À Arcachon, ce grand skipper prépare l'avenir du trafic maritime avec ses voiles de kitesurf

L'ancien vainqueur de la transat Jacques Vabre Yves Parlier et sa vingtaine d'équipiers planchent sur une technologie de traction des bateaux par voiles de kitesurf du côté du bassin d'Arcachon, en Gironde. Alors qu'une petite révolution du transport maritime se profile dès 2023, leur entreprise, baptisée Beyond the Sea, doit accélérer si elle veut en faire partie.
A La-Teste-de-Buch en Gironde, le système de traction par vent développé par Yves Parlier et son équipe pourront équiper les porte-containers géants.
A La-Teste-de-Buch en Gironde, le système de traction par vent développé par Yves Parlier et son équipe pourront équiper les porte-containers géants. (Crédits : Beyond the sea)

Sur un de ses Vendée Globe au tournant des années 2000, Yves Parlier embarquait déjà avec lui une aile de kitesurf. Juste pour voir. Vingt ans après, le Girondin d'adoption vous explique qu'une "aile de kite, ça peut tracter n'importe quoi". Alors, le cargo du futur naviguera-t-il au seul secours du vent ? "L'idée n'est pas de remplacer les moteurs mais de gagner quelques pourcents", recadre le capitaine de bord.

Liberty Kite Yves parlier

A La-Teste-de-Buch en Gironde, le système de traction par vent développé par Yves Parlier et son équipe pourront équiper les porte-containers géants (crédits : Maxime Giraudeau).

C'est au sein d'une pépinière d'entreprises de La-Teste-de-Buch, en Gironde, que le vainqueur, en duo avec Eric Tabarly, de la transat Jacques Vabre 1997, a installé sa structure. Ou plutôt ses deux structures. Détendu et souriant, le navigateur a enfilé le costume de chef d'entreprise bien avant la création de sa dernière née Beyond the Sea en 2014, ou même d'Océa en 1992. Celui qui a construit son premier bateau dès l'âge de 11 ans dit avoir toujours su qu'il serait entrepreneur. Et porté sur la recherche de la performance, comme pour sa première victoire dans une course au large lors de la Mini-transat 1985, remportée grâce à un mat carbone. Un prototype de son invention, sur un voilier construit de sa main.

Changement de cap mondial

Avec ses entreprises, il développe des dispositifs de traction des embarcations maritimes avec des ailes de kitesurf. Des objets légers qui ne nécessitent pas de mât mais seulement des lignes, et offrent des gains de consommation importants. Une technologie mécanique déclinée en deux volets. Océa commercialise déjà des ailes entre 10 et bientôt 80 m2 pour les embarcations de plaisance de 4 à 18 mètres. Beyond the Sea, pour sa part, s'attaquera au grand marché du transport maritime commercial avec des voiles de 200 à 1.600 m2, encore en conception, qui pourront tracter des cargos de plusieurs dizaines milliers de tonnes. Une contrainte demeure : être prêt quand un changement de cap débutera à l'échelle mondiale.

Beyond the sea Yves Parlier voile

Les cargos vont devoir intégrer des dispositifs, comme celui développé par Beyond the Sea à l'image, pour réduire leur empreinte carbone. (Crédits : Beyond the sea)

Selon les objectifs édictés en 2018 par l'Organisation maritime internationale (OMI), la marine marchande va devoir réduire, dès 2023, ses émissions de carbone d'en moyenne 2 % chaque année. Objectif final : -50 % d'émissions en 2050 par rapport au niveau de 2008. Des règles environnementales qui vont reconfigurer le fonctionnement de la flotte.

"Jusqu'à maintenant, on a été en avance sur la demande. Mais là, on voit des changements radicaux d'attentes chez les armateurs", contextualise Yves Parlier.

Le capitaine de bord veut maintenant engager des investissements massifs sur la recherche et développement. Une levée de fonds d'un million d'euros a ainsi été soutenue fin décembre par Time for the planet, et une autre est déjà prévue courant 2022. Dans le même temps, les équipes d'Yves Parlier devront percer sur un marché où elles ne sont pas les seules, à l'instar d'Ayro et ses mâts ailes ou d'Airseas et ses voiles... en forme d'ailes de kite. Airbus vient de lancer il y a quelques jours depuis Saint-Nazaire un cargo équipé par une voile d'Airseas et baptisé "Ville de Bordeaux". De son côté, la girondine Beyond the Sea peut déjà s'appuyer, même si elle n'est pas la première, sur un partenariat avec le géant mondial CMA-CGM.

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Premiers essais au printemps

L'avantage du projet porté par Yves Parlier est qu'il se décline aussi sur la partie plaisance, avec sa structure Océa. Le dispositif, à échelle réduite, est déjà source de bénéfices pour le groupe avec une soixantaine d'ailes vendues jusqu'ici. Et veut investir un nouveau marché en Afrique auprès des pêcheurs à faibles ressources, soumis aux aléas de leurs embarcations sommairement équipées.

Yves Parlier

Yves Parlier à La-Teste-de-Buch le 21 décembre 2021. (Crédits : Maxime Giraudeau)

Le dispositif technique envisagé par Beyond the Sea pour les cargos est, quant à lui, encore en phase de conception dans les ateliers à quelques kilomètres d'Arcachon. Les voiles, importées du Sri Lanka car "les fabriquer ici coûterait plus cher que le prix de vente", sont intégrées à un système de pilotage automatisé développé via un système par algorithme. Du reste, l'entreprise y assemble la voile et la structure métallique dont elle sous-traite la fabrication. Mais le produit fini sera bien expédié depuis ses ateliers à partir de 2023 - idéalement - quand la commercialisation pourra débuter.

D'ici là, Yves Parlier ne cache pas sa hâte de tester son nouvel objet, avec la même envie d'il y a 35 ans pour son premier mât-carbone. Les eaux du bassin d'Arcachon accueilleront un catamaran démâté mais pourvu de voiles pour un galop d'essai au printemps. Suivi d'une double traversée de l'Atlantique, pourquoi pas pour 2023. La dernière transat' du loup de mer Parlier, c'était en 2009. Pas de quoi perdre un pied marin, dont ses nouveaux collègues auront bien besoin pour trouver leur place sur un transport maritime mondial qui veut gagner en propreté.

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Commentaire 1
à écrit le 03/01/2022 à 9:48
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Cela permettrait au moins d'alléger ces pachydermes flottants mais le transport à voile pur est bien plus sexy.

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