Agriculture et biométhane : à Confolens, la boucle énergétique vertueuse fait ses preuves

TEMOIGNAGE. Neuf agriculteurs, regroupés au sein de la SAS Metha Confolentais, gèrent une unité de méthanisation qui injecte du biométhane dans le réseau de distribution de gaz de la commune de Confolens en Charente. Une manière pour la commune de gagner en autonomie et pour les agriculteurs de rentrer dans un schéma vertueux.
L'unité de méthanisation de neuf agriculteurs en Charente.
L'unité de méthanisation de neuf agriculteurs en Charente. (Crédits : Metha Confolentais)

Dans la commune de Confolens, 3.000 habitants en Charente, le gaz consommé est majoritairement local et vert. Une unité de méthanisation, en service depuis novembre 2020, raccordée au réseau de Confolens fournit 40 % des besoins de la ville en gaz en hiver et 100 % en été. L'initiative a été lancée par des agriculteurs, neuf aujourd'hui regroupés au sein de la SAS Metha Confolens. "C'est un projet 100 % agricole. Il n'y a aucun apporteur tiers en capitaux. Nous ne souhaitions pas faire rentrer d'investisseur financier car les objectifs de rentabilité ne sont pas les mêmes", insiste Evelyne Lohues éleveuse en bovins lait et présidente de Métha Confolentais. Et ce, malgré l'effort financier que ce projet a nécessité, en l'occurrence 5,3 millions d'euros, aidé à hauteur de 28 %.

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Après avoir envisagé un modèle de méthanisation par cogénération qui transforme le biogaz en électricité et en chaleur jugé non rentable à l'issue d'une étude menée en 2013, c'est finalement la méthanisation par injection qui a été retenue. Les agriculteurs du groupement valorisent leurs fumiers et lisiers à hauteur de 60 % et complètent avec des résidus de culture et des cultures intermédiaires à vocation énergétique. Cela représente 22.000 tonnes de déchets agricoles par an soit 60 tonnes par jour que le méthaniseur transforme en biogaz puis en biométhane à l'issue d'un processus d'épuration. Ce gaz renouvelable peut alors être injecté dans le réseau de distribution. Il est vendu à un tarif fixe pour une durée de 15 ans.

Moins d'odeur, moins de méthane

Si les agriculteurs se sont lancés dans ce projet, c'est pour plusieurs raisons, mais avant tout pour répondre aux difficultés rencontrées avec les effluents d'élevage dans leurs champs. "Nous souhaitions trouver une solution pour réduire les odeurs et dans le même temps utiliser le méthane qui atteignait la couche d'ozone. Depuis que l'unité de méthanisation est en service, un effluent d'élevage ne reste jamais plus de trois semaines sous les pieds des vaches, or en trois semaines, un fumier n'a pas le temps de dégager de méthane", assure Evelyne Lohues qui n'obtiendra de chiffres sur le bilan carbone qu'au bout de cinq ans. "Il est trop tôt pour avoir des résultats mais il y a des projections et nous savons que nous arriverons à une émission proche de zéro", déclare-t-elle.

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Moins de produits phytosanitaires

Grace à cette installation, les agriculteurs peuvent aussi désormais valoriser des produits qui ne l'étaient pas auparavant. Ainsi, lorsqu'en raison du mauvais temps, une récolte n'est plus bonne pour les animaux, elle est envoyée au méthaniseur, ce qui permet aux agriculteurs d'acheter des produits de bonne qualité pour leurs animaux. "Nous avons moins de soucis de santé avec nos bêtes. Nous estimons avoir fait baisser d'un tiers les frais vétérinaires", explique-t-elle.

Le digestat, résidu du processus de méthanisation, est quant à lui utilisé pour nourrir les terres à la place du fumier et du lisier et présente un avantage : "les graines perdent leur pouvoir germinatif à 98 %, nous n'avons donc plus de mauvaises herbes, et de fait nous réduisons notre utilisation en produits phytosanitaires. Nous rentrons dans un schéma vertueux", explique Evelyne Lohues. "L'enjeu était de contribuer à notre échelle à la lutte contre le changement climatique sans mettre en péril nos exploitations", reconnait-t-elle. Pari pour le moment réussi. Car à ce stade, si la trésorerie est toujours tendue dans l'attente notamment de la totalité des subventions, le processus fonctionne bien. "Nous répondons aux objectifs de production, établis à 120 nm3 par jour, et maîtrisons nos charges. Nous sommes sur un retour sur investissement de 8 ans", explique Evelyne Lohues.

Une embauche et un cadre de vie plus souple

"Cette unité de mathénisation, ce sont plein de petits plus mis bout à bout", insiste-t-elle encore. Y compris du point de vue du cadre de vie. Une personne embauchée par Metha Confolens gère actuellement le site de méthanisation, organise les tournées de ramassage, approvisionne le méthaniseur, suit l'épuration. Un deuxième salarié pourrait par ailleurs être embauché pour remplacer le premier en son absence et intervenir, en soutien, sur les exploitations des neufs agriculteurs. "Nous en profitons pour nous réorganiser. Il y a des jeunes parmi les agriculteurs qui aspirent à passer plus de temps avec leurs familles", reconnait Evelyne Lohues.  "C'est un complément de revenu. Nous l'attribuons ensuite comme nous voulons", conclut-elle.

Tout producteur de biométhane est lié au gestionnaire du réseau par un contrat de raccordement et un contrat d'injection. Il est également lié à un fournisseur par un contrat d'achat.

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La Nouvelle-Aquitaine compte 109 installations de valorisation du biogaz

Selon l'agence régionale d'évaluation environnement et climat (Arec), la Nouvelle-Aquitaine comptait 109 installations de valorisation du biogaz (hors installation de stockage de déchets non dangereux) en janvier 2022. Dans le détail, 71 sont situées sur des sites agricoles, 19 sur des sites industriels, 10 sur des unités territoriales, huit au niveau de stations d'épuration des eaux usées et une unité de traitement des ordures ménagères. Ces méthaniseurs valorisent le biogaz par cogénération, injection ou en chaudière. Une trentaine de projets sont, par ailleurs, à un stade avancé (investissement et construction) dont 90 % d'origine agricole et 10 % en injection. "Tous les ans depuis 2018, le volume de biométhane injecté dans les réseaux double", témoigne Lenaïg Lickel, chargée d'études énergie, biomasse et gaz à effet de serre à l'Arec qui précise qu'en tenant compte des projets dits en fil d'attente, la Nouvelle-Aquitaine atteindrait, en 2024, 43% de l'objectif fixé en 2030, à savoir 30 % de gaz vert. "La tendance est bonne même s'il reste du chemin à parcourir", conclut Lenaïg Lickel.

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