay, délégué CGT alors que CNB a déjà recruté 100 personnes depuis un an, dont la moitié pour remplacer des départs. « Mais on a pu rebondir rapidement, c'est comme un retour à la sérénité », complète-t-il.

Recrutements tous azimuts

Après avoir déjà recruté 100 personnes au cours des 12 derniers mois, CNB relance un plan de recrutement dès maintenant. L'entreprise va remplacer 25 salariés et créer 75 nouveaux postes dans 42 métiers différents, principalement côté production. Menuiserie, ébénisterie, électricité, travail des matériaux composites ou accastillage : tous les profils sont recherchés, allant des professionnels du secteur aux personnes en reconversion, sachant que CNB dispose depuis le printemps d'un centre de formation. Un moyen de tourner définitivement la page du plan social de 2020.

« La plaisance est un marché porté par l'innovation », rappelle Clément Himily. Ça tombe bien, les catamarans regorgent de matériaux composites produits de façon non-durable. Autant de supports qui peuvent être repensés dans une perspective d'économie circulaire. Bénéteau travaille par exemple avec le motoriste Torqeedo pour intégrer des moteurs à propulsion hybride. « Il y a un vrai virage et une innovation de rupture qui est prise dans la plaisance », avise-t-il. Son collègue Erwan Faoucher, directeur de l'innovation chez Bénéteau, complète : « On est en train d'inventer les premiers bateaux recyclables ». Au moins pour la structure. L'an dernier, le groupe a présenté son premier voilier doté d'une coque en partie recyclable, conçue avec Arkema, où la résine peut être dissociée de la fibre de verre, peu valorisable. CNB travaille également en interne à intégrer de nouveaux matériaux dans la composition de ses résines.

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Du chanvre et de la location

Un axe de progression crucial pour réduire l'empreinte carbone des coques puisque la résine termine dans des incinérateurs et la fibre de verre est enfouie. Soit un bilan environnemental catastrophique. Sans révolutionner le procédé, CNB teste le chanvre, qui entre à hauteur de 15 % dans la composition de ses résines. « On s'intéresse au chanvre pour deux raisons. D'abord, parce qu'on utilise la partie de cette plante qui n'est pas valorisée. Ensuite, comme tout produit biosourcé, le chanvre absorbe beaucoup de CO2 », illustre Erwan Faoucher. De quoi aussi rapprocher sa chaîne d'approvisionnement puisque le constructeur travaille avec des agriculteurs de Vendée. La chaîne de production quant à elle est encore loin d'être bouleversée. « Ce sont plutôt des essais bien délimités mais pas intégrés dans le processus global, des changements qu'on ne rencontre pas encore », relaye de son côté David Hay.

Un renouvellement des process qui coïncide aussi avec une évolution du marché. « On observe un rajeunissement de la clientèle. Nos collaborateurs comme nos clients ont de nouvelles attentes dont ils ne nous parlaient pas il y a trois ans », observe Clément Himily. Le groupe innove, comme ses concurrents, dans une forte dynamique d'innovation sectorielle. En avril, le Rochelais Fountaine Pajot a présenté son premier catamaran qui embarque un moteur à propulsion hydrogène, après avoir évalué que 80 % des émissions carbone d'un bateau étaient dues à son utilisation, et donc à son moteur thermique. Un constat que le responsable de CNB partage dans le cadre d'un modèle de location, où les bateaux naviguent les deux tiers de l'année, mais pas forcément pour des catamarans possédés par des particuliers. La location est tout de même un débouché en progression puisque 30 % des catamarans de CNB y sont destinés.

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Erwan Faoucher et Clément Himily sur l'un des pontons dédiés à « l'expérience client ». (crédits : Agence APPA)

Dans tous les cas, et même si rien ne l'y oblige contrairement à la marine marchande, le secteur de la plaisance doit devenir plus vertueux sur toute sa chaîne de valeur. Mais ce n'est pas une baisse de la production qui s'annonce, bien au contraire, au vu de la demande en hausse des pays émergents. Caraïbes, Méditerranée, Asie Pacifique : 85 % des clients de CNB sont étrangers. Et continuent à défiler sur les pontons de la Garonne d'où ces frégates partent pour exhiber sur les flots du monde les évolutions à petits pas de la plaisance.

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