« Way4Space est un jeune acteur du spatial mais la mayonnaise prend »

INTERVIEW. Créé fin 2021 par des acteurs du public et du privé en Nouvelle-Aquitaine, Way4Space s’est fait une place au sein de l’écosystème spatial et a permis l’émergence de plusieurs projets. De nombreux partenariats ont été signés avant l’été donnant de la crédibilité à ce centre d’innovation pour les usages spatiaux de demain tels que la fabrication en orbite, la production d'énergie ou le prototypage d'une nouvelle combinaison spatiale. Rencontre avec Philippe Troyas, directeur général de Way4Space.
Way4Space a signé, en juin 2023, un partenariat avec le Commandement de l’Espace. Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine, président de Way4Space et le Général Philippe Adam, Commandant de l’Espace.
Way4Space a signé, en juin 2023, un partenariat avec le Commandement de l’Espace. Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine, président de Way4Space et le Général Philippe Adam, Commandant de l’Espace. (Crédits : Way4Space)

LA TRIBUNE - Pouvez-vous nous rappeler l'ambition de Way4Space, le rôle que joue l'association au sein de l'écosystème spatial et la place qu'elle occupe à l'approche de son deuxième anniversaire ?

PHILIPPE TROYAS - L'association s'agrandit. Si les six membres fondateurs sont toujours présents (*), Way4Space compte également six membres associés tandis que six nouveaux membres ont été acceptés par le conseil d'administration et que quatre autres devraient l'être prochainement. Cela représente un potentiel de dix nouveaux adhérents qui couvrent le monde des startups du « space tech ». La vocation de Way4space est de créer et de transformer des idées novatrices dans le domaine spatial mais nous ne nous adressons pas aux acteurs du numérique qui utilisent des données spatiales.

Nous accompagnons prioritairement les entreprises qui ambitionnent de développer de la technologie à destination de l'espace. Si les grands groupes se sont associés à ce think thank, c'est parce que les activités spatiales sont foisonnantes dans le cadre du new space et qu'il s'agit pour elles d'être au contact de ces activités. Et l'idée de le faire cela dans un lieu tiers, qui accueille par ailleurs des académiques, est pertinent et enrichissant. C'est ce que nous essayons de démontrer. Way4space offre la possibilité de travailler sur des projets de façon collaborative en mariant diverses compétences, notre ambition étant d'accélérer le déploiement de nouveaux usages et de produits spatiaux.

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Quels sont les domaines que vous soutenez prioritairement ?

Nous avons structuré notre activité autour de quatre domaines. Nous soutenons en particulier le développement d'une économie orbitale pour permettre la logistique, l'assemblage et la fabrication en orbite. Ce n'est plus de la science fiction ! De plus en plus d'articles rapportent les projets de startups dans le monde entier. Dans dix ans, je pense que nous assisterons à une nouvelle ère et nous souhaitons nous inscrire dans cette dynamique. Way4space s'est aussi fixé pour objectif d'innover et d'améliorer les technologies nécessaires au vol habité. Nous sommes plusieurs à penser que si la grande majorité des activités en orbite seront plutôt robotisées, à un moment donné il faudra bien incarner ces missions par des hommes. C'est un thème qui nous est assez cher alors que, jusqu'à présent, l'Europe spatiale ne s'est pas développée sur ce volet là. Parmi les autres axes prioritaires figurent aussi le développement d'outils spatiaux pour l'environnement et la production d'énergie depuis l'espace. A ce sujet, nous avons signé, fin juin, un partenariat avec l'Agence spatiale européenne (ESA) sur l'économie circulaire.

L'agence européenne, n'a pas vocation à être sur le terrain. Elle peut en revanche susciter des relais et c'est ce rôle que nous entendons jouer, en espérant qu'ensuite des startups s'emparent de ces sujets et commercialisent des solutions de retraitement de l'oxygène, du gaz carbonique, de l'eau, des fluides corporels pour des applications sur terre. C'est la question de la transposition des solutions qui ont été développées pour l'espace et peuvent répondre à nos besoins en société.

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Vous avez signé d'autres partenariats dans le cadre du salon du Bourget en juin. Quels sont-ils et pour quelles perspectives ?

Nous avons concrétisé au Bourget une collaboration avec le commandement de l'espace qui consiste pour nous à identifier dans la région des technologies duales qui pourraient intéresser le commandement de l'espace. Nous avons également acté un rapprochement avec le NAASC, Centre spatial universitaire (CSU) de Nouvelle-Aquitaine créé il y a quatre ans. Le partenariat se traduit d'ores et déjà par un accompagnement de Way4Space sur le projet ICARE développé au sein du NAASC : une voile aérodynamique qui permet de désorbiter passivement un nano-satellite en orbite basse pour éviter l'encombrement d'orbites utiles et contribuer à un usage durable de l'Espace. L'idée sur le plus long terme serait de pouvoir mettre en contact ces étudiants avec notre écosystème de startups sur le territoire. Enfin nous avons signé un partenariat avec l'Institut européen de politique spatiale (ESPI) pour la réalisation d'une étude conjointe sur le développement de l'économie spatiale orbitale dont les résultats seront dévoilés début octobre à l'occasion du symposium NextSpace 2023.

Qu'est ce que tous ces partenariats disent de Way4Space ?

Personnellement, cela va au-delà de mes espérances. Je ne m'attendais pas à ce que l'on puisse signer aussi vite avec l'ESA ni même avec l'ESPI. Way4space est un jeune acteur dans le milieu mais qui compte déjà. La mayonnaise prend !

Avez-vous des exemples de ce qui a déjà pu être concrétisé depuis la création de Way4space ?

Nous avons mis au point une méthodologie d'idéation au travers d'un exemple concret en 2022. Notre atelier d'idéation a donné lieu a un appel à manifestation d'intérêt  « second skin » qui s'inscrit dans le cadre de notre axe sur le vol habité. Nous avons en l'occurrence identifié qu'il pouvait être intéressant pour les astronautes, notamment dans les sorties extra véhiculaires, de disposer, sous la combinaison spatiale d'une seconde peau qui délivrerait en permanence les paramètres vitaux, le suivi de la pression sanguine ou le battement du cœur. L''idée étant de pouvoir éventuellement donner l'alerte en cas de changements brutaux de ces paramètres ou d'apporter un premier soin sous forme d'injection. Au stade où nous en sommes, nous souhaitons rassembler des compétences pour établir le cahier des charges fonctionnel de ce type de produit et ensuite lancer trois ou quatre preuves de concept sur des fonctionnalités spécifiques au produit.

Mais avant cela, nous avons également accéléré un projet porté par ArianeGroup : la capsule Space Case qui a été retenue par l'ESA pour voler à bord de la première Ariane 6. Nous avons également contribué à l'étude de faisabilité technico-économique d'un projet de satellite d'inspection par Téléspazio. Notre accompagnement peut prendre plusieurs formes. C'est pour cela que Way4space se revendique agile. Nous avons un budget de 1,5 million d'euros alimenté par les six membres fondateurs et animé par cinq salariés.

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(*) Les six membres fondateurs sont la Région Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux Métropole, la ville de Saint-Médard-en-Jalles, ArianeGroup, Dassault et Thales.

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