Circouleur, Rediv, Vinea Energie : les difficultés rattrapent aussi les startups à impact

Circouleur, Rediv by Patatam, Vinea Energie : plusieurs jeunes pousses emblématiques de l'économie circulaire dans la région bordelaise se retrouvent en redressement judiciaire. Le changement brutal de conjoncture de l'investissement rattrape aussi les startups à impact qui cherchent des moyens de rebondir sur des marchés en berne. Explications.
Dix ans après sa création dans les Landes, Rediv (ex Patatam) est en redressement judiciaire depuis le 25 octobre.
Dix ans après sa création dans les Landes, Rediv (ex Patatam) est en redressement judiciaire depuis le 25 octobre. (Crédits : Patatam)

La quasi-totalité des investisseurs l'assurent : malgré le durcissement de leurs critères, ils financent encore certains secteurs tels que les deeptech, l'intelligence artificielle et... les startups à impacts. Dans les faits, force est de constater que ni un impact positif sur l'environnement ni l'économie circulaire ne constitue un totem d'immunité face à la réalité du marché et aux nouvelles exigences de rentabilité des investisseurs. « C'est une hécatombe, ça arrive à plein de boîtes en ce moment ! La levée de fonds bloque, les banques se désengagent et c'est le tribunal de commerce... », lâche Maïlys Grau, la présidente et fondatrice de Circouleur.

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Pour cette startup, créée en 2017 pour collecter les pots de peinture usagée et les recycler en peinture, tout est allé très vite. Malgré une levée de 1,2 million d'euros en janvier 2022 et un chiffre d'affaires de quelques centaines de milliers d'euros, aucun investisseur n'a suivi pour une nouvelle levée de fonds faute de perspective de rentabilité suffisante. « Il était impensable pour nous de ne pas payer nos salariés donc on a opté pour une procédure de mandat ad hoc puis le redressement judiciaire prononcé le 7 novembre », poursuit l'entrepreneure et docteure en chimie à la tête d'une équipe de douze salariés.

Circouleur

Circouleur recycle les peintures usagées en peintures neuves (crédits : Circouleur).

Le poids de l'inflation

Après le boom du confinement, Circouleur a vu son marché des particuliers se tarir ces derniers mois, étouffés par l'inflation : « Le marché professionnel fonctionne bien mais les Français cherchent aujourd'hui à savoir ce qu'ils vont mettre dans leur assiette pas à repeindre leur maison alors même que nous avions beaucoup sur le commercial... à perte », résume Maïlys Grau, touchant du doigt un marché du bricolage en recul de 3,5 % après les années fastes des confinements et qui pénalise aussi des enseignes comme Cdiscount, Habitat, Castorama et même Leroy Merlin. Les actifs et tout ou partie de Circouleur devraient donc être cédés alors que deux repreneurs sont officiellement sur les rangs. Le tribunal de commerce de Bordeaux tranchera le 12 décembre.

Le scénario n'est pas très différent pour Rediv by Patatam, le pionnier landais de la logistique pour les vêtements de seconde main qui a su depuis dix ans s'affirmer dans la région puis dans toute la France en signant notamment avec Auchan, Cdiscount, Carrefour ou encore Système U. Sur un marché de la seconde main porteur mais copieusement dominé par le tout puissant Vinted, Rediv qui avait levé 12 millions d'euros mi-2022, fait désormais face à une concurrence féroce de toutes parts pour se disputer les meilleurs gisements textiles. Résultat, l'entreprise a été placée en redressement judiciaire le 25 octobre dernier. L'enjeu est de taille puisque l'entreprise fondée en 2013 emploie encore 120 salariés dans ses plateformes du Sud-Ouest et des Hauts-de-France.

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Le fondateur Eric Gagnaire ayant quitté l'entreprise au printemps 2023, c'est désormais Caroline Hill qui est aux commandes, une cadre du e-commerce passée notamment par La Halle, La Redoute, Sarenza et Everli. Rediv, qui ne n'exprime pas autrement que par communiqué explique ses difficultés par « un marché textile en berne qui ralentit le développement de l'entreprise et une inflation record sur le prix de l'énergie et du transport, qui impacte les coûts opérationnels de ses entrepôts », le tout sur « sur un segment à bas prix avec des marges faibles ». Là encore, les victimes sur le marché de l'habillement sont nombreuses ces derniers mois : Camaïeu, Go Sport, Kookaï, Gap, Pimkie etc. Alors qu'elle visait jusqu'à 70 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2024, Rediv s'attache désormais à bâtir un plan de redressement et trouver un repreneur pour rebondir.

Vinea Energie mise sur les crédits carbone

Un rebond qui est aujourd'hui à portée de main pour Alice Shaw et son associé Romain Guillaument à la tête de Vinea Energie. L'entreprise girondine s'est lancée en 2021 sur un modèle de collecte des ceps de vigne usagés pour en faire de l'énergie par le biais de chaudières biomasses. Après un démarrage entravé par la flambée des coûts des carburants, la startup a pivoté vers une collecte payante qui n'a pas non plus permis d'ouvrir le chemin vers la rentabilité avec seulement 150.000 euros de chiffre d'affaires réalisé en 2023 mais déjà plus de 12.000 tonnes d'équivalent CO2 évitées. Malgré une levée de 650.000 euros en novembre 2022, les deux dirigeants ont décidé de placer la jeune entreprise en redressement judiciaire en mai dernier et viennent de renouveler pour six mois la période d'observation. « On a procédé à la cession de notre matériel et au licenciement de nos quatre salariés. Ça a été très difficile mais l'enjeu était de préserver le projet et nos fournisseurs pour pouvoir redémarrer sur un modèle plus pérenne grâce à la certification environnementale que nous avons obtenue en octobre 2023 », déroule Alice Shaw.

Grâce à ce sésame construit avec CarbonApp, Vinea Energie est éligible au marché des contributions carbones volontaires ce qui permet à ses clients viticulteurs de monnayer la valorisation énergétique de leurs ceps de vignes et d'obtenir un remboursement de 90 % du montant de leur facture. Mais si les perspectives sont désormais encourageantes, tout n'est pas encore réglé sur le plan de la trésorerie, précise Alice Shaw : « Le plan d'arrachage du vignoble bordelais qui débute est un moteur pour notre activité même si nos plans s'appuient sur des volumes plus structurels. Mais la trésorerie reste le principal obstacle : les viticulteurs en difficultés n'en n'ont pas et pour pouvoir leur avancer, nous avons besoin de réunir 150.000 euros d'ici la fin du premier trimestre 2024. »

Vinea Energie

Vinea Energie fait de la valorisation énergétique des ceps de vigne (crédits : Vinea Energie).

La trésorerie reste le nerf de la guerre

Malgré leur impact positif et leur capacité à imaginer et construire de nouveaux circuits de production et consommation, Vinea Energie, comme Patatam et Circouleur sont frappés comme les autres par la fermeture du robinet du capital-risque. « Les fonds dits verts sont en réalité très axé vers la tech et pas sur les modèles circulaires alternatifs. C'est la principale difficulté de nos modèles : avoir suffisamment de trésorerie pour créer ces nouveaux circuits en amont et en aval de notre activité », remarque Alice Shaw. Plus que son sort personnel, c'est aussi cet aspect qui est soulevé par Maylis Grau : « l'essentiel c'est de garantir un avenir à nos salariés et à cette filière de recyclage de la peinture qu'on a construit de zéro et qui a permis d'éviter 500 tonnes d'équivalent CO2 en 2022. Il ne faut pas détruire ce modèle qui reste fondamentalement pertinent. »

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Emploi : Ethypik liquidée mais...

Autre startup bordelaise à impact, Ethypik portait un projet de recrutement alternatif directement dans la rue (street sourcing). Fondée et pilotée par Nicolas Morby, l'entreprise fondée en 2020 n'a jamais vraiment trouvé son marché malgré son passage sur M6 et a été liquidé le 28 novembre malgré plusieurs offres de reprise. C'est finalement grâce à un repreneur qui s'est positionné au lendemain de la liquidation que le projet pourrait redémarrer.

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