Comment Flying Whales veut aspirer les talents de l'aéronautique mais pas que... (3/3)

Flying Whales doit recruter quelque 300 salariés d'ici 2032 pour son site d'assemblage de dirigeables à Laruscade, sur un secteur du nord Gironde peu développé économiquement. L'entreprise ne s'en cache pas : elle veut chasser chez les grands noms de l'aéronautique et des autres filières industrielles du territoire.
Maxime Giraudeau
Des représentants de Flying Whales, accompagnés d'élus, ont présenté leur projet à Laruscade le 28 février 2023.
Des représentants de Flying Whales, accompagnés d'élus, ont présenté leur projet à Laruscade le 28 février 2023. (Crédits : MG)

Dans l'aéronautique, il y a d'un côté les groupes d'envergure mondiale. De l'autre, les startups qui portent des innovations industrielles. Si l'entreprise Flying Whales, qui veut construire les plus grands dirigeables au monde pour le transport de marchandises, appartient pour l'instant à la seconde catégorie, elle se voit bien changer la donne de ce rapport de force.

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Après avoir levé 122 millions d'euros en 2022, la société participe à la concertation publique territoriale au nord de la Gironde du 15 février au 15 mars. L'objet : l'implantation de sa méga-usine à dirigeables prévue pour 2025 sur une aire forestière et naturelle de 75 hectares située à Laruscade. 300 emplois directs sont promis d'ici 2032. De ces entrepôts XXL de 70 mètres de hauteur - équivalents aux pylônes du pont Chaban-Delmas à Bordeaux - sortiront des géants bombés de 200 mètres de long. Capables d'emporter 60 tonnes de marchandises, ils sont censés décarboner le transport de marchandises en milieu difficile d'accès.

Flying Whales

Le dirigeable sera capable d'effectuer du fret dans le domaine de la construction notamment. (Crédits : Flying Whales)

Quatre grands types de postes ont été définis par les responsables du développement de Flying Whales, avec tout d'abord un important besoin en opérateurs d'ateliers, c'est-à-dire sur des compétences de production de pièces en série. Une centaine de personnes seront recherchées sur ces postes qualifiés. Une soixantaine aussi sur la recherche et l'acheminement des supports de production du dirigeable, parmi lesquels des textiles pour son enveloppe, l'hélium pour son déplacement dans les airs ou encore des matériaux composites pour son squelette. 30 ingénieurs d'essais et pilotes seront également recrutés et formés pour les phases de test grandeur nature.

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Des carrières de base en base

Des emplois qualifiés, pour certains spécialisés, qui vont nécessiter le déploiement d'une vaste campagne de recrutement puis de formation à ces nouveaux métiers. « À travers cette concertation, notre deuxième objectif, derrière la pédagogie, c'est de réunir le bassin d'emploi. Car il y a des compétences qu'on n'arrivera pas à trouver du jour au lendemain », reconnaît Romain Schalck, responsable communication de Flying Whales.

L'entreprise compte sur les six rendez-vous organisés durant le mois de concertation pour rencontrer des candidats potentiels. Et elle a visé juste puisque lors de la réunion publique tenue le 28 février à Laruscade, de nombreuses questions du public ont porté sur les conditions de recrutement et la nature des emplois proposés. Après les échanges, un salarié d'ArianeGroup, implantée sur la métropole bordelaise, a discrètement interrogé le responsable industrialisation de Flying Whales, Simon Debeugny, sur les perspectives d'emploi.

La société créée en 2012 s'appuie sur la fascination véhiculée autour de son bulbe volant, mais cherche aussi à avancer de réels arguments comme la dimension innovation des métiers proposés mais aussi les perspectives d'évolution. « Un salarié qui travaillera à l'assemblage sur le site de Laruscade pourra ensuite évoluer sur un poste d'opérateur sur une de nos bases en Europe ou dans le monde », fait valoir Simon Debeugny, lui-même passé par Airbus et ArianeGroup. La promesse de rejoindre une aventure technologique et industrielle sur un territoire proche mais sans proximité immédiate avec le pôle aéronautique de Bordeaux Métropole.

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Le salarié d'ArianeGroup présent à Laruscade assure en tout cas qu'il fera passer le message à ses collègues. Même le géant européen de l'aérospatial est réceptif à l'innovation portée par l'entreprise de dirigeables puisqu'il a annoncé un partenariat au mois de janvier dans lequel les « baleines volantes » pourraient transporter des morceaux du futur lanceur Ariane 6.

36 emplois pour 100 habitants

Et pourquoi pas alors aller prospecter chez Airbus ou Thales, avec qui Flying Whales travaille déjà sur les commandes de vol ? Oui mais pas seulement puisque l'entreprise ne mise pas tout sur l'aéronautique et le spatial qui représente pourtant déjà un vivier de plus de 26.000 emplois rien qu'en Gironde : « Nous avons des enjeux communs avec le secteur, mais on peut aller chercher dans des domaines assez variés : la construction nautique, le bâtiment, la logistique aussi », complète Simon Debeugny.

Du reste, une centaine d'emplois, moins qualifiés, seront créés pour assurer le fonctionnement et la gestion du site industriel de Laruscade. Une aubaine pour la communauté de communes Latitude Nord-Gironde qui affiche un cruel déficit de seulement 36 emplois pour 100 habitants, soit le plus faible taux des départements de Gironde et Charente-Maritime. Le taux de chômage dépasse les 10 %. Quant aux actifs, les trois quarts résidant sur le territoire n'y travaillent pas.

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Pour les élus locaux, le projet constitue une opportunité de taille pour rééquilibrer la balance. Le président de l'intercommunalité Eric Happert (PS) affirme que le territoire n'a jamais connu un projet « ni de cette envergure ni de cette précision technique. » Pour l'édile, « c'est la preuve aussi pour les entreprises qu'on peut s'installer au nord de Bordeaux. Ça pourra en inspirer d'autres pour développer un pôle aéronautique » espère-t-il, alors que le nord du département vient notamment d'accueillir les nouvelles usines de Symbiose et de Madic.

Actuellement bien arrimé à l'Ouest, le centre névralgique de l'aéronautique pourrait-il déborder vers le nord de la métropole bordelaise ? Plusieurs centres de formation se montrent en tout cas intéressés par cette arrivée de Flying Whales. L'Ecole nationale de l'aviation civile (Enac) qui possède une antenne à Bordeaux, l'Aérocampus de Latresne (33) et l'aéro-club de Montendre (17) se sont manifestés pour ouvrir des formations de pilotage des dirigeables. Un écosystème local indispensable pour valider l'ancrage et la pérennité du projet industriel de Flying Whales.

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Cet article est le premier volet d'une série de trois épisodes sur le projet d'usine de dirigeables de Flying Whales, à Laruscade, au nord de la Gironde, publiés du 6 au 8 mars 2023 dans La Tribune :

Maxime Giraudeau

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