Tourisme : les guides néo-aquitains frappés de plein fouet par la crise

L'Association des guides de Nouvelle-Aquitaine ne cache pas son inquiétude quant à l'impact destructeur du confinement sur son secteur d'activité. Déjà fragilisés avant le coronavirus, les guides professionnels, majoritairement des indépendants, sont à l'arrêt complet au moins jusqu'à juillet. Près de la moitié songeraient à arrêter provisoirement ou définitivement le métier.
Le Bassin d'Arcachon comme le centre-ville Unesco de Bordeaux et les châteaux viticoles de Gironde sont déserts depuis la mi-mars.
Le Bassin d'Arcachon comme le centre-ville Unesco de Bordeaux et les châteaux viticoles de Gironde sont déserts depuis la mi-mars. (Crédits : Thibaud Moritz / Agence APPA)

La profession de guide conférencier a senti le vent tourner quelques jours avant le confinement général du 17 mars. A partir de début mars, les annulations des déplacements de groupes scolaires se sont multipliées avant que les réservations des croisiéristes ne leurs emboîtent le pas. Avec la fermeture des frontières aux Etats-Unis puis le confinement en France et en Europe, c'est toute la saison touristique 2020 qui s'est soudainement évaporé. Bassin d'Arcachon, châteaux viticoles et périmètre Unesco du centre-ville de Bordeaux : ces trois destinations prisées des touristes étrangers de passage en Gironde sont aujourd'hui fermées jusqu'à nouvel ordre.

"La situation est simple : nous n'avons plus de visites prévues jusqu'à début juillet alors que traditionnellement la saison débute en mars et les mois d'avril, mai et juin sont une période de grosse activité", résume Chloé Cazaux Grandpierre, vice-présidente de l'Association des guides de Nouvelle-Aquitaine (ex-Agica), qui fédère 140 professionnels de Nouvelle-Aquitaine. "Les croisiéristes et les paquebots ne reviendront pas à Bordeaux avant septembre 2020 au plus tôt et le printemps 2021 plus probablement", complète cette entrepreneure spécialisée dans l'oenotourisme avec une clientèle quasi-exclusivement américaine. L'an dernier, 53 paquebots ont jeté l'ancre dans le port de Lune déversant 42.000 touristes étrangers dans les rues de la ville et aux alentours. "Il reste maintenant à savoir si on pourra sauver octobre qui est un mois important pour l'oenotourisme avec les vendanges", espère-t-elle.

Près d'un guide sur deux songe à arrêter

Comme Chloé Cazaux Grandpierre, les guides touristiques professionnels sont à 80 % des femmes en indépendant ou micro-entreprise, la plupart sans salariés. "La moitié des membres micro-entrepreneurs que nous avons interrogés ont sollicité des aides du fonds de solidarité mais le plus inquiétant est que près de la moitié de nos adhérents pensent à arrêter le métier, soit provisoirement, soit définitivement", alerte la vice-présidente. Dans le détail, les chiffres expriment clairement les doutes qui traversent la profession : sur la soixantaine de guides professionnels interrogés par l'Agica en avril 2020, 27 % indiquent réfléchir à quitter leur métier de guide à la suite du Covid-19 sans pour autant avoir pris de décision tandis que 20 % envisagent d'arrêter provisoirement ce métier qui est dans 90 % des cas leur activité professionnelle principale.

Le risque d'une casse sociale est ainsi bien réel. En particulier pour une profession qui était déjà fragilisée avant même de se voir priver d'une saison entière d'activité. Outre le contexte des Gilets jaunes propres au printemps 2019, "depuis quelques années nous subissons la concurrence déloyale des free tours, en particulier à Bordeaux. Réalisés sans formation ni assurance par des habitants ou des étudiants, ces visites de groupe de 30 à 40 personnes sont rémunérées au pourboire en liquide et proposent des contenus parfois ahurissants", regrette la professionnelle bordelaise.

Construire le tourisme de l'après

Alors que l'activité touristique est à l'arrêt total, faute de touristes et de destinations touristiques ouvertes, les guides professionnels, titulaires d'un diplôme de guide conférencier de niveau Bac+3, veulent avant tout ne pas être les grands oubliés des plans national et régional de soutien au secteur touristique qui doivent être précisés le 14 mai prochain.

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"Nous n'attendons pas seulement des aides, nous voulons être constructif et participer à l'élaboration du tourisme d'après le confinement avec les autres acteurs de la filière. Il faut que l'on puisse parler des modalités de visite, des règles sanitaires, du fonctionnement des groupes, etc. Nous avons des choses à dire puisque nous somme sur le terrain au contact des touristes", fait remarquer Chloé Cazaux Grandpierre.

La clientèle étrangère est déterminante dans le tourisme bordelais puisqu'elle représente 52 % des touristes passés par l'office de tourisme de Bordeaux l'an dernier, principalement des Espagnols (24 %), Britanniques (14 %), Italiens (8 %), Allemands (8 %) et Américains (8 %). Faute de visiteurs étrangers, le tourisme de demain devra donc aller chercher et séduire la clientèle locale. "Il y a beaucoup de choses à inventer en faisant découvrir ou redécouvrir le territoire à ses habitants mais aussi en ouvrant au public de nouveaux monuments, en proposant de nouvelles visites thématiques sur l'art de rue par exemple, en mettant en lumière d'autres territoires de la région que les lieux les plus connus", poursuit la vice-présidente de l'Agica, alors que la seule Tour Pey Berland a monopolisé plus de la moitié des entrées touristiques enregistrées à Bordeaux l'an dernier.

Malgré les vents contraires, Chloé Cazaux Grandpierre veut néanmoins rester positive : "On est conscient de la situation particulièrement compliquée pour beaucoup de nos adhérents mais on espère que le château de cartes du tourisme qui est très branlant va tenir. Et pour cela il faut se projeter vers l'après avec tous nos partenaires !"

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