Immobilier de bureaux : Bordeaux à la loupe (1/14)

Le marché de l'immobilier de bureaux a battu de nouveaux records au premier semestre 2019 dans la métropole bordelaise. Mais dynamique ne veut pas dire lisible : nombre de dirigeants d'entreprises se retrouvent perdus au moment de s'installer en bord de Garonne ou de déménager. Croisant témoignages et regards de professionnels, cette enquête en plusieurs volets a pour but de donner quelques clés concrètes de lecture.
(Crédits : Reuters)

"Les bureaux, pour une société, c'est un confort de travail, c'est une image donnée aux clients et, de plus en plus, c'est un critère de recrutement", résume un professionnel bordelais du secteur. C'est aussi un casse-tête pour les dirigeants. Emilie Cravea peut en témoigner. "J'ai créé mon activité seule il y a sept ans, dans des locaux en hyper-centre de Bordeaux", explique la fondatrice de l'organisme de formation professionnelle Modula Formation (10 formateurs et 6 permanents). L'immeuble a été vendu à un marchand de biens qui a engagé de lourds travaux pour le transformer en partie en plusieurs appartements." Découragée par les travaux qui compliquent la vie de l'entreprise, la dirigeante et son associée s'excentrent vers les boulevards, pour plus cher et moins spacieux. "Mais l'activité a fortement progressé depuis trois ans, il nous fallait encore plus grand. Avec mon associée nous avons, sans doute naïvement, cherché à acheter nos propres locaux. Nous étions dans une logique patrimoniale en anticipant sur notre retraite qui ne sera pas grosse. Mais les professionnels de l'immobilier nous ont tous dits la même chose : à Bordeaux il est impossible de trouver des locaux bénéficiant de l'agrément ERP (Etablissement recevant du public), nécessaire pourtant pour notre activité. Dans le même temps, ce que nous pouvions visiter partait extrêmement vite. Il nous est arrivé de visiter un bien et de le voir partir sous nos yeux, l'acquéreur au téléphone l'achetant pour sa seule localisation, sans même y avoir mis les pieds. Nous avons donc fait le choix de faire un coup de poker : opter pour la location à Bordeaux-Lac de locaux de 350 m2 accessibles en transports en commun et par la rocade, avec une rampe d'accès, des couloirs larges... mais pas d'agrément ERP. Très vite nous avons déposé un dossier pour l'obtenir et il nous a été octroyé. Sans cet agrément, nous n'aurions pas pu rester." L'histoire se termine bien mais Emilie Cravea le concède : "Plus nous nous développons, plus nous avons besoin d'espace et plus le mirage de la propriété s'éloigne."

Attention au capacitaire et au volume des parties communes

Rhinov cherche, elle, bien plus grand. La startup est installée dans les Ateliers Louis Blériot à Bègles, au sud de Bordeaux, où elle emploie une soixantaine de personnes. Spécialisée dans la simulation en 3D d'aménagements d'intérieur pour les professionnels comme pour les particuliers, elle connaît un fort développement conjugué à la prise de contrôle d'une majorité du capital par le groupe Maisons du monde, annoncée en juin dernier. Ce qui va la conduire à embaucher 60 décorateurs d'intérieurs dans les prochains mois. Dirigeant de Rhinov, Bastien Paquereau s'est donc mis à la recherche d'un espace de 1.500 m2 de bureaux, visant le Sud de l'agglomération et une bonne desserte en transports en commun. Son constat après six mois de recherche :

"L'offre est rare et les garanties demandées très élevées pour une entreprise comme la nôtre qui ne compte que quelques exercices. J'ai surtout été frappé par deux choses : des bureaux neufs qui ont un capacitaire (capacité d'accueil maximale, NDLR) très réduit et des ratios de parties communes énormes. J'ai visité notamment un plateau était annoncé à 1.500 m2 mais qui comportait, dans les faits, 35 % de surfaces partagées ou non exploitables. Enfin, les durées des baux ne sont pas adaptées et les possibilités d'évolution des locaux sont souvent très restreintes. Notre plan de développement prévoit plus de 200 salariés à moyen terme. Si on va plus vite, le bail ne nous permettra pas d'avoir toutes nos équipes au même endroit et il faudra chercher des bureaux de complément. Si on va plus lentement, il faudra trouver des solutions."

Archidvisor, plus petite, est dans le même cas. La plateforme de mise en relation avec des architectes actuellement hébergée à la Pépinière éco-créative des Chartrons, après avoir été pensionnaire de l'Auberge d'Unitec, s'attelle au sujet. "Nous sommes une startup en croissance donc nous n'avons pas de visibilité sur notre effectif ou nos finances au-delà de six mois ou un an, explique son CEO et cofondateur Adrien Martin. Donc un bail 3-6-9 ans classique n'était pas envisageable pour nous jusque-là et ça reste très compliqué de s'engager sur trois ans. On est 11 aujourd'hui mais avec les équipes de Wanteeed et de FitMyRun, avec qui on cohabite depuis le début, nous sommes une quarantaine donc nous cherchons ensemble autour de 300 m2 pour avoir de la marge sur la croissance de l'effectif. On est prêt à y consacrer entre 6.000 et 7.000 € par mois pour 300 m2. On vise le centre-ville, en particulier les Chartrons / Bassins à flot. C'est obligatoire pour nous d'être dans le centre et à proximité des transports pour attirer des profils intéressants. On mise sur la qualité de vie au travail et la proximité du centre. La Cité numérique est encore trop éloignée, tout le secteur d'Euratlantique est très prometteur mais arrivera à maturité peut être plutôt dans quatre ou cinq ans."

Back Market met sur le marché des produits technologiques reconditionnés tels que des smartphones. La société parisienne a créé un bureau à Bordeaux il y a quelques mois. "On a cherché des espaces dans trois quartiers - Bassins à flot, Euratlantique et l'hypercentre - pendant plusieurs mois avec une bonne vingtaine de visites", explique Nicolas Pellissier, responsable qualité et pilote de l'antenne bordelaise :

"J'ai été vraiment marqué par l'effervescence autour de tout ça : tout part très vite, on a été recalé une fois par manque de réactivité. Les agents immobiliers mettent la pression et nous poussent à nous positionner immédiatement. On a finalement trouvé un espace au hangar G7 aux Bassins à flot et on a été hyper-réactif pour l'avoir, quitte à être peu regardant sur les garanties demandées qui étaient très exigeantes. L'hypercentre ne proposait pas ce que nous recherchions, à savoir au moins 500 à 700 m2. L'offre d'Euratlantique est plus classique et semble plus calibrée pour des acteurs de la banque ou de l'assurance que pour des startups. On a donc opté pour les Bassins à flot parce que le quartier est déjà terminé, l'offre y est plus jeune, plus dynamique et nos salariés croisent leurs collègues de beaucoup d'autres entreprises du numérique qui nous ressemblent et ils s'y retrouvent bien. On cherchait 500 à 700 m2 mais on a finalement pris 900 m2 car le bien, le hangar G7, était très beau et adapté. On a signé un bail classique à 175 €/m2 et on sous-loue pour un an l'espace inutilisé à une autre entreprise. On le récupèrera en 2020 et il sera temps puisque nous sommes déjà 60 salariés et on devrait être 80 fin 2019."

Temps long, besoins immédiats

Les difficultés à trouver des locaux ne sont pas spécifiques aux jeunes pousses, loin s'en faut. Le tissu économique local est majoritairement composé de petites PME qui, si elles ne cherchent pas toutes des espaces évolutifs, visent quand même une cible similaire, dans le centre-ville autour de 300 m2.

"Comme en météorologie, il faut distinguer la température réelle de la température ressentie", sourit Rémi Cocuelle, manager général d'Arthur Loyd à Bordeaux, société qui conseille les entreprises dans leur stratégie immobilière. "Certains chefs d'entreprise ont un cahier des charges très précis, pour d'autres les critères sont moins fermés et la géographie, la surface, le prix et d'autres paramètres encore sont discutables. Il est donc difficile de généraliser leur ressenti. Ce qui est certain, c'est que l'offre existe, même pour les 300 m2 que l'on dit très rares, et le marché est globalement fluide et dynamique."

Le manager général d'Arthur Loyd ne nie pas que la quote part des parties communes peut être importante. Mais "le ratio habituel dans un immeuble de bureaux est plutôt de 15 à 20 %, même s'il peut grimper dans le cas de biens atypiques. Nous essayons d'ailleurs de sensibiliser les promoteurs et les investisseurs à l'importance de construire des biens relativement standardisés." Pour ce professionnel, "la disparité des quartiers est liée à la chronologie bordelaise". Autrement dit : l'immobilier est un temps long.

"Pendant longtemps, les acteurs de l'immobilier de bureaux ont connu l'existence d'une demande d'importantes surfaces en centre-ville qui émanait des entreprises bordelaises, poursuit Rémi Cocuelle. Mais cette demande ne trouvait pas d'offres dans Bordeaux, et c'est entre autres ce qui a expliqué le fort développement de Mérignac et du croissant Ouest de la Métropole qui eux, pouvaient fournir ces volumes. L'inertie dans notre secteur est terrible. L'offre d'aujourd'hui découle d'orientations et de décisions qui remontent pour la plupart à une dizaine d'années."

Directeur associé de BNP Paribas Real Estate, Valery Carron apporte un regard complémentaire :

"Une ville comme Toulouse a énormément produit du bureau pendant des années, contrairement à Bordeaux dont l'image, notamment économique, était alors incertaine. L'objectif, en bord de Garonne, était d'être prudent pour éviter toute situation de sur-offre. Il y a eu trois périodes : celle des années 90 à 2000 où les entreprises sont parties en périphérie, ne trouvant ni offre suffisante ni accessibilité dans le centre-ville. C'est l'époque de la création des parcs tertiaires tel que Cadéra à Mérignac, Bordeaux Lac... Entre 2000 et 2010, la tendance s'est inversée, Bordeaux a changé et est devenue attractive à la faveur du tramway, du réaménagement des quais. La décennie suivante, jusqu'à aujourd'hui, est celle de la création de nouveaux secteurs tels que les Bassins à flot puis Euratlantique, drainant la nouvelle demande exogène et répondant aux attentes des entreprises bordelaises qui ont grandi entre temps. Euratlantique, autour de la gare Saint-Jean placée à 2h04 de Paris par le TGV, était parfois annoncée comme l'opération qui allait vider les bureaux de Mérignac. Avec du recul, cela ne s'est pas produit. C'est l'ensemble du marché qui s'est étoffé. Aujourd'hui, la ville est revenue au niveau qui doit être le sien avec des fondamentaux économiques qui sont bons, ce qui rassure les financiers et les investisseurs."

Stop ou encore ?

Les nouveaux projets de constructions de bureaux ne manquent pas, et cela inquiète certains acteurs de l'immobilier : "Il ne faudrait pas aller sur un message envoyé aux investisseurs signifiant que ça part dans tous les sens, juge Patrice Dupouy, directeur associé de Tourny Meyer Bordeaux. L'heure n'est plus à montrer les muscles mais à stabiliser le marché, à rassurer les investisseurs." Alexandre Cieux, directeur régional de CBRE, abonde : "Nous ne sommes plus dans la même situation qu'il y a cinq ans où il fallait se battre pour obtenir des arrivées d'entreprises exogènes. Attention à ne pas vouloir trop en faire et à ne pas se montrer trop sélectifs dans les choix des dossiers d'entreprises que l'on veut faire venir. Les collectivités publiques sont là pour accompagner les entrepreneurs, pas pour prendre parti." L'agglomération girondine devrait-elle revenir à un peu plus de modestie ? Certains professionnels le pensent et commencent à le dire. "Le marché bordelais a changé de dimension il y a deux ans, il faut maintenant digérer ce cap", reprend Alexandre Cieux. Le moment est intéressant :

"Du côté des acteurs locaux, il y a eu beaucoup de grosses opérations. La Caisse d'épargne, le Crédit agricole, Thales... ont déménagé. On va maintenant voir si la profondeur de marché est suffisante pour conserver le même rythme. Le challenge sera d'aller chercher des boîtes parisiennes, dans la foulée de ce qui a été fait avec Ubisoft (200 salariés à Bordeaux) ou Spaces, face à des métropoles comme Nantes ou Toulouse. Les arguments bordelais tiennent dans une offre qualitative, des loyers modérés et une belle qualité de vie. A contrario les facteurs limitants sont des valeurs de logement explosives et des difficultés pour le conjoint à trouver un emploi, ce qui entraine le départ de Parisiens qui s'étaient installés ces dernières années", déroule Patrice Dupouy, directeur associé de Tourny Meyer Bordeaux.

Alexandre Cieux, chez CBRE, est plus optimiste :

"On est loin de la sur-offre et on commence déjà à remplir des programmes qui seront prêts en 2021 et 2022. Je ne vois ni crise, ni queue de la comète. Par contre, il faut aussi être lucide : il y a une demande exogène forte mais l'histoire montre qu'elle se traduit par quelques transferts d'emplois depuis d'autres régions et surtout par du recrutement local. Délocaliser le siège d'une grande entreprise est très difficile, en raison de problématiques sociales fortes", juge le professionnel, qui invite également les collectivités locales à "aller plus vite dans la libération du foncier".

Simon de Marchi, président de l'OIEB, l'Observatoire de l'immobilier d'entreprise à Bordeaux, confirme le changement de pallier de la métropole bordelaise, la meilleure qualification du parc de bureaux et souligne qu'avec à peine un an de stock, il n'est pas envisageable de stopper les efforts.

Aller vers des volumes plus facilement divisibles

Depuis plusieurs mois, Bordeaux Métropole a réuni plusieurs typologies d'acteurs autour d'elle pour étudier l'adéquation entre l'offre et la demande, particulièrement des entreprises locales. Le constat semble sévère. Confiants, les investisseurs ont fait preuve d'une appétence forte et sont revenus sur le marché des opérations en blanc (sans location ou vente préalable des surfaces). Le couple promoteur - investisseur a fait ce qu'il fait le plus facilement, car il a trouvé de la demande en face : des bâtiments volumineux, des volumes importants destinés à être loués à des locataires aux reins solides, s'engageant sur du long terme. "La programmation prévue pour les prochaines années est très importante, convient Patrice Dupouy chez Tourny Meyer Bordeaux. Il faudra peut-être recalibrer un certain nombre d'opérations et de surfaces. Cette offre nouvelle composée de gros volumes pas assez divisibles et de loyers plus chers a très certainement créé de la frustration chez les entrepreneurs bordelais, qui ont vu passer les trains sans pouvoir y monter car ils cherchent pour beaucoup entre 100 et 300 m2, pas 1.000 ou 2.000." Alexandre Cieux ne croit pas au risque de sur-offre, mais relève aussi l'inadaptation des surfaces : "Tous les programmes neufs ont été réfléchis par les promoteurs pour être très divisibles, et par les investisseurs aussi parce qu'ils ont en tête que ce sera nécessaire lorsque l'immeuble arrivera sur le marché de la seconde main. Le problème est que pour être financé, le promoteur a besoin d'un taux de remplissage très important. Les grands clients se projettent plus facilement à long terme et prennent plus de m2, ils sont donc ciblés en priorité."

Il semble que Bordeaux Métropole n'exclut pas à terme d'intervenir directement, via préemption, pour proposer une gamme de petites surfaces et abaisser les prix. Son vice-président, aussi maire de Bordeaux, Nicolas Florian, souhaite travailler sur "des cahiers des charges négociés entre la mairie et le promoteur pour envisager en priorité quelle sera la fonctionnalité du bâtiment et à quelle demande il pourra répondre". Il compte également lancer un diagnostic de tout le bâti tertiaire existant mobilisable et réhabilitable et indique réfléchir à "une mobilisation du patrimoine immobilier de la ville pour accueillir des entreprises qui sortent de pépinières mais n'ont pas encore l'envergure pour se lancer sur le marché classique. Cela pourrait être un hôtel d'entreprises en centre-ville, intra-boulevards ou le long du tram. On peut imaginer d'avoir un exploitant privé avec la ville qui viendrait amortir le coût et jouer le rôle de filet de sécurité."

Directeur général de l'Etablissement public d'aménagement Bordeaux Euratlantique, Stéphan de Faÿ valide lui aussi la relative absence d'offre de faible surface, qu'il relie à la faiblesse des stocks bordelais : "Plusieurs projets étaient programmés pour offrir également des volumes divisibles, comme Quai 8.2 porté par ANF Immobilier et Vinci, qui prévoyait des cellules de 200 m2 aux côtés des grands comptes. Mais des entreprises ont pris à bail plus spacieux que prévu", indique-t-il, se disant au passage "sidéré de voir le nombre d'entreprises qui viennent nous voir trois mois avant la date souhaitée de leur futur emménagement. Il y a un problème d'anticipation terrible, lié sans doute aux incertitudes du business mais aussi à la culture de l'immédiateté." Le directeur général d'Euratlantique convient que les sociétés qui cherchent 150 m2 "ne sont pas prioritaires" chez les professionnels de l'immobilier, mais il positive : "Euratlantique a débuté par de très grosses opérations, on s'achemine maintenant vers des jauges moins importantes avec des offres qui donneront plus d'identité à leurs occupants. Pour une PME, c'est plus facile d'être visible dans un petit ensemble que dans une très grosse opération. Après, je mentirai en disant qu'on pourra répondre à toute la demande, tant que le marché sera sous-offreur ce sera dur de faire mieux." Représentant l'OIEB, Simon de Marchi relève malgré tout que la moyenne des transactions hors comptes propres sur le premier semestre s'établit à 396 m2 et la médiane à 229 m2, signe que les transactions ne concernent pas uniquement de grands espaces.

Les loyers amenés à augmenter

Dans les faits, le marché bordelais du bureau se résume à quelques quartiers, qui seront présentés ces prochains jours au fil de la publication de ce dossier. "L'hyper-centre c'est 25 %, les Bassins à flot 15 %, Euratlantique 20 à 25 %, la ville de Mérignac 25 % et la ville de Pessac 15 %, résume Valery Carron. Les autres secteurs tels que la place Ravezies, Bordeaux Lac, les Chartrons, Caudéran... ne sont pas significatifs. Les communes de Bègles et de Talence n'accueillent pas d'importants pôles tertiaires reconnus, on est plutôt sur de petits volumes."

Si l'on met de côté le marché de l'ouest de l'agglomération, le centre-ville de Bordeaux polarise évidemment l'attention. Ces dernières années, ce sont les Bassins à flot et Euratlantique qui ont tiré la couverture à eux, mettant sur le marché des locaux neufs. "Les Bassins à flot ont été une double réussite, juge Rémi Cocuelle. Tous les immeubles de bureaux qui ont été construits ou qui vont l'être ont été commercialisés rapidement. Ce succès a, je pense, facilité le travail pour Euratlantique, qui est le quartier amené à prendre la suite, car il a eu un effet vertueux en rassurant les investisseurs et les promoteurs. A leurs yeux, la commercialisation rapide des Bassins à flot a crédibilisé le potentiel bordelais, même si ces deux secteurs ont des atouts différents." Son confrère Patrice Dupouy, directeur associé de Tourny Meyer Bordeaux, livre un éclairage légèrement différent : "Est-ce que les Bassins à flot ont crédibilisé Euratlantique ? Je ne sais pas. Même s'il y avait un peu de décalage dans le temps, nos clients ont pu faire leur choix pour l'une ou l'autre de ces offres. Nous ne les avons pas du tout commercialisés de la même façon. Les Bassins à flot est un quartier d'ambiance. Les clients se sont facilement appropriés les lieux, le côté docks, les vestiges du passé industriel, la vue sur l'eau. Sa compréhension était facilitée par l'épine dorsale que constitue l'avenue Lucien Faure, l'image s'est vite fixée sur un quartier branchouille avec l'arrivée d'écoles et d'entreprises du numérique. A Euratlantique à l'inverse, il a fallu faire preuve de beaucoup de pédagogie. Les clients s'attendaient à une petite Part-Dieu (quartier d'affaires de Lyon, haut et dense, NDLR), ils ont trouvé des immeubles diffus et du logement aussi. Les premières entreprises arrivées sur place ont donné une coloration tertiaire supérieure et bancassurance."

Patrice Dupouy relève en tout cas que "les investisseurs parisiens ont amené avec eux de nouvelles normes, de nouvelles exigences qui ont permis à l'offre globale à Bordeaux de remonter en qualité. Euratlantique est saluée pour cela." Le directeur associé de Tourny Meyer Bordeaux lâche au passage : "Le durcissement des normes et les choix techniques faits par ces acteurs ont renchéri les coûts. Or, ici les loyers des programmes neufs de cette qualité sont encore très capés. Le prix au m2 est 60 € moins cher à Euratlantique qu'à la Part-Dieu. A terme, il est donc probable que les loyers grimpent un peu." Alexandre de Cieux va dans le même sens, pointant que les charges foncières à Bordeaux sont légères par rapport à d'autres métropoles mais que les bâtiments coûtent plus chers à construire, en raison d'un sol peu commode. Conjugué à un stock faible, il n'est pas difficile de deviner que devrait voir le loyer monter dans les prochaines années..

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Note : tous les loyers indiqués sont stipulés par m2 et par an, hors taxes, hors charges et hors parking.

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Location ou acquisition ?

Next Decision a la particularité d'avoir opté depuis son origine pour une stratégie d'acquisition plutôt que de location pour ses bureaux dans les différentes villes de France. La société de services numériques (130 consultants en France) est une des rares PME à opter pour l'achat. "On recherche des biens atypiques puisqu'il s'agit de bureaux mais avec toujours un espace logement permettant d'héberger des collaborateurs de passage, explique Yannick Lourenco, directeur de l'antenne bordelaise. L'entreprise a la trésorerie et suffisamment de visibilité pour se permettre de constituer une stratégie patrimoniale et, compte tenu de leur caractéristique à mi-chemin entre le bureau et le logement, on n'a pas d'inquiétude sur les possibilités de revente. On a sollicité des agences mais elles n'ont pas vraiment priorisé notre dossier donc c'est finalement notre équipe administrative qui a réalisé le travail de veille." L'entreprise a emménagé sur 80 m2 à Ravezies début 2019 après un an de recherches. Cette stratégie est peu courante : le marché métropolitain ne compte en moyenne que 20 % d'acquéreurs, contre donc 80 % d'entreprises locataires. Même si les taux d'intérêt extrêmement bas ces derniers mois ont engendré une relative progression de la demande en centre-ville, cette stratégie est encore marginale. "Ce n'est pas une fatalité, mais l'offre de m2 à la vente est très faible", regrette Patrice Dupouy chez Tourny Meyer. Les promoteurs et investisseurs ont aussi plus l'habitude de monter des projets autour de la location de vastes espaces, plutôt que de l'acquisition." Un point de vigilance : la flambée des prix dans l'immobilier côté particuliers fait qu'en hyper-centre, certains biens abritant historiquement des bureaux se sont transformés en logements, avec un prix au m2 doublé !

"L'acquisition de ses locaux par une entreprise n'est pas anodine : elle traduit une vision patrimoniale, de long terme, complète Valery Carron de BNP Paribas Real Estate. La notion de plus-value peut aussi être présente, bien sûr. Mais je mets en garde : ces opérations doivent être le fait d'entreprises matures. Nous voyons trop souvent de jeunes sociétés en pleine croissance qui achètent, puis qui se retrouvent rapidement dans un contexte délicat après avoir encore grandi ou au contraire réduit leurs effectifs. Et donc, cherchent à vendre. Sauf que la fiscalité n'est pas au rendez-vous... Une option est de garder le bien en patrimoine et de le louer tout en prenant pour soi des bureaux plus petits, mais encore faut-il en avoir la capacité..." L'acquisition, elle, semble plus rare en périphérie. "On y trouve généralement un tissu plus industriel, des entreprises plus internationalisées qui préfèrent flécher leur capital vers leurs moyens de production plutôt que vers leur patrimoine immobilier."

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Cet article est issu du vaste dossier consacré à l'immobilier tertiaire paru dans l'hebdomadaire de La Tribune du 27 septembre. Également paru :

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