Materrup vise Bordeaux Métropole pour sa seconde usine de béton bas carbone (4/5)

Après avoir ouvert sa première cimenterie dans les Landes en janvier, la startup spécialiste du ciment à base d’argile locale à empreinte carbone réduite, étudie plusieurs localisations dont la friche industrielle de Ford, à Blanquefort.
Les frères Neuville au pied de la cimenterie de Materrup, dans les Landes.
Les frères Neuville au pied de la cimenterie de Materrup, dans les Landes. (Crédits : Materrup)

Chez Materrup, le temps semble passer deux fois plus vite. C'est peut-être parce qu'ils savent se dédoubler, les frères jumeaux Neuville : Charles, ancien banquier devenu directeur financier, et Mathieu, ex-ingénieur chez Lafarge et Total, désormais PDG de la startup qu'ils ont créée, avec Manuel Mercé, en 2018. "Nous avons réussi notre pari de construire notre première usine pilote en l'espace d'un an", appuie Charles Neuville, encore un peu étonné lui-même de cette performance depuis la levée de fonds bouclée fin 2020.

Premier site, premier fournisseur, premier client

La capacité de production de ce premier site est de 50 kilotonnes de ciment, selon la formule brevetée de la jeune pousse : à base d'argile et non de calcaire, son ciment génère entre -50 % et -80 % de moins de CO2 qu'un ciment classique, mais la performance et l'usage sont identiques. Cette première usine, soit un investissement de sept millions d'euros, a été réalisée à Saint-Geours-de-Maremne (Landes), au bord de l'A63 sur la zone d'activité d'Atlantisud, où la startup a, au fil des mois, trop grandi pour pouvoir tenir encore dans la pépinière, puis l'hôtel d'entreprises de Domolandes.

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Dans les Landes, Materrup, qui compte aujourd'hui 14 salariés, a également déjà réussi à trouver un premier fournisseur d'argile implanté à quelques dizaines de kilomètres. De même, Materrup a trouvé un premier client de poids, la Satel 40 (Société d'aménagement des territoires et d'équipement des Landes), qui a commandé des blocs béton, dits des "Materrblocs", pour les parkings d'Atlantisud. Un exemple qui devrait inspirer d'autres collectivités et même des particuliers qui peuvent - autre nouveauté dans le secteur- désormais directement passer commande de dalles de parking, de parpaings ou encore de bancs publics sur le site e-commerce de Materrup.

Dalles de parking de Materrup

Les "Materrblocs" posés sur les parkings d'Atlantisud début 2022. (crédits : Materrup).

Filière locale de ciment

"Nous souhaitons accélérer notre stratégie de déploiement pour respecter notre crédo d'une boucle courte", explique Charles Neuville. "Bordeaux et la métropole, avec qui nous sommes en contact, sont intéressés par notre ciment durable, provenant d'une ressource locale et naturelle et réalisé sans cuisson, car il permet à la fois de respecter le label "Bâtiment frugal bordelais" de la ville et le code architectural - la couleur ocre du calcaire - des bâtiments existants", détaille-t-il.

Or, pour offrir aussi une solution économique et mettre toutes les chances de son côté pour remporter des appels d'offres à venir, Materrup exprime à La Tribune son envie de créer son second site de production en région bordelaise. "Cette seconde usine devrait être trois fois plus grande que la première et permettrait de créer des emplois industriels, une vingtaine à minima", souligne le dirigeant.

Plusieurs localisations sont d'ores et déjà à l'étude, dont Blanquefort, où le projet de Hydrogène de France patine un peu. Gagnant en avril 2021 de l'appel à manifestation d'intérêt de la Métropole pour le terrain laissé vacant par Ford, Hydrogène de France souhaite créer une usine sur 12,7 hectares pour 20 millions d'euros. Mais l'industriel attend encore un complément de financement du Ministère de l'Economie et des Finances, qui doit valider sa demande de financement IPCEI (Projet important d'intérêt européen commun). Materrup, qui avait levé trois millions en octobre 2020 auprès d'un groupe d'investisseurs régionaux, dont la région Nouvelle-Aquitaine et Bpifrance, aimerait aussi pouvoir bénéficier de financements publics. D'autant plus qu'elle pourrait enlever une épine du pied de la Métropole : "D'ici 2025, celle-ci doit trouver des solutions pour traiter les sédiments de la Garonne. Or, ces sédiments peuvent par exemple entrer dans notre ciment, sans en changer les propriétés", appuie Charles Neuville.

Un marché porteur

Si ce n'est pas en région bordelaise, la jeune pousse landaise ne doute pas de trouver rapidement d'autres lieux pour poser les fondations de sa seconde usine, idéalement construite cette fois avec ses propres parpaings. Il faut dire que l'environnement lui est favorable à de multiples égards : la réglementation environnementale 2020 (RE 2020), entrée en vigueur en janvier 2022, oblige le secteur du bâtiment à trouver des solutions de décarbonation.

De plus, avec l'augmentation à la fois des prix du carbone et de l'énergie, le ciment de Materrup, tout comme celui d'une autre jeune pousse française Hoffmann Green Cement (de 2014) - qui construit actuellement sa seconde usine en Vendée et prévoit une troisième en région parisienne d'ici 2026 - ne nécessitant pas de cuisson à très haute température devient économiquement plus intéressant. "Huit métropoles européennes sur dix ont des ressources d'argile à proximité", souligne Charles Neuville, qui espère bien que celle de Bordeaux sera la première à lancer une véritable filière locale de ciment.

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