Fountaine Pajot embarque l'hydrogène sur un catamaran pour entamer sa décarbonation

Le constructeur de voiliers de plaisance Fountaine Pajot vient de présenter son tout premier catamaran à propulsion hydrogène. En intégrant la technologie développée par Eodev, le navire haut-de-gamme doit ouvrir la voie de la diminution de l'empreinte carbone de l'entreprise à l'horizon 2030 sans réduire son activité.
Le Samana 59, doté d'une motorisation hydrogène, était exposé début avril sur le quai de l'Espace Encan de La Rochelle (Charente-Maritime).
Le Samana 59, doté d'une motorisation hydrogène, était exposé début avril sur le quai de l'Espace Encan de La Rochelle (Charente-Maritime). (Crédits : MG / La Tribune)

Plus de 200 bateaux sortent des ateliers de Fountaine Pajot chaque année. Et celui-ci n'est finalement pas si différent des autres en matière de conception. Mais attention, côté propulsion, c'est du jamais vu pour le constructeur charentais-maritime qui dévoile le premier catamaran de croisière à hydrogène au monde. Présenté le 7 avril, le Samana 59, chiffré à environ deux millions d'euros, embarque une unité de production d'énergie à hydrogène conçue par l'entreprise Eodev et consacre ainsi un petit événement qui préfigure l'avenir du nautisme. Même Jean-François Fountaine est brièvement passé découvrir l'embarcation et son système électro-hydrogène, mais s'est vite éclipsé, préférant ne pas mélanger la casquette de maire de La Rochelle à celle d'ancien dirigeant de la société qu'il a fondée dans les années 1970.

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Développée non pas par Fountaine Pajot mais par la toute jeune société Eodev, conceptrice de dispositifs énergétiques, la technologie se résume à un caisson d'une demi-tonne logé à l'arrière de la coque droite du catamaran de 59 pieds. Il abrite une pile à combustible fabriquée par Toyota d'une puissance de 70 kW qui fournit l'électricité du navire, soutenue par des panneaux photovoltaïques et un système hydroélectrique propres cette fois au constructeur nautique. De quoi proposer une navigation décarbonée, à condition de ne pas avoir recours au groupe électrogène diesel de secours.

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Jérémie Lagarrigue présente à Jean-François Fountaine, maire de La Rochelle, la technologie hydrogène développée par son entreprise Eodev. (crédits MG / La Tribune)

50 % des nouveaux bateaux à l'électrique d'ici 2025

« Tous les constructeurs sont intéressés par cette propulsion mais peu franchissent le pas », évoque Jérémie Lagarrigue, CEO d'Eodev. Une frilosité qui s'exprime à plusieurs titres : manque de considération des clients pour la décarbonation, faiblesse du réseau d'approvisionnement en hydrogène et coût de la technologie plus élevé qu'une motorisation classique. Eodev a pour l'instant produit une soixantaine de groupes électro-hydrogène pour un prix unitaire oscillant autour de 200.000 euros.

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Le jeune concepteur mise sur la percée d'un mode énergétique encore balbutiant, mais les ports déploient peu à peu les infrastructures d'avitaillement. « Il y a des projets à Cannes, Monaco. L'hydrogène est déjà disponible à Majorque ou à Valence. D'ici cinq ans, on espère que le réseau sera assez développé » se projette Fernando Szabados, chargé d'affaires pour Eodev. L'unité hydrogène de l'entreprise est capable d'embarquer 15 kilos de combustible pour soutenir l'équivalent de deux semaines de navigation.

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Baptisé REXH2, le caisson d'Eodev, doté d'une enveloppe en aluminium et d'un système de refroidissement par eau de mer, affiche une durée de vie de 13.000 heures de fonctionnement. (crédits : MG / La Tribune)

Une phase de rodage qui n'a pas empêché Fountaine Pajot d'amorcer un virage précoce dans le domaine de la plaisance. Le Samana 59 n'est qu'un exemple de l'esprit que doit porter la flotte du constructeur sur la décennie. En 2025, 50 % des nouveaux bateaux seront équipés d'une propulsion électrique. « On essaye de convertir nos plus grands clients et ce n'est pas toujours facile. En 2030, on espère que tous nos bateaux seront électriques », glisse Romain Motteau, directeur général délégué de Fountaine Pajot. Une nécessité pour le monde maritime même si le secteur de la plaisance n'est pas contraint, contrairement à la marine marchande qui doit réduire ses émissions de 2 % par an en moyenne jusqu'en 2050.

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Des engagements en décalage avec la demande ?

Le constructeur, qui a racheté le groupe Dufour en 2018, compte décarboner sans pour autant réduire la taille de ses voiliers. Selon une vaste étude interne sur son impact environnemental, les émissions engendrées par le groupe de plus de 1.300 salariés proviennent à 80 % de la navigation des bateaux. Alors, il mise beaucoup sur les nouvelles motorisations : fin 2022, Fountaine Pajot a dévoilé ses premiers voiliers à propulsion électrique. Le partenariat avec Eodev doit en appeler d'autres, même si en interne l'entreprise mène ses propres projets de recherche.

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Vingt exemplaires du Samana 59 doivent sortir chaque année des ateliers de Fountaine Pajot et seront majoritairement vendus à des loueurs de bateaux de plaisance. (crédits : MG / La Tribune)

« On aime bien donner la preuve qu'on peut faire des bateaux avec des matériaux recyclés pour le pont et les coques », illustre Romain Motteau, alors que la partie production ne représente que 20 % des émissions de l'entreprise. En 2024, un catamaran aux coques 100 % en matériaux recyclés sortira des ateliers. « Mais ce sera seulement un démonstrateur », tempère le directeur général délégué. Non, la demande des clients ne tend pas vers des procédés et des usages plus vertueux.

Si le groupe Foutaine Pajot-Dufour table sur une croissance de 10 à 15 % pour le prochain exercice, avec un chiffre d'affaires déjà en hausse de 9 % en 2021/2022 à 220 millions d'euros, il lui faudra créer une asymétrie entre ses nouveaux engagements et les attentes des acheteurs. Une adéquation qui n'a rien de spontané pour une marque attachée à l'innovation mais largement construite sur le positionnement haut-de-gamme.

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