Emploi et décarbonation : la filière aéronautique et spatiale s'interroge face à des défis structurants

La 3e édition du Sommet Aéronautique et Spatial organisé par La Tribune et Bordeaux Métropole a réuni plus de 500 participants à Bordeaux le 17 octobre dernier. Cet évènement combinant conférences, village du recrutement et rendez-vous BtoB, a été l'occasion d'évoquer les défis structurants de la filière : décarbonation, attractivité et innovation.
Plus de 500 participants étaient présents à la 3e édition du Sommet Aéronautique et Spatial de Bordeaux Métropole qui mêlait conférences de haut-niveau, village de l'emploi et rendez-vous BtoB.
Plus de 500 participants étaient présents à la 3e édition du Sommet Aéronautique et Spatial de Bordeaux Métropole qui mêlait conférences de haut-niveau, village de l'emploi et rendez-vous BtoB. (Crédits : Quentin Salinier)

La journée était consacrée à l'emploi, sujet crucial, car « le secteur ne trouvera de solutions à ces enjeux sans les talents nécessaires », souligne Alain Anziani, le président de Bordeaux Métropole. « Or, la branche qui compte 180.000 emplois directs, 260.000 au niveau de la France, a besoin de recruter 25.000 personnes dans les dix ans, rien que pour compenser les départs en retraite », prévient Patrick Seguin, le président de la CCI Bordeaux Gironde.

D'où la nécessité d'attirer en mettant en avant le rôle sociétal du secteur : « L'aéronautique, c'est l'internet physique qui relie les hommes. Nous utilisons 50 fois par jour un satellite », rappelle Gilles Fonblanc, secrétaire général d'ArianeGroup et président de l'association Baas (Bordeaux Aquitaine aéronautique et spatial) qui estime que le succès du dernier salon du Bourget a démontré que les jeunes ont encore de l'attrait pour la filière, même s'ils jugent indispensable de parvenir à sa décarbonation.

Sommet aéronautique et spatial 2023

Alain Anziani, président de Bordeaux Métropole, et Patrick Seguin, président de la CCI Bordeaux Gironde (crédits : Quentin Salinier).

Répondre aux attentes des jeunes générations

« Le plan d'investissement France 2030 a prévu 2,4 milliards pour la recherche et le développement afin de mettre au point un aéronef bas carbone », rappelle le préfet de région Étienne Guyot. Et les moyens sont là, pour trouver les talents pour mener ce projet, Valérie Guillement, DRH de Dassault Aviation, veut attirer des jeunes en cherchant à répondre à leurs attentes, dont la quête de sens, ou en revoyant la façon de manager pour les accueillir et les intégrer.

Anne-Catherine Guitard, Directrice générale d'Aérocampus, estime « qu'il faut aller chercher des candidats à la reconversion et attirer les jeunes en leur proposant de découvrir les métiers en stage de 3eme ou lors de journées portes ouvertes. » Cécile Berger, DRH d'Airbus Atlantic Composites, insiste sur la nécessité d'intégrer les nouvelles recrues dans de petites équipes où ils trouvent plus facilement leur place. Chantal de Turckheim, directrice générale de l'école Elisa Aerospace, a demandé ce qui motivait ses étudiants :

« Le salaire arrive en tête. Mais une fois en poste, ils disent que ce qui les fait rester c'est l'épanouissement, les cadres qui donnent envie de s'investir et les perspectives de développement personnel. » Elle ajoute que contrairement aux idées reçues, « les jeunes recrues recherchent davantage la qualité de vie au travail, que le télétravail, car ils ont trop souffert du distanciel. »

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Le replay du Sommet en vidéo

Retrouvez en vidéo l'intégralité des débats, séquence par séquence, de cette 3e édition du Sommet Aéronautique et Spatial de Bordeaux Métropole qui a réuni plus de 500 participants au Palais de la Bourse à Bordeaux, mardi 18 octobre.

Changer l'image de la filière et des métiers

Mais en matière de recrutement, grands groupes et startups se font concurrence. Mathieu Costes, partner chez Airbus Ventures, a assisté « aux transferts de nombreux salariés d'entreprises comme Thales ou Airbus partis vers des startups, jusqu'en 2022, avant que la baisse des capitaux disponibles se concrétise par un retour de l'attrait des grands groupes. » Bertrand Lucereau, PDG de Secamic, regrette que « dans les promotions de grandes écoles d'ingénieurs, 60% des diplômés se destinent à la finance. ».

Sommet aéronautique et spatial 2023

Plusieurs jeunes salariées ont témoigné de leur vision de la filière et des enjeux métiers : Irwin Kerboriou (Beyond Aéro), Léa Guipouy (Thales), Charlotte Hamon (Corsair) et Héloïse Conte (MBDA). (crédits : Quentin Salinier).

Jérôme Darsouze, directeur général de Tarmaq, juge que « le secteur a longtemps pêché par orgueil » et l'invite à réagir en expliquant quels sont les métiers et les formations disponibles.

Paul Chiambaretto, professeur à Montpellier Business School, note que « 30 à 40% des jeunes n'envisagent pas de se tourner vers notre secteur, considérant qu'il est réservé à des élites, qu'il faut parler anglais et que c'est un métier d'hommes. Ce n'est pas vrai ! »

Pour attirer des jeunes candidats de tous niveaux, Alexandre Gentot, vice-président of Human Resources chez Thales Avionics business, fait preuve de créativité. « Nous avons loué cinq salles de ciné et diffusé Maverick puis présenté nos métiers et nos produits dans les hélicos ! » Il compte aussi sur la cooptation. Bertrand Lucereau, PDG de Secamic, souligne aussi « l'importance de favoriser la création de startups afin de garder les compétences en France. »

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L'avion électrique au secours de la décarbonation

L'autre sujet de cette journée fut la décarbonation. Nadège Vissière, Head of Hydrogen Programmes chez ArianeGroup, a expliqué que « les connaissances en hydrogène acquises par le groupe servaient d'autres domaines de mobilité comme le ferroviaire, le maritime ou le transport routier de marchandises. » Le secteur a démontré qu'il savait se réinventer pour proposer de nouveaux usages, plus environnementalement compatibles. Antoine Toulemont, European & International Affairs adviser d'Aura Aero, veut « produire des avions électriques de petite capacité pour concurrencer le train régional et la voiture. » Jean-Christophe Drai, directeur commercial de Volocopter France, attend l'homologation de ses taxis volants pour décongestionner des trajets de 40 km.

François Buffenoir, directeur technique et scientifique de Way4Space, participe au travail de décarbonation de la production des lanceurs en cherchant à réduire les émissions liés aux transports vers la Guyane, responsables de 50 % des émissions d'Ariane6, en utilisant notamment un cargo équipé d'une propulsion éolienne, ou encore envisage de réparer ou reprogrammer les satellites plutôt que de les remplacer. Dans le même esprit, Claire Pelletier, chargée de mission économie circulaire, Aerospace Valley « a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour valoriser les avions en fin de vie. » Ce qui a suscité de nombreuses propositions, « dont le réemploi de toilettes dans des environnement de plein air », détaille-t-elle.

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Damien Engemann, CEO de Sylphaero mise sur l'électrification des réacteurs des avions d'affaires :

« 80% de ces appareils réalisent des trajets de moins de 1500 km, alors que les batteries peuvent assurer d'en parcourir 2500 », justifie-t-il. « Si vous voulez lutter contre le réchauffement, l'aéronautique est le secteur vers lequel il faut aller », assure également Martin Sion, président exécutif ArianeGroup, qui insiste aussi sur l'utilité sociétale du secteur.

L'enjeu du désenclavement

« Je ne vois pas comment l'Afrique ou l'Asie pourrait se développer sans l'aéronautique ! » Maria El Filali, directrice générale du Groupement des industries marocaines de l'aéronautique et du spatial confirme. Elle témoigne que l'aéromobilité a permis de sauver des vies suite au tremblement de terre survenu au Maroc le 6 septembre dernier, lorsque les routes avaient été détruites. Jean-Claude Beaujour, avocat et président du Forum transatlantique, assure que « l'aéromobilité contribue au développement durable et solidaire en permettant de désenclaver des régions reculées et en évitant que leurs habitants soient contraints de migrer. »

« Le transport aérien est bénéfique aux populations », ajoute Marc Rochet, directeur général de French Bee. « Quand il y a du tourisme, il n'y pas de dictature », estime-t-il, admettant toutefois « qu'il ne faut pas être dans le déni et poursuivre les progrès déjà réalisés pour réduire l'empreinte carbone du secteur. » Ce qui selon lui passera par « l'électrique, l'optimisation des trajectoires pour réduire la consommation des avions, plus qu'en utilisant du biofuel qui émet les mêmes quantités de GES que le kérosène et dont on ne disposera pas en quantité suffisante. »

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