Immobilier : un vent d’accalmie souffle enfin sur Bordeaux (11/14)

Les chiffres des notaires comme ceux des réseaux immobiliers aboutissent au même constat : la flambée des prix bordelais a laissé place à des hausses de plus en plus mesurées qui s'étiolent trimestre après trimestre. Pour autant, l’heure n’est pas non plus au retournement du marché : les pronostics s’accordent sur une légère hausse comprise entre 0 et +2% d’ici à septembre 2020.
Dans la métropole bordelaise, les prix moyens au m2 oscillent entre 1.800 et plus de 4.500 €.
Dans la métropole bordelaise, les prix moyens au m2 oscillent entre 1.800 et plus de 4.500 €. (Crédits : Meilleursagents.com)

A interroger les acteurs de l'immobilier à Bordeaux en cette rentrée 2019, on sent flotter un réel sentiment de soulagement. Soulagement de constater que le marché local revient peu à peu à un fonctionnement plus apaisé, plus logique, plus serein. « Le boom immobilier et les hausses à deux chiffres, sont derrière nous... En tous cas je l'espère car ce climat n'était pas sain. Je crois qu'il faut se méfier des variations excessives parce qu'elles portent toujours un risque que ça se finisse mal », résume ainsi Mathieu Massie, le nouveau président de la Chambre des notaires de Gironde.

« Cette frénésie était certes bénéfique pour tout un tas de profession, dont les notaires bien évidemment, mais pas pour les ménages et en particulier pour les primo-accédants qui, ces dernières années, ont dû mécaniquement soit s'éloigner du centre de Bordeaux, soit opter pour une surface réduite », poursuit le professionnel qui exerce à Gradignan.

« Des primo-accédants dans l'hypercentre de Bordeaux ? Il n'y en a plus ! », lâche ainsi Gilles Bourdry, le président de l'Unis (Union des syndicats de l'immobilier) et gérant d'une agence Citya dans le centre-ville, illustrant l'impact de la faramineuse hausse des prix survenue à Bordeaux ces dernières années : +35 % en cinq ans !

« On a atteint le seuil d'acceptabilité »

Selon Meilleursagents.com, la préfecture de Gironde souffre désormais d'un pouvoir d'achat très faible puisque seulement 52 % des habitants peuvent y acheter un logement de 36 m2 contre 70 % à Nantes et 71 % à Toulouse. « Tout l'enjeu est que cette croissance économique et démographique ne s'accompagne pas d'exclusions et de contraintes. L'immobilier neuf était à 2.700 €/m2 à Bordeaux il y a dix ans et il est à 4.800 €/m2 aujourd'hui. Je crois que l'on a atteint un seuil d'acceptabilité, on ne pourra pas continuer à être attractif si les prix continuent de grimper", reconnaît, lucide, le maire de Bordeaux, Nicolas Florian. Une réalité économique qui diminue mécaniquement la demande si bien que les prix semblent avoir atteint un plafond. D'autant que les investisseurs font aussi leurs calculs et constatent que la rentabilité d'un achat à Bordeaux est devenue nettement moins bonne à Bordeaux qu'à Nantes ou Toulouse.

Bordeaux Immobilier Meilleursagents.com

Les prix immobiliers à Bordeaux estimés par le réseau Meilleursagents.com au 1er septembre 2019 (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Si les prix restent orientés à la hausse à Bordeaux, l'ampleur de celle-ci diminue désormais mois après mois jusqu'à trouver un point d'équilibre ou presque. Ainsi, au regard des actes authentiques enregistrés au 1er juillet 2019, le prix des appartements anciens à Bordeaux a encore progressé de 6,8 % sur douze mois et celui des maisons anciennes de +4,1 %, contre respectivement +10,2 % et +5,9 % deux mois plus tôt. Une tendance qui se confirme au niveau de la Gironde comme à Pessac, commune de la métropole très prisée. Les hausses à deux chiffres appartiennent donc au passé. « Les prix se calment, c'est-à-dire qu'ils cessent d'augmenter de manière drastique comme en 2016 et 2017 mais, pour autant, je ne parlerais vraiment pas de baisse des prix. Le marché reste très liquide et les biens de qualité continuent à se vendre très rapidement, y compris à plus de 5.500 €/m2 pour des T1 ou T2 en centre-ville qui sont très recherchés », témoigne Clément Chaillet, directeur de l'agence Guy Hoquet à Nansouty.

Pas de retournement en vue

Le réseau MeilleursAgents.com mesure encore une hausse des prix sur un an sur l'aire urbaine bordelaise (+1,9 %) comme à Mérignac (+2,8 %) mais fait état d'un léger repli de -0,4 % sur un an à Bordeaux à partir des promesses de ventes au 1er septembre 2019. Le prix moyen s'établit désormais à 4.475 €/m2. Même constat chez Seloger.com qui mesure une contraction de -0,3 % sur un an en octobre 2019, contre +12,7 % un an auparavant.

Malgré cette rupture, Thomas Lefebvre, le directeur scientifique de MeilleursAgents.com n'anticipe pas de retournement :

« Les prix stagnent, ils ne baissent pas ! Et nos indicateurs n'indiquent pas de retournement de tendance parce qu'il y a encore 11 % d'acheteurs en plus que de vendeurs à Bordeaux, que les taux devraient rester bas et que le chômage est aussi orienté à la baisse à Bordeaux. Le potentiel de hausse est désormais très limité mais il n'y aura pas de baisse non plus.»

Une prévision corroborée par les projections de l'entreprise bordelaise de traitement de données Cartégie : « Le modèle qu'on a construit à partir des cinq dernières années tend vers une hausse des prix sur l'ensemble de 2019, même si pas dans les mêmes proportions que par le passé », observe Emmanuel Granger, big data manager chez Cartégie.

Immobilier Bordeaux Métropole Septembre 2019

Les prix immobiliers à Bordeaux Métropole estimés par le réseau Meilleursagents.com au 1er septembre 2019 (cliquez sur l'image pour l'agrandir).

Ces analyses macro-économiques sont confirmées par les agents immobiliers sur le terrain qui ne craignent, ni n'anticipent une baisse globale des prix. « Il y a un effet d'annonce sur des prix qui baisseraient mais ce n'est pas factuellement prouvé. Ce qui est vrai c'est que les acquéreurs ont récupérer les clefs du marché : ils regardent, attendent, comparent et réfléchissent davantage », recadre Clément Chaillet. « On est sur une stagnation des prix : les vendeurs voudraient que ça augmente encore mais il y a un effet plafond et de tassement des prix. Les vendeurs négocient avec parfois des baisses de prix au cas par cas », abonde Gilles Bourdry, de l'Unis.

Des évolutions contrastées

Aux Chartrons comme à la Bastide, à Cenon ou Talence, Mérignac (+3,6 % sur un an selon Seloger.com en octobre 2019) et Pessac (+1,4 % sur un an), qui bénéficient de l'effet repoussoir du centre sur les primo-accédants, les prix restent même dynamiques. C'est plus compliqué au sein des quartiers où de nombreux logements neufs ont été livrés ces dernières années : Bassins à flot, Ginko et Euratlantique notamment. « On avait peu de recul à Bordeaux sur ce type d'opérations d'envergure et il y a eu beaucoup de logements neufs qui ont été vendus à des prix probablement surévalués. Résultat : il peut y avoir des déconvenues en cas de revente trop rapides aujourd'hui  », analyse Julien Ousmer, responsable de l'agence Orpi Bordeaux Nord, avant de compléter : « Ces logements avec terrasse, ascenseur, luminosité et proches du tram attirent cependant une nouvelle clientèle, notamment de couples âgés, qui peuvent ainsi revenir en ville. Il y a donc une demande et un appartement de 87 m2 avec terrasse et vue sur les bassins à flot s'est ainsi vendu à 4.800 €/m2, soit au prix d'achat d'il y a deux ou trois ans. »

Les agents immobiliers se montrent d'ailleurs unanimes : ils ont à nouveau l'oreille de leurs clients. « On retrouve notre rôle de conseil sur le marché car les acquéreurs nous écoutent davantage, les négociations sont plus nombreuses. Avant les biens partaient en deux heures sans affichage en agence ou sur le site !», observe Sophie Lacour-Arjeau, gérante de l'agence Expansion Rive Droite qui fait état d'une hausse de 10 % des prix à Cenon.

Volume de ventes en léger repli

Interrogé sur un potentiel retournement, Thibaud Sudre, notaire à Bordeaux, se montre catégorique : « Au 2e semestre 2019 et en 2020 il y aura éventuellement des prix à l'étale, voire des soubresauts ponctuels à la baisse, mais il me semble impossible que l'on observe une inversion de la courbe. On devrait terminer l'année entre +2 et +5 % ! » Son confrère Mathieu Massie, plus prudent, penche plutôt pour « des prix qui resteraient à l'étal sans retournement brutal » avant d'ajouter : « Le triangle d'or et le centre-ville restent très demandés et le resteront tant qu'il y aura des personnes qui ont envie d'y habiter et qui ont les moyens de surpayer des biens de qualité. Et, croyez-moi, il y en a ! »

Après trois années très actives, le volume des transactions enregistrées à Bordeaux par les notaires s'inscrit cependant en repli de 7 à 8 % sur un an, autre signe que les acquéreurs prennent davantage de temps avant de signer ou qu'ils sont de moins en moins nombreux à pouvoir s'offrir une maison dont le prix médian en juillet 2019 à Bordeaux s'établit désormais à 450.000 €. Néanmoins, MeilleursAgents.com comme la plupart des professionnels interrogés, pronostique une légère hausse des prix à Bordeaux de l'ordre de +2 % maximum d'ici à septembre 2020.

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Chiffres clefs :

  • 450.000 € : le prix médian d'une maison dans l'ancien à Bordeaux en juillet 2019 (source : notaires)
  • +35,2 % : la hausse des prix survenue à Bordeaux sur les cinq dernières années (source : MeilleursAgents.com)
  • 4.503 €/m2 : le prix moyen pour un appartement ancien à Bordeaux qui varie de 3.200 à 6.000 €/m2 (source : MeilleursAgents.com)
  • 4.560 €/m2 : le prix moyen pour une maison ancienne à Bordeaux qui varie de 3.400 à 6.800 €/m2 (source : MeilleursAgents.com)

Airbnb : la fin de la ruée vers l'or ?

L'année 2019 est aussi marquée par une autre rupture avec la frénésie initiée en 2015/2016 : l'explosion du nombre de logements mis en location touristique meublée, en particulier les petites surfaces du centre-ville, a subi un coup d'arrêt. « La règlementation mise en place par la mairie pour encadrer ces pratiques porte ses fruits : je n'ai plus aucune clientèle cherchant à faire de l'acquisition pour louer sur Airbnb ou autre », constate le notaire Thibaud Sudre. Un assèchement confirmé par Gilles Bourdry, président de l'Unis, dont l'agence Citya couvre l'hyper-centre de Bordeaux : « Il y a beaucoup de moins de demandes qu'avant. Les annonces de la mairie ont eu un effet dissuasif bien réel même si les nouvelles demandes n'ont pas disparu à 100 % et que le stock reste très important en centre-ville. »

Un stock estimé à 7.000 par la mairie de Bordeaux contre 8.000 à 10.000 l'an dernier. La municipalité a en effet voté des règles contraignantes et mis sur pied une équipe de contrôle au printemps 2018 aboutissant à plus de 200 mises en demeure de régularisation et 58 procès-verbaux. Sans même attendre les premières décisions de justice, la mairie évalue ainsi à environ 900 le nombre de logements revenus sur le marché de location classique. Un marché qui reste néanmoins particulièrement tendu à Bordeaux avec une offre inférieure d'environ un tiers à la demande. « Les acquéreurs posent des questions sur la rentabilité via Airbnb mais ne comprennent pas bien la réglementation et, dans le doute, reviennent à de la location classique. Ça les refroidit, c'est très clair. Mais pour autant, il n'y a pas de rétropédalage non plus », tempère Clément Chaillet, de Guy Hoquet à Nansouty.

Pour l'heure, aucune décision de justice n'a encore été rendue à Bordeaux. Les juges attendent que la Cour de justice de l'Union Européenne réponde à la question préjudicielle posée par un arrêt de la Cour de cassation de novembre 2018. En l'occurrence, il s'agit de savoir si les dispositions du Code de la construction encadrant la réglementation des locations meublées touristiques sont compatibles avec la directive européenne sur les services.

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Cet article est issu du vaste dossier consacré à l'immobilier tertiaire paru dans l'hebdomadaire de La Tribune du 27 septembre. Déjà paru sur notre site :

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Commentaires 2
à écrit le 06/11/2019 à 19:22
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"+35,2 % : la hausse des prix survenue à Bordeaux sur les cinq dernières années" C'est pas le cadre parisien qui veut enfin aller vivre dans une ville agréable qui a fait ça hein... Énorme !

le 14/11/2020 à 11:07
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Si si, d'ailleurs il est arrivé voir les Bordelais et leur à dit "Pas assez cher, il faut augmenter le prix car à ce prix là, j'achète pas". Ben non, c'est le Bordelais avide qui a fait flamber les prix pas le Parisien avec de l'argent, Parisien qu...

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