Le marché immobilier de La Rochelle ravagé par "la voie du ZAN"

Le concept écologique du ZAN, ou zéro artificialisation nette, qui veut interdire toute construction de nouveaux bâtiments sur un sol libre, est-il une machine infernale qui va fermer l'accès des primo accédants modestes à la propriété dans les grandes villes ? C'est ce que semble démontrer le volet terrain à bâtir de la dernière enquête de l'Observatoire immobilier du Sud-Ouest (Oiso), avec l'analyse du cas de La Rochelle. Dans un marché néo-aquitain du terrain à bâtir sapé par la pénurie, alors que la population ne cesse d'augmenter, la situation globale pourrait devenir explosive.
La Rochelle est-elle en train de devenir une ville socialement élitiste ?
La Rochelle est-elle en train de devenir une ville socialement élitiste ? (Crédits : CC Flickr by Raphaël Chekroun)

A l'instar de l'évolution des mises en ventes de logements à Bordeaux Métropole, l'alimentation du marché des lots de terrain à bâtir est mal orientée à l'échelle de la région Nouvelle-Aquitaine, même si la situation s'est sensiblement améliorée au 2e semestre 2020 après un 1er semestre inquiétant, où quasiment tous les indicateurs avaient viré au rouge. C'est ce que montre notamment le volet de l'enquête de l'Observatoire immobilier du Sud-Ouest (Oiso) consacré aux terrains à bâtir. Une étude présentée par Jérôme Banderier, président de l'Union nationale des aménageurs (Unam) et vice-président de l'Oiso.

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"En cinq ans, la production de lots à bâtir a été divisée par deux dans la région, ce qui est étonnant puisque la Nouvelle-Aquitaine est l'une des régions les plus actives en matière d'accueil des populations... Donc ça veut dire que l'on accueille plus de population avec moins de lots mis à la disposition du consommateur. Ce qui amène à une situation de pénurie", a cadré d'entrée Jérôme Banderier.

Une situation qui s'est améliorée entre les 1er et 2e semestres

Au 2e semestre 2020, le nombre des mises en ventes de terrains à bâtir était de 847, soit un léger recul de -1,8 % sur un an, par rapport au 2ème semestre 2019. Rien à voir donc avec la tendance du 1er semestre 2020 où, avec 343 mises en vente, la région affichait une chute de -62 % par rapport au 1er semestre 2019.... Les autres paramètres clés de ce marché évoluent de façon comparable. Avec 896 ventes de lots à bâtir, le marché régional est en recul au 2ème semestre 2020 de -12 % sur un an. Loin, là aussi, de la chute de -32 % enregistrée au 1er semestre 2020 sur un an, avec 653 ventes.

Les courbes du nombre de terrains mis à l'offre, qui témoignent de l'évolution du stock disponible, sont, elles aussi nettement différentes, mais elles ne sont pas divergentes. Si, avec 1.724 terrains, l'offre est en retrait au 2e semestre 2020 de -9,8 % sur un an, contre -27 % au 1er semestre avec 1.436 lots, elle représente ainsi un niveau de stock qui continue à baisser. De 13 mois de temps de commercialisation au 1er semestre 2020, ce stock de 1.724 terrains ne représente plus qu'un équivalent de 11 mois de ventes au 2ème semestre 2020. Sachant que le point d'équilibre du stock de lots de terrain à bâtir se situe à 18 mois.

Une tendance de fond à l'usure accélérée des stocks

Cette évolution baissière du stock traduit un déséquilibre de la structure du marché, la manifestation tangible de la situation de pénurie évoquée par Jérôme Banderier.

"Les lots trouvent acquéreurs, y compris là où l'on ne produit pas, ce qui sape inexorablement le niveau des stocks", éclaire le vice-président de l'Oiso.

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Les plus fortes hausses des mises en vente se concentrent dans deux secteurs géographiques de l'ex-Aquitaine, qui sont le sud des Landes et Bordeaux-Rive-droite. Ce dernier périmètre est propre à l'Oiso : il ne couvre ni Bordeaux ni Bordeaux Métropole mais la totalité de la partie juste à l'est de l'aire métropolitaine. Ces deux territoires ont ainsi chacun enregistré une hausse de plus de 15 % de leurs mises en ventes : ce qui est le record absolu à l'échelle de la Nouvelle-Aquitaine au 2e semestre 2020.

La Rochelle : spectaculaire situation d'effondrement

Le territoire immobilier le plus en crise est sans conteste celui de la Communauté d'agglomération de La Rochelle. Ce secteur a ainsi enregistré 19 mises en vente au 2e semestre 2020, en chute de -62 % sur un an, tandis que 26 ventes ont été enregistrées, soit -63,9 % sur un an. Le tout avec un dernier paramètre à la performance apocalyptique, celui du stock de terrains à l'offre : qui ne représente plus que 3,5 mois de ventes !

"La situation de La Rochelle est assez spectaculaire puisque la production de terrains à bâtir y a été divisée par quatre en cinq ans ! Aujourd'hui, la production de lots à bâtir est devenue inexistante... On voit que la mise en vente et les ventes rejoignent les stocks, ce qui correspond à un marché hyper tendu. Sur le secteur de La Rochelle, qui est quand même un secteur assez actif pour la promotion immobilière, il est clair que l'on peut constater le résultat d'une politique publique en matière de terrains à bâtir. Une politique ancrée sur la voie du ZAN (zéro artificialisation nette)", prévient Jérôme Banderier.

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Ce nouveau concept, qui veut éviter toute nouvelle construction sur des terrains libres et qui promet d'être appliqué par la nouvelle équipe municipale de Bordeaux, dont l'écologiste Pierre Hurmic (EELV), est le maire, semble montrer certains effets pervers à La Rochelle.

 Jérôme Banderier pendant sa prise de parole.

Le ZAN défavorable aux accédants modestes ?

"Cela signifie que tout ce qui est étalement horizontal en matière d'habitat est proscrit du secteur de La Rochelle, à cause du ZAN. Ce qui va rendre ce marché élitiste, puisqu'il n'y a plus de stock. On a assez peu de mises en ventes, donc on va avoir des prix qui vont exploser dans les années à venir sur la région de La Rochelle. L'autre interrogation va être par rapport aux primo accédants.

Si l'on n'a plus de logements à des prix abordables, le primo accédant ne pourra pas acheter en collectif dans ce territoire du fait d'un prix du mètre carré trop élevé dans les immeubles. Donc les primo accédants vont forcément prendre la voiture pour aller beaucoup plus loin", a décrypté en substance le vice-président de l'Oiso.

Dans la communauté d'agglomération de La Rochelle, le lot à bâtir de 378 m2 se négocie à 95.963 euros, tandis que les propriétaires proposent en moyenne des lots de 431 m2 de surface au tarif de 100.263 euros.

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Le département des Landes ne souffre pas d'une situation aussi extrême, puisque ce grand département forestier mais industrieux a vu le nombre de ses mises en vente de terrains à bâtir, à 207 unités, grimper de +28,6 % sur un an au 2e semestre 2020. Les ventes, au nombre de 153, chutent de leur côté de -31,7 %, tandis que le niveau de l'offre, avec 371 terrains, soit un stock représentant 15 mois de ventes est en hausse de +5,4 %. Dans ce département, le lot à bâtir de 554 m2 se négocie à 101.079 euros, tandis que les propriétaires proposent des terrains de 644 m2 moyennant 132.974 euros.

Le marché reprend quelques couleurs en Gironde

Malgré les difficultés, c'est en Gironde que le marché du terrain à bâtir reste le mieux orienté. Les mises en ventes ont ainsi progressé de +1,7 % au 2e semestre 2020, avec 354 lots, tandis que le nombre des ventes a, il est vrai, stagné (-0,6 %), avec 341 transactions. Phénomène significatif sur des fondamentaux qui restent solides, le nombre de terrains à l'offre atteint la barre des 591 unités, en hausse de +19,6 % sur un an ! Soit tout juste 10 mois de commercialisation.

"Après l'effondrement des années précédentes, et la stagnation enregistrée depuis 2017, le marché amorce une légère remontée. La production de terrains n'est plus hachée comme auparavant, elle s'est stabilisée. On produit et on consomme absolument les mêmes chiffres et quoi qu'on en dise, le niveau des stocks est faible, la situation tendue", corrige Jérôme Banderier.

En Gironde, le marché semble toutefois s'être remis à l'endroit et les prix d'achat ont cessé d'être supérieurs aux prix proposés par les vendeurs. C'est ainsi que le terrain constructible de 666 m2 est mis en vente à 174.440 euros en moyenne, et que les acquéreurs achètent des lots à bâtir de 612 m2 au prix de 135.755 euros... Jérôme Banderier, qui estime que le département n'a jamais été économe en consommation foncière, est convaincu que l'écart entre prix de mise en vente et prix de vente ne va pas durer longtemps et qu'il va être comblé à cause de la rareté des produits.

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