LA TRIBUNE - Quels ont été les impacts de la pandémie de Covid sur les comportements de vos clients entreprises (lire encadré) ?
Thomas LABEYRIE - Cela a entraîné un changement très important, presque violent parfois ! Il y a eu plusieurs étapes. Une fois passée la phase de sidération et de blocage du confinement, il y a eu une phase accélérée d'équipement en outils digitaux assez basiques pour recommencer à fonctionner à distance en interne ou avec les clients. Aujourd'hui, alors que ces nouveaux usages sont entrés dans les habitudes et que l'horizon se dégage, on est entré dans une phase de structuration : les entreprises se sont beaucoup équipées, parfois suréquipées, et viennent désormais nous voir pour qu'on les aide à faire le tri, à rationaliser et à améliorer l'efficacité de tous ces nouveaux outils.
La frénésie d'achats laisse place à un besoin d'accompagnement pour aller vers des process viables sur le long terme, ce qui suppose un tri assez important dans les solutions et une formation des équipes. Par exemple, le CRM [logiciel de gestion de la relation client] est trop souvent un outil sous-estimé dans les entreprises alors qu'il présente au moins quatre avantages : le stockage des données, la collaboration entre les équipes, le suivi des clients et des prospects et la conformité au RGPD, notamment en termes de traçabilité.
En matière d'e-commerce, la nature des demandes de vos clients a-t-elle évolué ces derniers mois ?
Oui, aujourd'hui, on a de plus en plus d'entreprises qui veulent entrer proprement dans une stratégie e-commerce. On n'est plus dans un investissement connexe pour se doter d'un petit site web sympa. Les entreprises comprennent davantage l'importance du e-commerce pour leur business mais aussi la complexité du marché digital avec énormément de concurrence avec notamment les très grosses places de marché généralistes ou spécialisées, comme Cdiscount, Amazon, ManoMano, etc, qui dominent le marché. En clair, il ne s'agit plus d'avoir un site e-commerce mais bien d'avoir un site e-commerce qui fonctionne et qui performe parce qu'il est adossé à une stratégie cohérente d'actions et de promotions marketing. On répète à nos clients que la moitié du budget doit être dépensé sur la conception du site et la moitié sur des actions marketing et de visibilité. La visibilité c'est le référencement naturel, la publicité, le contenu, les réseaux sociaux et l'e-mailing. Et chacune de ces cinq briques relève d'une expertise propre.
Vous évoquez les marketplaces (Cdiscount, Amazon, ManoMano, etc.), sont-elles devenues incontournables aujourd'hui ?
Oui, parce qu'elles détiennent objectivement une grosse partie du marché et beaucoup de clefs du e-commerce. Mais il y a plusieurs approches possibles. Soit vous mettez toutes vos ventes sur ces places de marché mais c'est un réel risque parce que, dans ce cas, ce sont ces places de marché qui détiennent en réalité le client, pas vous. Soit vous ne mettez rien du tout sur ces marketplaces mais vous prenez un autre risque, celui d'être invisible. Chez Digital Passengers, on préconise une approche intermédiaire et équilibrée entre des ceux voies, notamment en phase de lancement. Il faut élaborer une stratégie propre à chaque produit et à chaque marché. Par exemple, dans le vin, un château lambda aura énormément de mal à faire apparaître son site e-commerce sur Google avant Cdiscount, Vivino ou Millésima. Il faut le comprendre, le prendre en compte et agir autrement pour ne pas gaspiller son budget. Sur le web, on est dans une vraie jungle et il faut se faire conseiller. Se lancer seul sur internet, c'est devenu extrêmement compliqué, il faut tout réapprendre.
Ce discours infuse-t-il vraiment auprès des entreprises ?
Oui et non ! Je pense que les budgets nécessaires pour déployer un site et une vraie stratégie e-commerce sont encore largement sous-estimés. Le montant dépend bien sûr de votre marché. Si vous voulez vendre des baskets face à Nike et Adidas ça va vous coûter très cher ! Mais si vous êtes sur un marché de niche avec un produit assez exclusif il faut quand même compter au moins 20.000 euros pour un site e-commerce et 30.000 euros avec une campagne marketing. N'oublions pas qu'aujourd'hui neuf sites e-commerce sur dix ne génèrent pas suffisamment de revenus pour être rentables par eux-mêmes la première année ! Un site n'est en général rentable qu'au bout de deux ans en moyenne. Être accompagné permet donc d'accélérer l'activité du site et son retour sur investissement et donc de gagner de l'argent même s'il faut d'abord investir davantage. Et encore, en 2020, selon le bilan de la Fevad, seulement 7,1 % des 200.000 sites marchands français actifs dépassaient un million d'euros de chiffre d'affaires par an. Et ces 1,1 % totalisaient 91 % du chiffre d'affaires total du secteur !
Mais, parallèlement, le Covid a incontestablement démontré l'importance d'avoir une présence en ligne quelle que soit la typologie de présence : site e-commerce, page vitrine, click & collect. Plus largement, le marché a donc considérablement évolué mais ce n'est pas le fait des entreprises c'est d'abord dû au comportement du client final qui a changé ses habitudes de consommation. C'est ça qui tire réellement le marché et donc les investissements et stratégies des entreprises !
Vous avez plusieurs clients au profil industriel. Où en sont ces entreprises en matière de présence numérique et de stratégie e-commerce ?
J'ai le sentiment que les entreprises industrielles ont aujourd'hui réellement compris l'importance du digital pour plusieurs raisons. La première c'est l'importance d'avoir une présence sur le web pour présenter leurs produits et la qualité de leurs savoir-faire. Les confinements ont représenté une prise de conscience énorme puisque ces entreprises ont été privées des traditionnels salons et de leurs commerciaux en mobilité et ont donc dû se rabattre sur le seul canal qui fonctionnait encore : leur site internet ! Cela a été un changement radical et phénoménal et ces entreprises ont énormément appris en 18 mois. L'autre raison majeure c'est qu'il y a un mouvement de fond vers plus de marketing digital pour toutes ces entreprises et ça permet concrètement de générer des ventes en BtoB et à distance, et notamment à l'export, grâce à des outils digitaux cohérents et bien calibrés.
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