L'atterrissage de Flying Whales en Gironde au prix de la biodiversité

VIDÉO. À la demande de l'entreprise Flying Whales, l'Autorité Environnementale a rendu un avis sur l'implantation d'une usine de dirigeables à Laruscade, dans le nord de la Gironde. Verdict : l'étude d'impact du constructeur « présente des faiblesses importantes » pour un projet dont l'utilité publique ne justifie pas à ce stade la destruction d'un « réservoir de biodiversité ». L'entreprise se dit prête à compléter son dossier sans pour autant changer de lieu.
Maxime Giraudeau
Les plans de Flying Whales tablent sur une ligne d'assemblage impressionnante dotée de bâtiments de 65 mètres de haut pour 200 mètres de long.
Les plans de Flying Whales tablent sur une ligne d'assemblage impressionnante dotée de bâtiments de 65 mètres de haut pour 200 mètres de long. (Crédits : Flying Whales)

Gare aux turbulences, l'atterrissage sera chaotique. Ceci n'est pas l'annonce d'un vol de passagers en perdition mais le choc qui attend un site naturel remarquable au nord de la Gironde si une usine d'aéronefs vient à s'y implanter. Dans son avis du 19 octobre, l'Autorité Environnementale (Ae) se penche sur le projet de Flying Whales à Laruscade, qui vise un site de 75 hectares en zone humide et forestière pour fabriquer les plus grands dirigeables du monde. L'institution, qui n'évalue que les enjeux environnementaux sans mesurer l'intérêt public, économique et sociétal du dossier, pose ainsi les termes.

« En raison de la richesse écologique du site, des fortes incidences du projet sur la biodiversité, les zones humides et l'eau, et de l'ampleur des mesures de compensation nécessaires, l'Ae recommande de reprendre la démarche d'évitement pour notamment préserver ce réservoir de biodiversité. »

Autorité Environnementale, avis du 19 octobre 2023

Le projet, qui vise à construire des dirigeables géants de 200 mètres d'envergure pour décarboner le transport de marchandises forestières ou industrielles, ne justifie pas la destruction d'un milieu protégé selon l'Autorité. « [L'étude d'impact] présente également des faiblesses importantes. Si la majorité des thématiques environnementales attendues sont traitées, certaines d'entre elles le sont incomplètement comme par exemple les émissions de gaz à effet de serre », indique-t-elle.

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Le constructeur prévoit pourtant des mesures de compensation sur une surface trois fois supérieure à celle du site impacté qui pourrait accueillir à terme 300 salariés. Mais là encore, les engagements paraissent trop légers pour l'Ae. « La sous-évaluation des zones humides impactées laisse craindre que la compensation prévue ne soit pas à la hauteur de la perte de biodiversité engendrée par le projet », lit-on.

Un nouveau dossier en fin d'année

Et pourtant, les équipes de Flying Whales restent gonflées à bloc. « On n'est pas surpris par cet avis », assure à La Tribune Romain Schalck, responsable communication de l'aspirant constructeur qui a lui-même sollicité l'autorité pour connaître les lacunes de son dossier. Le voilà servi. Mais malgré les recommandations, l'entreprise, soutenue par le programme national Next 40 qui accompagne 40 entreprises françaises parmi les plus innovantes, ne changera pas de site.

Un site à fort enjeu écologique

Comme le mentionne l'Ae, le site de Laruscade concentre 206 espèces animales, dont 76 espèces d'oiseaux et quatre zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique. L'autorité rappelle que le massif forestier impacté fait partie de la trame verte du Schéma régional d'aménagement et de développement durable de la région Nouvelle-Aquitain en tant que réservoir biologique à préserver.

Après avoir déposé les demandes d'autorisation environnementale et de permis de construire à la fin du printemps, de nombreuses questions ont émergé au sein de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) chargée d'instruire le dossier. De quoi allonger le délai de traitement. Flying Whales a donc fait appel à l'Ae pour avoir un retour plus rapide et détaillé. « C'est pour ensuite construire notre dossier le mieux possible. On va le soumettre à nouveau à la DDTM d'ici la fin de l'année », indique Romain Schalck.

Tel l'aveu pour le porteur de projet, copieusement accompagné par la Région Nouvelle-Aquitaine et la Caisse des dépôts, que l'enjeu environnemental n'avait pas été suffisamment considéré. Car malgré les plus de 180 hectares de compensation prévus et l'artificialisation limitée à 16 hectares, la préservation de l'environnement n'est pas l'enjeu dominant dans la réalisation du projet. C'est bien l'obtention de la déclaration d'utilité publique (DUP), espérée en raison du potentiel de Flying Whales à décarboner une partie de la logistique aérienne, qui est d'abord ambitionnée par les porteurs.

Le seul site envisageable ?

« On part du principe que la solution que l'on conçoit à un intérêt public. Mais il faut qu'on revienne en détail sur l'ensemble des critères qui nous ont permis d'arriver à cette conclusion », pose le responsable. Depuis 2017, la Région Nouvelle-Aquitaine soutient le projet, qui a nécessité la participation technique d'une trentaine d'entreprises. Depuis, l'ONF et Bpifrance sont notamment entrés au capital à travers une levée de fonds de 122 millions d'euros. Flying Whales veut implanter deux autres usines dans le monde, au Québec et potentiellement en Australie.

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Pourtant, la DUP ne permettra pas automatiquement d'obtenir une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, un sésame capital à obtenir pour lancer l'aménagement. Flying Whales souhaite poursuivre l'étude sur le site de Laruscade, seul retenu parmi treize propositions en Nouvelle-Aquitaine, en raison de ses avantages de localisation par rapport aux dessertes et de la latitude de son espace aérien pour les vols. L'arbitrage à rendre est forcément délicat quand une solution au problème des transports polluants, secteur responsable de 32 % des émission de gaz à effet de serre en 2022 en France, passe par l'atteinte à un écosystème. Une dichotomie entre global et local qui sera au cœur de l'enquête publique à mener en 2024 une fois le nouveau dossier déposé.

Maxime Giraudeau

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Commentaires 2
à écrit le 31/10/2023 à 10:15
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"L'entreprise se dit prête à compléter son dossier sans pour autant changer de lieu." Ah parce qu'ils n'avaient même pas envoyé un projet complet !, Non mais c'est encore pire que que ce que je dis ce qu'il se passe au sein de nos dirigeants ! ^^ Hé ...

à écrit le 31/10/2023 à 10:14
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"et, surtout, leur volonté de voir les entreprises agir de manière plus engagée" Ah parce qu'ils n'avaient même pas envoyé un projet complet !, Non mais c'est encore pire que que ce que je dis ce qu'il se passe au sein de nos dirigeants ! ^^ Hé les g...

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