Alors que le Président de la République défend « la bagnole » qu'il aime tant et tente de préparer le renouveau de l'industrie française, la CGT y va aussi de sa mobilisation pour impulser une filière tricolore du véhicule électrique. Présente ce vendredi 20 octobre à Bordeaux, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet est allée à la rencontre des salariés de l'usine MMT-B (ex-Magna) et a été reçue par le maire écologiste Pierre Hurmic. Alors que Renault prévoit la délocalisation de la fabrication du modèle Zoé au profit d'un centre de recyclage automobile, c'est l'occasion pour le syndicat de défendre le retour du véhicule électrique en France. Et aussi de concilier social et transition écologique.
Dans la tête de la syndicaliste et des salariés de MMT-B, il y a la startup Gazelle Tech, qui porte depuis des années un prototype de véhicule léger et éco-conçu. « Gazelle Tech offre un démenti cinglant à ce que nous expliquent les grands constructeurs automobiles et le gouvernement nous disant qu'il ne peut pas y avoir de véhicule électrique à bas coût produit en France. Nous croyons en ce projet qui permet de lier le social et l'environnemental », raccorde Sophie Binet en y opposant le « non-sens environnemental du SUV électrique ».
540 salariés sans projet industriel
Le syndicat et la startup s'opposent tous deux au taylorisme, ce modèle de production de véhicules à la chaîne qui a largement écrit l'histoire de l'industrie automobile. Gazelle Tech veut s'orienter vers des micro-usines de deux personnes, déployées sur le territoire, pour assembler les composants du véhicule. Ce n'est pour l'instant qu'un mirage puisque la startup est au bord du gouffre après des échecs répétés à trouver des financements pour l'homologation de son véhicule électrique de 900 kilos. En 2019, elle avait levé 1,1 million d'euros et se donnait alors deux ans pour lancer la production. Mais elle doit désormais trouver près de dix millions d'euros, sans quoi elle mettra la clé sous la porte. La faute à un projet que certains jugent trop ambitieux face à la puissance des constructeurs automobiles, et d'autres pas assez soutenu par la force publique. Quoi qu'il en soit, son fondateur Gaël Lavaud n'est plus très loin d'abandonner.
Le temps commence aussi à être pressant pour les salariés de l'usine MMT-B à Blanquefort. Le site qui fabrique des boîtes de vitesse pour Ford a été repris au printemps par le fonds allemand Mutares, mais sans l'annonce d'un projet industriel d'envergure qui sécuriserait son avenir. Les commandes pour les moteurs hybrides de Ford doivent s'arrêter au plus tard en 2025. Le personnel, qui se montre volontariste depuis plusieurs mois, croit en la transition vers l'électrique.
S'appuyer sur le tissu régional
« C'est un projet qu'on essaye d'amener auprès de la direction afin de diversifier l'activité du site. Il y a urgence car on va se retrouver peut-être dès l'année prochaine avec une rentabilité négative », alerte Lionel Gaillard, élu CGT de MMT-B, tout en reconnaissant la nécessité d'évaluer en profondeur la viabilité de la stratégie de Gazelle Tech. Le fonds d'investissement Mutares, propriétaire de MMT-B, a jusqu'ici assuré vouloir conserver le savoir-faire automobile du site. Le deux seuls projets annoncés concernent pourtant la fabrication de bornes de recharge électriques qui doit débuter en novembre et de robots tondeurs.
Au-delà, la secrétaire générale de la CGT veut mobiliser tout un tissu industriel régional. « L'intérêt de la région bordelaise c'est qu'elle concentre en circuit-court toutes les technologies dont on a besoin pour produire la Gazelle à échelle industrielle : MMT-B, l'industrie aéronautique spécialiste des matériaux composites, l'industrie spatiale pour répondre aux caractéristiques de véhicule connecté et l'usine Saft qui pourrait produire les batteries », liste Sophie Binet. Auxquels on peut ajouter les projets de véhicules légers des startups Midipile Mobility à Angoulême et Avatar à La Rochelle, mieux dotées en financements que la Gazelle.
La CGT sera reçue prochainement par le ministre de l'Industrie pour évoquer ses revendications et l'inciter à mettre au pot. « Le gouvernement doit mettre toute son énergie pour que ce projet voit le jour et le financer afin d'en garder la maîtrise sociale et environnementale », vise-t-elle encore, en appelant au soutien de Bpifrance. Un son de cloche qui fait écho aux nouvelles ambitions du gouvernement sur l'industrie verte et montre que si la nécessité de la transition écologique est devenue indiscutable, son application va faire l'objet de nouvelles luttes.
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