Six choses à savoir sur Votelab qui veut démocratiser le vote numérique

Grâce à 3,5 millions de dollars levés en cryptomonnaie, Votelab est décidée à promouvoir l'usage du vote numérique dans les collectivités locales. Avec une solution freemium, adossée à l'association Civic Power, cette startup bordelaise fait le pari de la blockchain pour sécuriser et diffuser le vote sur un marché déjà exploré par V8te, une autre jeune pousse girondine.
L'équipe bordelaise de Votelab est installée à la Cité numérique
L'équipe bordelaise de Votelab est installée à la Cité numérique (Crédits : Philippe Maltête)
  • Un modèle freemium adossé à une association

Votelab, toute jeune entreprise créée mi-2021, propose aux collectivités locales une solution de vote numérique. Cette offre gratuite se fonde sur la plateforme open-source de Civic Power, une association loi 1901, fondée fin 2020 et basée dans le Rhône. Elle a pour objet de "le développement de la ​ démocratie numérique et des nouvelles formes de participation citoyenne en s'appuyant sur les innovations technologiques les plus récentes". En l'occurrence, Civic Power utilise les outils numériques, la blockchain et les cryptomonnaies. "Avec nos propres moyens, on a développé en open-source une plateforme de vote en ligne pour la proposer à des collectivités locales mais il est vite apparu qu'elles souhaitaient plutôt échanger avec une entreprise qu'avec une association. D'où la création de Votelab", explique à La Tribune Marion Le Blanc, porte-parole de Civic Power.

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Celle qui est aussi déléguée à la protection des données (DPO) de Votelab poursuit : "La collectivité peut opter pour la solution gratuite de Civic Power ou l'offre payante de Votelab mais, dans tous les cas, c'est Civic Power qui se pose en tiers de confiance pour la protection des données personnelles et l'anonymisation des votes." Les deux structures, complémentaires en termes d'offre de service, vivent donc de manière indépendante mais parallèle, sans liens capitalistiques croisés malgré des soutiens individuels communs. La version payante ajoute, par exemple, des prestations de gestion de projet et d'analyse et traitement des résultats.

  • Des personnalités bordelaises à bord

Votelab a été fondée par plusieurs personnes, dont le Bordelais, Christophe Camborde, entrepreneur derrière Inblocks, société spécialiste de la blockchain, qui est également l'époux de Marion Le Blanc. Sur le plan opérationnel, Votelab est dirigée par Jean-Sébastien Suze, l'ancien dirigeant de la société bordelaise NP6. Du côté de l'association Civic Power, on retrouve Christophe Camborde mais aussi Laurent Bourgitteau-Guiard, l'ancien directeur d'1Kubator Bordeaux et Theophraste désormais chez Inblocks, ou encore Ismaël Le Mouël, le cofondateur d'HelloAsso dont il est toujours membre du conseil d'administration.

  • Un marché déjà exploré par V8te

Le vote en ligne c'est un marché balbutiant déjà occupé par V8te, une autre startup bordelaise de la civictech fondée en mars 2020 par Guillaume Odriosolo, qui avait travaillé sur le sujet chez Orange. Depuis son lancement commercial en novembre 2021, V8te et ses douze collaborateurs revendiquent déjà 2.000 associations et entreprises clientes dans 70 pays. C'est en effet cette cible qui est priorisé par la startup avec un paiement à l'acte ou un abonnement annuel illimité. "On a une très forte croissance sur les associations et les entreprises alors qu'on n'a pas réussi à identifier de business sur les collectivités locales, hormis pour des usages limités au conseil municipal. J'y vois pour plusieurs raisons dont les difficultés d'enrôlement des citoyens dans l'application, l'accès à leurs données et la grande complexité du sujet d'un point de vue légal", prévient Guillaume Odriosolo, qui vient d'intégrer le Village by CA Aquitaine. V8te, qui s'autofinance et choisit de ne pas s'appuyer sur une blockchain publique, vise plusieurs centaines de milliers d'euros de chiffre d'affaires cette année.

  • 3,5 millions d'euros levées en cryptomonnaie

De son côté, Votelab assume de se positionner d'abord sur ce marché des collectivités locales tout en en reconnaissant sa grande complexité. Pour percer, elle met notamment en avant son approche "citoyen-centrée grâce au tiers de confiance que représente Civic Power" avec sa plateforme opensource et ses moyens financiers. "Le principal moteur économique de Votelab, à terme, c'est bien le marché des collectivités locales pour l'organisation de consultation ponctuelles mais régulières de la population", ajuste ainsi Jean-Sébastien Suze. Mais dans un premier temps, comme toute bonne startup, Votelab a besoin d'argent pour constituer son équipe et peaufiner son produit. Et de manière originale c'est sur le marché des cryptomonnaies qu'elle est allée le chercher.

"On ne souhaitait pas d'investisseurs publics ou privés pour ne surtout pas perdre notre indépendance qui est un élément central de notre crédibilité. La création d'un token, le $Power, un jeton de cryptomonnaie, s'est avérée être la meilleure option", insiste Jean-Sébastien Suze. Le résultat c'est donc une levée de fonds de 3,5 millions de dollars auprès de 2.500 contributeurs particuliers dans le cadre d'une ICO (initial coin offering), soit un ticket moyen de 1.400 dollars.

"Nous considérons cette opération comme un financement participatif citoyen et, pour être honnête, on a été surpris par son succès. On est désormais l'une des civictech françaises les mieux dotées", sourit le dirigeant. "Parmi les contributeurs, majoritairement des trentenaires et à 95 % français, il y a beaucoup de primo-acquéreurs en cryptomonnaie, peu d'habitués", précise Marion Le Blanc. L'opération se poursuit sous la forme d'une IDO (initial dex offering) sur une plateforme d'échanges pour attirer de nouveaux investisseurs et réunir à terme dix millions d'euros. Une démarche soutenue par la première campagne publicitaire sur le sujet télévisée diffusée fin 2021.

  • Une technologie assise sur la blockchain

Pour son processus de certification, la plateforme utilisée par Votelab, comme par Civic Power, est assise sur la blockchain développée par l'entreprise bordelaise Inblocks. Celle-ci promet de réduire de 95 % son impact énergétique par rapport à une blockchain classique, telle que le Bitcoin. Et pour surmonter les limites techniques des solutions actuelles, qui ne permettent pas actuellement de traiter un grand volume de bulletins simultanément, Votelab assure voir plus loin : "D'ici deux ans, le projet est de développer notre propre blockchain indépendante et dédiée aux processus de vote avec un objectif de prise en compte de 10.000 votes par seconde", promet Jean-Sébastien Suze. Une étape complexe qui suppose des développements et des recrutements coûteux qui seront financés par les fonds levés.

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  • La feuille de route

Lancée mi 2021, la plateforme de Civic Power revendique 15.000 utilisateurs pour 110.000 votes dans le cadre de 25 consultations organisées sur différents sujets. Du côté de Votelab, seulement trois communes françaises, dont Bruges (Bordeaux Métropole), ont eu recours à ses services depuis le lancement commercial en septembre 2021. Cherchant à la fois la récurrence des consultations et de ses revenus, la startup vise un modèle d'abonnement annuel permettant d'organiser un nombre illimités de scrutins. Sur un coût de l'ordre de 20.000 euros pour une ville de 20.000 habitants.

Elle vise des communes, régions, départements et communautés de communes pour potentiellement décrocher plusieurs dizaines d'abonnements dès 2022."La croissance de Votelab sera directement liée à la capacité de Civic Power à créer une communauté de votants et faire évoluer le cadre règlementaire pour autoriser le vote numérique, potentiellement pour l'horizon 2027", cadre Jean-Sébastien Suze. "Il faudra aussi avancer sur les enjeux d'authentification et d'identité numérique."

La clientèle des grandes écoles, universités et organisations syndicales et des entreprises, notamment les plus grandes, est aussi envisagée. Votelab s'appuie sur une équipe d'une quinzaine de personnes dont dix salariés auxquels s'ajoutent huit équivalents temps plein en freelances.

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