LA TRIBUNE- Avec le nouveau plan stratégique du groupe Bénéteau, leader mondial du nautisme et maison-mère de Construction navale de Bordeaux, CNB a perdu son président et cofondateur, le charismatique Dieter Gust, et devrait selon les syndicats ne plus avoir de pouvoir de décision local. Comment ne pas être d'accord avec cette vision des choses ?
CLEMENT HIMILY - Construction navale de Bordeaux est entré dans le périmètre du groupe Bénéteau depuis 1992. Donc on peut déjà se rassurer sur un point : ce fonctionnement au sein de Bénéteau ne date pas d'hier. Oui, Dieter Gust, président et cofondateur de Construction navale de Bordeaux, avec Olivier Lafourcade, a incarné un succès qui s'est traduit par un développement d'entreprise majeur. Ce que confirme aujourd'hui Bénéteau, en faisant en particulier de Bordeaux le pôle d'excellence du groupe pour les grands catamarans. Et c'est Dieter Gust qui m'a recruté.
Vous parlez des grands catamarans, qui sont l'apanage de CNB, mais le groupe s'appuie aussi sur un site vendéen très important, celui de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, où sont fabriqués les petits catamarans. Va-t-il être disjoint de CNB ?
Non, il n'y aura aucun changement de périmètre concernant la production des catamarans. La production sous-traitée est consolidée dans le chiffre d'affaires de CNB, et cela va rester inchangé.
En même temps que l'annonce de son nouveau plan stratégique « Let's go beyond » (Aller plus loin !), le groupe Bénéteau a confirmé des suppressions de postes. Avec à Bordeaux un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), qui devrait se solder par 74 pertes d'emploi.
La première marche de notre nouveau plan stratégique nous allons la descendre, à cause du Covid-19. La production de catamarans Lagoon et Excess a fortement augmenté et nous avons joué un rôle majeur sur ce marché international. Mais nous avons été frappé par la Covid-19, avec un arrêt d'activité de six semaines entre les mois de mars et mai derniers. A CNB, nous avons 1.000 salariés à Bordeaux mais avec le télétravail, cet effectif a été réduit à 800 personnes, qui sont présentes en continu sur le site de Bordeaux. Du côté des fonctions support il y a près de 300 personnes qui sont astreintes au télétravail et ne passent sur le site que par rotation.
La pandémie de coronavirus ne vous a pas inquiétée ?
Nous avons mis au point un protocole Covid-19 et je tiens à souligner que nous n'avons été à l'origine d'aucun foyer infectieux. Notre activité a été balayée par la pandémie. Nous sommes durement frappés par le biais des charters, ces sociétés auxquelles nous vendons nos catamarans et qui les louent ensuite, avec ou sans équipages, à des particuliers. Ces compagnies charter se trouvent aux Caraïbes et en Méditerranée et dépendent de la liberté de voyager pour pouvoir fonctionner. D'où le choc majeur provoqué par le confinement et l'arrêt des vols aériens.
Nous devions réagir. Avant de lancer le PSE à Construction navale de Bordeaux, nous avons beaucoup travaillé avec nos partenaires et conclu un accord de méthode en septembre. Le terme du PSE étant fixé d'ici fin décembre. Ce PSE pourrait se traduire par la suppression de 74 postes et la création de huit postes, via des reclassements, ce qui ferait 66 suppressions nettes de postes. Nous voulons éviter tout départ contraint. Je tiens à préciser aussi que ce PSE n'affecte que les fonctions support : aucun poste en production n'est concerné. Nous avons protégé notre capacité de production pour préserver notre aptitude à rebondir. Le dispositif d'aide partielle de longue durée, mis en place par l'Etat, nous permet de sauvegarder 125 emplois.
Le président Dieter Gust, personne physique, a été remplacé par le Groupe Bénéteau, personne morale, à la tête de Construction navale de Bordeaux. N'est-ce pas le signe évident que Bordeaux va perdre toute autonomie de décision ?
A CNB, nous travaillons de façon apaisée avec les dirigeants du groupe Bénéteau et localement c'est bien moi qui suis décisionnaire, qui ait toute marge de manœuvre. Le groupe Bénéteau a beaucoup investi à Bordeaux, avec un outil industriel qui s'est énormément développé. Le choix de spécialiser le site de Bordeaux sur les grands catamarans a été fait il y a un an et demi, car la demande et les besoins capacitaires nous ont obligé à concentrer nos efforts. Cette décision a été portée par Dieter Gust. CNB est une marque forte dans les yachts monocoques mais nous avions besoin de plus de cohérence industrielle. C'est pourquoi leur fabrication a été décentrée sur le site italien de Bénéteau, à Monfalcone.
L'intersyndicale s'inquiète tout de même de la disparition de la marque CNB...
A moyen terme, d'ici 2025, le groupe va opérer une rationalisation, pour ramener son portefeuille de 12 à 8 marques. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit de marques internationales et que sur cet ensemble, deux d'entre elles, Lagoon et Excess, auront leur siège à Bordeaux. Je tiens à souligner que Bordeaux devient non seulement le siège du pôle d'excellence du groupe pour les grands catamarans, mais aussi celui du service recherche et développement pour les grands bateaux. Il n'est pas possible de laisser penser que Bénéteau va négliger Bordeaux. Je tiens aussi à préciser que Yann Masselot, l'ancien directeur général adjoint de CNB devient le responsable de la marque Bénéteau.
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