Convertir les vagues en électricité : Seaturns veut (enfin) commercialiser ses turbines d'ici 2025

C'est depuis Bordeaux que la toute petite entreprise Seaturns peaufine son prototype de cylindre capable de convertir l'énergie des vagues en électricité pour alimenter des sites industriels. Elle espère commercialiser son dispositif en 2025 après dix ans de recherches. En espérant que les investisseurs privés se montrent aussi moins frileux.
Maxime Giraudeau
Grâce à la force houlomotrice et à leurs turbines, les cylindres de Seaturns seront capables d'alimenter en électricité des sites de production industrielle.
Grâce à la force houlomotrice et à leurs turbines, les cylindres de Seaturns seront capables d'alimenter en électricité des sites de production industrielle. (Crédits : Seatruns)

"Mettre un prototype en mer juste pour le plaisir d'observer la technologie en action, ce serait gaspiller de l'argent." Seaturns ne veut pas aller vite. A l'image des propos de son président et fondateur Vincent Tournerie, on peut même penser que l'entreprise est en retard vis-à-vis des startups de l'économie bleue dans leur course à la transition énergétique. En réalité, elle pourrait arriver juste à temps puisque la réflexion technique qu'elle mène a été entreprise il y a sept ans déjà.

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C'est en 2015 que Seaturns est fondée à Bordeaux par Vincent Tournerie, la cinquantaine et formé à l'Enseirb Matmeca. Le but : développer un système de production électrique grâce à la force houlomotrice de la mer. Celle de la houle et de son roulis inépuisable. Après deux ans d'études et de questionnement, celui qui est aussi moniteur de plongée trouve la bonne formule, visuelle et technique : un flotteur cylindrique en acier d'une vingtaine de mètres de longueur pour six de diamètre. "Si on fixe le flotteur sur une ligne d'ancrage dans la mer, il va se mettre à osciller" explique Vincent Tournerie, schémas à l'appui. Le cylindre est à moitié rempli d'eau. C'est en oscillant qu'il va exercer une pression sur l'air contenu dans l'autre moitié et actionner une turbine placée sur l'extrémité supérieure. Et l'électricité fut.

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La modélisation proposée par Seaturns. (Crédits : Seaturns)

Moins coûteux que l'éolien

Petite prouesse technique qui mobilise plusieurs principes mécaniques élémentaires et dont une partie est aujourd'hui protégée par un brevet. Mais pour la voir à l'œuvre, il faudra encore patienter. Seaturns c'est deux salariés et un stagiaire à Bordeaux, autant de pièces de bureau et un banc d'essai très artisanal. Toute l'activité se concentre pour l'heure à maximiser et parfaire les capacités du dispositif technique. Une nécessité absolue puisque les fermes houlomotrices vont évoluer en milieu extrême :

"Le déploiement de notre technologie va représenter des investissements très lourds. Pour une ferme, qui pourra relier plusieurs centaines de cylindres par exemple, il faudra compter plusieurs millions d'euros. Nous devons donc être particulièrement attentifs au perfectionnement de la machine", déroule le président.

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Le calendrier est bien fixé pour la société bordelaise. D'ici fin 2023, elle ira mener des essais en pleine mer du côté de Brest avec un prototype de petite taille, puis de Saint-Nazaire avec un démonstrateur grandeur nature. Pour l'instant, le prototype le plus avancé est à l'échelle 1/10e. Les essais seront l'occasion de certifier les résultats pour se doter d'arguments en vue d'une phase de pré-commercialisation et gonfler les effectifs pour passer à sept salariés. Avant d'entrer sur le marché en 2025. Selon les analyses, les plus gros marchés se situent au large des côtes australiennes et d'Afrique du Sud, qui abritent les meilleurs potentiels houlomoteurs continus au monde.

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Vincent Tournerie et une maquette très artisanale à l'échelle 1/30e. (Crédits : MG)

Vincent Tournerie prend l'exemple d'une usine de désalinisation à Pearth, au sud-ouest de l'Australie. "Si nous installons une ferme au large, nous pourrions alimenter l'usine en électricité. Et nous aurions un coût du kilowattheure largement inférieur à l'éolien", revendique-t-il en pensant aussi aux unités de production d'hydrogène qui fleurissent dans les ports. Selon les estimations avancées, Seaturns serait capable de produire une électricité pour 30 à 80 euros du mégawattheure à long terme. En prenant en compte une durée de vie de 20 ans pour une ferme houlomotrice dont la puissance nominale de chaque unité s'élève à 200 kilowattheure. Selon une étude de l'Ademe, le coût de production de l'électricité éolienne terrestre est compris dans une fourchette de 50 à 71 euros du mégawattheure.

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600.000 euros à réunir d'ici la fin d'année

Un tarif d'autant plus avantageux qu'un cylindre houlomoteur atteint un poids de 30 tonnes, quand une éolienne de 80 mètres de haut, le modèle le plus répandu en France pèse huit fois plus. Seaturns ne compte d'ailleurs pas produire elle-même les cylindres, mais seulement les capsules de conversion d'énergie qui renferment la technologie et qui seront ajoutées sur la partie supérieure des cylindres. De quoi réduire les contrariétés liées à l'industrialisation.

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L'équipe planche actuellement sur la réduction des coûts de maintenance, qui constituent encore un risque financier particulier pour leur dispositif. Afin de financer les recherches, elle espère rassembler 600.000 euros d'ici la fin de l'année, notamment grâce à son intégration dans un financement participatif. Constitué notamment par les Pôles mer Bretagne Atlantique et Méditerranée, il sollicite des fonds pour les projets de plusieurs entreprises innovantes dans le domaine maritime. En parallèle, Seaturns peut compter sur l'appui de la Région Nouvelle-Aquitaine, Bpifrance et Unitec. Il est en revanche beaucoup plus difficile de recevoir l'appui financier d'acteurs privés, le projet n'offrant pas encore des perspectives certaines de rentabilité. Seul le fonds Airbus Développement s'est pour l'heure positionné pour soutenir le projet via un prêt conditionné au nombre d'embauches.

Maxime Giraudeau

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