À Bordeaux Métropole, « le réseau de tramway est déjà exploité au maximum de ses capacités »

Bordeaux métropole doit voter ce jeudi 7 juillet la nouvelle délégation des transports publics jusqu'en 2030 à l'entreprise Keolis pour un montant record de 2,2 milliards d'euros. Alors que le réseau existant est déjà surchargé, les objectifs du futur délégataire apparaissent inatteignables aux yeux de certains.
Maxime Giraudeau
Le réseau tramway va accueillir deux nouvelles lignes (ici en violet et en jaune) sur ses rails déjà existant d'ici 2025 selon la proposition du gestionnaire des transports métropolitains Keolis.
Le réseau tramway va accueillir deux nouvelles lignes (ici en violet et en jaune) sur ses rails déjà existant d'ici 2025 selon la proposition du gestionnaire des transports métropolitains Keolis. (Crédits : Rafaël Charpentier @TrstDesigner)

C'est un montant record pour l'agglomération bordelaise ! Jusqu'en 2030, le prochain gestionnaire du réseau des transports publics métropolitains va toucher 2,2 milliards d'euros dans le cadre d'une délégation de service public (DSP). Une somme vertigineuse qui s'explique par les nombreux défis qui attendent les mobilités : saturation du réseau, maintenance, transition environnementale, nouveau mix des transports... Alors que deux candidats étaient dans la course, le président de la métropole Alain Anziani a annoncé le 9 juin que c'est le dossier porté par Keolis qui sera soumis au vote du conseil métropolitain ce jeudi.

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L'entreprise, qui pilote déjà les transports publics bordelais depuis 2009, a été choisie au détriment de son concurrent Transdev. "Les deux candidats ont été très motivés", a souligné Alain Anziani. Logique au vu de l'enjeu financier. Mais la faveur à Keolis s'explique notamment par des propositions très ambitieuses. Avec deux nouvelles lignes de tramway déployées sur le réseau existant, le délégataire veut conforter le statut de ce mode de transport comme l'épine dorsale des mobilités bordelaises. Il sera désormais possible de se rendre de Bègles jusqu'à l'aéroport, en passant par la gare Saint-Jean, sans changer de tramway. Idem pour relier Floirac et Blanquefort. Tout ça grâce à un aiguillage à Porte de Bourgogne, au pied du pont de Pierre.

Visualisation du réseau du tramway de Bordeaux en 2025

Cliquez sur l'image pour l'agrandir. Visualisation du futur réseau de tramway de Bordeaux Métropole en 2025 selon les annonces de Keolis (crédits : Rafaël Charpentier @TrstDesigner).

"C'est une vieille lune cette idée de mailler le réseau"

Keolis promet aussi une fréquence accélérée des rames avec un tramway toutes les 2 minutes 30 alors qu'elle est comprise entre 3 et 5 minutes aujourd'hui. Au-delà d'une connexion avec le nouveau RER Métropolitain et de l'arrivée de vélos connectés, le dossier de Keolis n'a pas encore été présenté en détail et l'entreprise n'a pas souhaité répondre à La Tribune sur les moyens mobilisés pour atteindre ses ambitions tant que les élus ne se sont pas prononcés. Mais déjà, on comprend aisément pourquoi la candidature a séduit le président de la métropole : pas de travaux structurants à prévoir, des flux intégrés au RER, "le métro bordelais" comme aime à le rappeler Alain Anziani, et une reconduction de Keolis qui s'inscrit finalement comme une continuité pour tendre vers une métropole bas carbone.

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Pour autant, s'appuyer seulement sur le réseau existant pour des mobilités métropolitaines qui voient leur fréquentation augmenter chaque année est-il viable ? Selon l'association Métro de Bordeaux, qui milite pour la conduite d'études de faisabilité pour un transport souterrain, la proposition de Keolis repose en partie sur un mirage.

"C'est une vieille lune cette idée de mailler le réseau. Ça avait déjà été imaginé par Vincent Feltesse [président de l'agglomération de 2007 à 2014, ndlr]. En 2015, on nous promettait déjà l'optimisation de l'existant. L'ancien directeur général de Keolis, Hervé Lefèvre, l'avait dit : il espérait que les terminus les aideraient à souffler pour cinq ans. Mais pas au-delà", rembobine Mickaël Baubonne, vice-président de Métro de Bordeaux.

Solutions d'appoint pour un réseau saturé

D'ici 2025, le réseau TBM devrait donc se retrouver avec six lignes de tramway qui partageront une infrastructure déjà particulièrement chargée. "Le réseau de tramway est déjà exploité au maximum de ses capacités. D'une fréquence de 5 min à l'origine, on est passé à 3 minutes, mais c'est déjà très difficile à tenir pour le réseau actuel. On a atteint les limites physiques de l'infrastructure", veut alerter Mickaël Baubonne. "Avec 2 minutes 30, il faut avoir une régularité extrêmement rigoureuse." Or, tout pourrait rapidement vaciller car, selon comptes de l'association, les pannes sur le réseau tramway ont doublé entre 2014 et 2019.

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Pour accompagner l'augmentation des capacités du réseau, la prochaine DSP, qui court jusqu'en 2030, prévoit le doublement de la flotte BatCub, ces bateaux navettes électriques, ainsi que l'intégration du free-floating pour assurer une continuité de transports au bout des lignes de bus et de tramway. L'implantation d'un téléphérique n'est pas encore actée puisqu'elle sera soumise à une enquête publique à l'automne. Face à ces solutions d'appoint, il circule, parmi les élus du groupe de droite et du centre Métropole Commune(s), l'idée d'une reconsidération d'un métro bordelais. Une étude exploratoire avait été entreprise sous la précédente mandature fin 2019. Plutôt favorable à une telle infrastructure, elle n'avait pas pour autant éclairé en profondeur l'utilité et la faisabilité de l'infrastructure. Mais la prochaine DSP ne dit rien sur le sujet.

"Nous demandons une véritable étude, que l'on mette à plat ce sujet du métro, pour partir d'une véritable base afin d'arriver à dire si oui ou non il faut un métro à Bordeaux !", réclame Mickaël Baubonne au nom des 70 adhérents de son association, alors que les élus n'ont pas rencontré les usagers du réseau depuis 2019. Le président de la métropole, qui brandit le RER comme l'outil majeur assurant l'avenir des mobilités, risque fort d'être interpellé sur le sujet durant le conseil métropolitain des 7 et 8 juillet. Et, plus que jamais, la question se pose alors que la métropole envisage les nouveaux modes de transport selon trois critères : le coût, l'utilité et le bilan carbone.

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