Airudit, ce « ChatGPT de la voix » qui signe avec Dassault, Thales et Solvay

Le Rafale de demain sera-t-il commandé par la voix ? On en est encore loin mais Airudit y travaille sans relâche. La discrète entreprise bordelaise est devenue au fil du temps une experte de l'interface homme-machine par la commande vocale. Une compétence souveraine qu'elle réserve aux applications métiers, ce qui lui a déjà permis de décrocher des contrats de R&D stratégiques avec des grands comptes tels que Dassault Aviation et le groupe Solvay. Rencontre à l'occasion du Salon du Bourget.
La startup Airudit participe au projet MMT qui vise notamment à développer un assistant vocal d'aide à la navigation pour les pilotes du Rafale.
La startup Airudit participe au projet MMT qui vise notamment à développer un assistant vocal d'aide à la navigation pour les pilotes du Rafale. (Crédits : Dassault Aviation - P. Sagnes)

« Le ChatGPT de la voix ! » L'expression est signée Gary Shapiro en janvier dernier à Las Vegas. Le big boss du CES, la grand messe technologique mondiale, a été impressionné par la démonstration d'Airudit : les pirouettes de Doggy. Ce petit chien robot programmé, pour l'occasion, par la startup bordelaise est capable de réagir instantanément à la voix pour effectuer toute une série de manœuvres plus ou moins complexes. Il peut enregistrer jusqu'à une dizaine d'ordres consécutifs formulés de manière très diverse. Le tout en Bluetooth local, c'est-à-dire sans accès à internet. Renouvelé dans les locaux d'Airudit, qui a pris la suite de Marbotic à la Cité numérique de Bègles, le résultat est bluffant.

« Mais Doggy n'est qu'un cas d'usage purement ludique et démonstratif de notre savoir-faire en matière d'interface vocale homme-machine. Cela prouve aussi qu'on peut l'intégrer dans n'importe quelle machine. Il n'a pas vocation à devenir un produit grand public puisque nous nous concentrons exclusivement sur le marché professionnel pour des applications dans le civil comme dans le militaire », souligne Marc Bagur, le directeur des commandes homme-machine chez Airudit.

« C'est fondamentalement disruptif »

Ce spécialiste de l'industrie 4.0 a quitté le Catie (Centre technologique Nouvelle-Aquitaine du numérique) il y a un an pour rejoindre l'entreprise de 25 salariés, séduit par les compétences et l'approche de Philippe Lebas, le fondateur : « Il porte une vraie vision technologique de l'informatique du futur en permettant de s'adresser à n'importe quelle machine par la voix. C'est fondamentalement disruptif ». Philippe Le Bas est en effet un passionné des ontologies appliquées au numérique. À 53 ans, il est intarissable sur cette science de l'information qui vise à indexer des données de manières multiples et indépendantes mais cohérentes du point de vue des utilisateurs.

Depuis la création d'Airudit en 2013, il cherche à répondre à une question : comment permettre à différents utilisateurs de trouver simplement par la voix une information complexe ? « Pour élaborer un système de commande vocale, il faut maîtriser l'ensemble de la technologie de A à Z afin d'être certain d'apporter la bonne réponse avec une fiabilité au-delà de 95 %, c'est-à-dire supérieure à un échange entre deux humains. Si on y arrive, on crée un avantage technologique », appuie-t-il, mettant en avant le caractère souverain et hors-connexion de sa solution.

Explorer le combat terrestre collaboratif

Après avoir développé des outils conversationnels pour Cofidis et La Poste, ces qualités ont permis à Airudit de convaincre de très gros donneurs d'ordres d'embarquer sa solution dans des programmes de R&D hautement stratégiques. Avec, à la clef, un travail de co-construction pour répondre précisément à chaque cas d'usage. La startup est ainsi montée à bord du programme MMT (Man machine teaming) piloté par Thales, Dassault Aviation et la Direction générale de l'armement (DGA) pour développer un assistant vocal pour les pilotes du Rafale afin de le soulager dans l'exécution de certaines tâches en lui libérant autant que possible les mains. Dassault Aviation n'a pas souhaité s'exprimer sur une collaboration « par nature conditionnelle ».

« Nous avons aussi été sélectionnés par la DGA pour collaborer à Hyperion, le programme dédié au combat collaboratif terrestre piloté par TNS Mars, une co-entreprise de Safran, Thales et Nexter. Mais nous travaillons aussi avec Naval Group ou Renault pour d'autres cas d'usages liés notamment à la fabrication et à la maintenance », précise Philippe Le Bas, dont la solution est brevetée depuis 2019.

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Après 600.000 euros de chiffre d'affaires l'an dernier, l'entreprise a déjà un million d'euros de prise de commandes pour 2023 et vise cinq fois plus en 2024. Elle s'apprête aussi à parapher un contrat avec le géant de la chimie Solvay (22.000 salariés, 13,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires). « Le but est de développer un assistant vocal intelligent pour nous aider à déployer les processus de sécurité lors de nos activités de recherche », explique Thomas Clerico, le responsable du groupe autonomisation et robotique pour la recherche et l'innovation chez Solvay. « Airudit est capable de guider le chercheur pour lui dire quelle procédure et quelle documentation suivre en fonction des multiples contraintes de chaque expérience en laboratoire. » Pour Solvay, l'enjeu est d'abord de gagner en sécurité plus qu'en rapidité d'exécution. « Si le processus de sécurité est plus simple à déployer, il sera mieux déployé », estime Thomas Clerico. L'outil pilote sera testé en 2023 et 2024 à Bordeaux avant d'être élargi à toutes les recherches du groupe.

Viser les marchés industriels

À ce jour, la seule application commerciale déployée par Airudit est une solution RH pour les agents du conseil départemental des Alpes-Maritimes mais ce sont bien les applications défense et industrie qui doivent désormais nourrir la croissance de l'entreprise. Déjà membre du pôle Aérospace Valley, elle vient d'adhérer au Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) et sera présente au Salon du Bourget sur le stand de la Région Nouvelle-Aquitaine. La collectivité l'a déjà soutenu à trois reprises depuis 2015 pour un total de 600.000 euros notamment pour accompagner son virage vers l'industrie.

« On se concentre sur l'industrie et les applications métiers pour aborder notamment les marchés de l'aéronautique, de la cobotique, du manufacturing et de la supply chain, de l'impression 3D, de l'automobile. Sur une chaîne d'assemblage, la commande vocale libère les mains et apporte rapidité, fiabilité et confort », expose Marc Bagur. Les effectifs d'Airudit devraient doubler à l'horizon 2025 pour atteindre une cinquantaine de salariés tandis que des réflexions émergent sur le lancement d'un kit de développement sous licence : « Cela nous permettrait d'adresser des cas d'usage plus simples sans nécessiter des mois de co-développement avec le client. » Airudit, qui vante aussi la sobriété énergétique de sa solution, puisque non connectée au cloud, vise également des applications plus inclusives grâce à l'universalité de la commande vocale.

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