Bordeaux Métropole : la droite en passe d'obtenir le retour de la cogestion

Mise entre parenthèse depuis 2020, avec la victoire historique de Pierre Hurmic à Bordeaux et d'Alain Anziani à la présidence de Bordeaux Métropole, la cogestion métropolitaine semble en passe de faire son retour. Les tensions croissantes qui traversent l'alliance entre socialistes et écologistes permettent le retour au premier plan de Métropole Commune(s), la coalition de droite et du centre dont le PS s'est mis à dépendre pour réaliser certains de ses objectifs politiques centraux. De quoi ouvrir un nouveau chapitre pour la gouvernance de la Métropole ?
Pierre Hurmic et Alain Anziani, le 30 juin 2023.
Pierre Hurmic et Alain Anziani, le 30 juin 2023. (Crédits : Agence Appa)

« J'ai fait le tour de tous nos maires et ils sont favorables à un retour de la cogestion, enfin tout ça, c'est dépassé. Désormais, il vaut mieux parler de gouvernance partagée ! », explique Patrick Bobet à La Tribune ce lundi 18 septembre.

Et si la terminologie a changé, l'ex-président de Bordeaux Métropole, patron de la coalition métropolitaine d'opposition (de droite et du centre) Métropole Commune(s) et maire du Bouscat est bien décidé à réintégrer l'exécutif métropolitain : « Nous voulons apporter une plus-value à la Métropole par notre expérience. Avec les délégations complémentaires, ce que nous voulons c'est aller plus loin, plus fort. Dans trois domaines, qui sont l'économie, les mobilités et la coopération territoriale. »

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Patrick Bobet confirme ainsi sa réponse positive faite à Alain Anziani, qui lui a proposé, lors d'échanges en août dernier, de promouvoir dix élus de Métropole Commune(s) au rang de conseillers métropolitains délégués. Il ne s'agit pas de postes de vice-présidents mais cela va les transformer d'opposants politiques à partenaires de la gouvernance métropolitaine. Une situation typique de l'époque de la cogestion, où le socialiste Alain Anziani était vice-président du gaulliste Alain Juppé, alors patron de la Métropole. Et une manière de répondre à la demande de plus en plus pressante des élus de la droite et du centre.

« Je suis assez satisfait que le bon sens puisse l'emporter »

Dans le contexte politique tendu dans lequel évolue l'alliance entre socialistes et écologistes (EELV), à la tête de la Métropole depuis 2020, cette promotion dans l'organigramme politique de dix élus de droite et du centre pourrait faire tanguer l'alliance PS/EELV une fois de trop. Tant elle ressemble à un retour de cette cogestion que se sont jurés d'éradiquer les nouveaux alliés au profit d'une pratique classique du fait majoritaire, entraînant dès le premier jour la colère de l'opposition.

« Je suis assez satisfait que le bon sens puisse l'emporter. C'est le problème de la politique dans la gestion intercommunale. Si les conseillers métropolitains étaient élus au suffrage universel direct, je veux bien. Mais ce n'est pas le cas. Cette intercommunalité n'est pas et ne peut pas être un enjeu politique. Les forces en présence n'ont pas d'autre choix que de coopérer pour mener à bien la gestion de l'intercommunalité métropolitaine », martèle Patrick Bobet.

Un « syndic de copropriétaires »

Une analyse diamétralement opposée à celle de Pierre Hurmic, le maire écologiste de Bordeaux. Rodé par des années d'opposition municipale à Alain Juppé, il déteste par-dessus tout cette cogestion métropolitaine dans laquelle il n'a toujours vu qu'un « syndic de copropriétaires ». Pierre Hurmic a décidé en 2020 d'électrifier l'hémicycle de Bordeaux Métropole en y réintroduisant le débat politique. La liquidation de la cogestion étant un incontournable préalable. Position tranchée dont le maire écologiste de Bordeaux n'a jamais fait mystère avant son élection.

Le problème étant que son allié à la métropole, le socialiste Alain Anziani a défendu la cogestion tout au long de sa carrière politique locale. Dès 2001, il s'initie en profondeur aux arcanes de la politique communautaire quand il devient adjoint en charge de la politique de la ville au maire de Mérignac, Michel Sainte-Marie. Alain Anziani se retrouve alors aux premières loges de la cogestion puisque c'est Michel Sainte-Marie, qui a, avec son adversaire gaulliste Jacques Chaban-Delmas, maire de Bordeaux, coinventé en 1968 la cogestion de la communauté urbaine de Bordeaux...

Alain Anziani se retourne contre son mentor

Cet accord historique de la cogestion ne subira pas d'accrocs pendant un demi-siècle jusqu'à 2020 et l'élection de Pierre Hurmic. Devenu quant à lui maire de Mérignac en 2014, Alain Anziani accède à la présidence de la Métropole en 2020 grâce à un accord avec les écologistes dans lequel il ne va pas hésiter à sacrifier l'héritage de son mentor provoquant une puissante onde de choc, en mettant hors-jeu les élus de droite et du centre. Ce qui va faire grincer les dents de plus d'un conseiller socialiste.

La rupture symbolique est si mal vécue que le nouveau président PS de l'assemblée métropolitaine sera pris à parti par les élus de Métropole Commune(s) lors de son élection à la présidence et de la déclaration officielle de son alliance avec le maire EELV de Bordeaux devant l'hémicycle. Alors que la droite dénonce avec virulence une « triple erreur politique, humaine et stratégique », Alain Anziani se montre froidement déterminé tout en donnant l'impression de se justifier :

« On ne gouverne pas la Métropole sans Bordeaux », lance-t-il d'une voix ferme et tendue.

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Dans leurs attaques, ses détracteurs mettent une forte dose d'accusation, comme s'il fallait qu'Alain Anziani reconnaisse implicitement avoir attenté en public à la mémoire de son mentor Sainte-Marie (mort en 2019).

Une alliance métropolitaine trop fragile par gros temps ?

Cette séquence aux petits airs de crise sénatoriale façon Rome impériale, période de l'Antiquité dont Alain Anziani est un fin connaisseur, est l'un des éléments clés qui font que 2020 va s'imposer comme un millésime politique extraordinaire à Bordeaux, qui voit la droite chassée du palais Rohan où elle régnait sans partage depuis 1947 et l'arrivée de Jacques Chaban Delmas. Purgée depuis des lustres par les Gaullistes de son fascisme municipal du temps de l'Occupation, Bordeaux semble ainsi avoir opté il y a trois ans pour la rupture historique en se choisissant un maire écologiste.

Mais au quotidien cette alliance entre PS et EELV va poser des problèmes impossibles à cacher sous le tapis, des divergences de vues qui feront à chaque fois les délices de Métropole Commune(s). L'habileté d'Alain Anziani et Pierre Hurmic, qui sont tous les deux avocats, aura été de prévoir des domaines échappant aux effets de leur contrat d'alliance, des comptes hors bilan en quelque sorte, dont par exemple le très polémique projet de grand contournement autoroutier. Mais si une alliance aussi intelligente que celle-là peut fonctionner à merveille au sein du cocon bien huilé de la cogestion, le feu roulant du combat politique va saper ses fondations.

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Des contradictions portées à incandescence

Pris dans une alliance exclusive avec EELV, dont la stratégie politique souffre peu de compromis, Alain Anziani va être obligé de s'appuyer sur la droite et le centre pour voir prospérer ses propres objectifs politiques, que combattent les écologistes... Une contradiction au sein de l'alliance qui va progressivement être portée à incandescence, au fur et à mesure que le PS va montrer à quel point il a besoin des voix de Métropole Commune(s) : pour la défense de l'aéroport international de Bordeaux Mérignac, la promotion du projet Tarmaq, le soutien aux Girondins de Bordeaux ou encore le vote du financement par la Métropole du Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO). C'est d'ailleurs ce dernier point, fin 2021, qui pousse Alain Anziani à accepter de réintégrer les maires de l'opposition au bureau métropolitain en échange de leur soutien lors d'un vote sur la LGV.

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Faute de former un bloc politique suffisamment puissant, le PS, qui avait tout pour devenir le maître du jeu au centre de l'échiquier, a donc vite été contraint de négocier pour obtenir le soutien politique de Métropole Commune(s), qui, sur le papier, lui était tout acquis. Mais que, dans la réalité, le PS va devoir payer par des contreparties croissantes, jusqu'à l'arrivée de dix nouveaux conseillers métropolitains délégués issus de la droite et du centre... De son côté, en obligeant le PS à négocier avec la droite et le centre pour pouvoir gouverner la Métropole, les écologistes vont finir par remettre en branle la mécanique de la cogestion. Au risque de se retrouver enfermés dans un fonctionnement dont ils ne voulaient absolument pas.

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Sollicité par La Tribune, le maire écologiste de Bordeaux n'a pas souhaité faire de commentaire.

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