Dans le monde des entreprises en 2023, on parle beaucoup des difficultés de financement qui remettent en cause la croissance. Et puis il y a l'élite des sociétés cotées en bourse pour lesquelles les turbulences sont limitées. Doux euphémisme quand on sait qu'en réalité il n'y a jamais eu autant d'argent disponible chez les investisseurs. Le Groupe Berkem, acteur multifilières de la chimie du végétal basé à Blanquefort en Gironde, le constate depuis son entrée en bourse enclenchée en 2021.
Le groupe avait alors conclu une augmentation de capital de près de 46 millions d'euros, avant d'y ajouter une levée de fonds de 70 millions d'euros portée par la dette l'année suivante. De quoi faire le plein de confiance pour continuer à se diversifier sur les domaines d'application de l'extraction végétale, du traitement du bâtiment ou parasitaire à la cosmétique, en passant par les compléments alimentaires et l'industrie adhésive notamment. Berkem a ainsi dépassé les 300 salariés.
Sur son plus gros site de production, à Gardonne en Dordogne, le chimiste emploie 70 personnes sur un domaine industriel implanté sans permis de construire par une précédente société à partir des années 1960. Cheminant à travers les laboratoires puis le long des cuves sous haute pression, Olivier Fahy, le PDG, aime à raconter la normalisation et le développement accomplis depuis qu'il a repris la société en faillite en 1993. « Elle, je l'ai financée en hypothéquant mon appartement ! », pointe-t-il en direction de la première chaudière dans les normes accueillie sur le site.
Le site de Berkem à Gardonne, classé ICPE, s'étend sur 6 hectares. (crédits : MG / La Tribune)
Pas de recrues, pas de projet
Une époque qui paraît lointaine au vu des résultats actuels du groupe. En 2022, Berkem a réalisé 51,6 millions d'euros de chiffre d'affaires, en hausse de 12 %. Et déjà 28 millions au premier semestre 2023. L'industriel a conclu en début d'année le rachat de deux sociétés, l'une dans la neutraceutique et l'autre dans la production végétale bio. Un élan qui ne transparaît pas franchement sur le site périgourdin, dont les installations commencent à dater. Leur consommation énergétique et leur ergonomie ne semble plus compatible avec les velléités de développement. Ni avec les impératifs de transition. A Gardonne, Berkem génère 5 tonnes de vapeur par heure, produit à partir de gaz fossile.
Trois nouveaux ateliers ont déjà été livrés et un bâtiment prévu pour l'été 2024 permettra d'augmenter de 20 % les volumes d'extraits végétaux produits. Pour prendre encore de l'ampleur, notamment sur le marché cosmétique qui a fait progressé de 30 % au premier semestre, l'industriel a un plan encore plus ambitieux : doubler les capacités du site périgourdin d'ici quatre ans. L'investissement s'élève à 25 millions d'euros. Mais ce n'est pas de ce côté que ça coince...
« Faire cet investissement industriel est un grand pari car il nous faudra des effectifs supplémentaires pour faire tourner le site. Si on ne parvient pas à recruter, on n'engagera peut-être pas ce projet », pose Olivier Fahy, évoquant « un moment un peu particulier » alors que les ressources financières n'ont jamais été aussi importantes.
Le PDG du groupe Berkem, Olivier Fahy, pilote l'entreprise depuis 30 ans. (crédits : MG / La Tribune)
La transition énergétique du site en suspens
30 postes seraient créés en cas d'agrandissement, sur des tâches de suivi de production notamment qui ne nécessitent pas, selon l'industriel, de pré-requis dans le domaine de la chimie. Berkem est contraint de balayer large et de proposer des parcours de formation interne pour attirer des personnes de tous horizons. Le groupe cherche également à féminiser ses équipes, qui ne comptent que 10 % de travailleuses à date. Des difficultés de recrutement persistantes malgré un accès direct à la gare de la ville, la proximité avec Bergerac, à 15 kilomètres, le tout en pleine vallée de la Dordogne.
L'agrandissement hypothétique du site pourrait servir d'argument supplémentaire puisqu'il doit moderniser l'outil de production. Il augurerait même un tournant énergétique pour Berkem. Si les capacités doublent à Gardonne, le site produira 10.000 à 14.000 tonnes de déchets végétaux par an. Soit le volume estimé par son directeur pour alimenter un méthaniseur et produire une énergie décarbonée capable d'alimenter une partie des installations. « Le sujet est totalement ouvert » pour Olivier Fahy, à condition que son groupe en ait la propriété et l'usage exclusifs. Pas question donc d'envisager cette installation sans augmenter le volume de production. En attendant, les objectifs de réduction de l'empreinte carbone ne sont pas avancés.
Les milliers de tonnes de déchets végétaux produits par le site chaque année servent à l'alimentation animale ou à la méthanisation. (crédits : MG / La Tribune)
Les salariés croisés à Gardonne, qui bénéficient déjà de trois nouveaux ateliers de productions, encouragent la direction à moderniser encore le site. Tout en comprenant les difficultés de recrutement, ils témoignent de conditions de travail attrayantes et de perspectives de carrière. Du reste, les représentants du personnel n'ont pas souhaité répondre à nos questions.
Le groupe quant à lui se frotte au défi de l'attractivité face à des candidats potentiels, en migration géographique et parfois aussi professionnelle, qu'il doit convaincre de l'intérêt du projet industriel. De quoi rappeler que l'industrie de demain s'écrira selon les aspirations d'une main d'œuvre vitale qui doit faire l'objet de toutes les attentions.
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