Elixir Aircraft met les bouchées doubles pour industrialiser son avion biplace bas carbone

REPORTAGE. Produire en masse un avion léger peu gourmand en matériaux et en carburant pour former les pilotes de ligne de demain. Pour répondre à ce défi, la startup Elixir Aircraft, basée à La Rochelle, voit grand avec une usine de 14.000 m2 qui doit fabriquer d'ici à 2030 jusqu'à 400 biplaces par an. Le projet vient d'être soutenu par France 2030 et doit créer 400 emplois.
Les avions d'Elixir Aircraft effectuent leurs essais le long du littoral charentais, comme ici au-dessus de l'île de Ré.
Les avions d'Elixir Aircraft effectuent leurs essais le long du littoral charentais, comme ici au-dessus de l'île de Ré. (Crédits : Elixir Aircraft)

C'est un petit aéroport régional bien calme que celui de La Rochelle. À l'horizon, on devine que le pont de l'île de Ré est bien plus fréquenté que ce tarmac littoral où transitent seulement quatre avions par jour en moyenne. Depuis la tour de contrôle, les aiguilleurs du ciel doivent quelque peu s'embêter. Mais la pépite qui point sous leur mirador pourrait leur donner des ailes. La jeune société Elixir Aircraft a fait de l'entrée de la piste son quartier général d'où elle fabrique son avion biplace léger et frugal. Alors qu'elle fournit déjà l'école européenne d'Airbus en Charente, elle vient d'annoncer au salon du Bourget une commande record de 100 avions pour une école de pilotes dans l'Arizona.

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Avec un site de production situé dans l'agglomération rochelaise, un site d'assemblage qui jouxte l'aéroport et une centaine d'employés, le nouveau constructeur vient de passer le cap des 70 avions livrés, qui marque les trois ans de mise en production du biplace. Un aéronef de 400 kilos en composite, dont la structure compte seulement, et c'est ici la grande innovation, neuf pièces à assembler. Là où les avions des six autres constructeurs dans le monde en ont des milliers. « Il y a 230.000 monomoteurs à pistons dans le monde, 160.000 datent des années 1960-1970 », estime Cyril Champenois, directeur marketing et commercial mais surtout cofondateur d'Elixir Aircraft. « C'est comme si vous appreniez à conduire sur une 2CV ou une 4L : les avions consomment et polluent trop. » Chez les Rochelais, on divise tout par trois : le temps d'assemblage, le coût de maintenance, la consommation et les émissions de carburant. Pour un prix de vente à 330.000 euros pièce.

Elixir Aircraft avions

Les biplaces assemblés attendent à l'entrée du tarmac avant de rejoindre leur site de livraison par les airs. (crédits : MG / La Tribune)

Devenir un industriel et rester innovant

La faible activité du complexe aéroportuaire de La Rochelle est une aubaine pour l'entreprise créée en 2015. Alors qu'elle a déjà investi un ancien entrepôt de 2.300 m2 d'où sortent un à deux avions par mois, c'est une véritable site industriel qui doit voir le jour sur l'emprise foncière de l'aéroport. D'ici à 2025, au mieux, il s'agit d'édifier un bâtiment de 14.000 m2 qui accueillerait 400 nouveaux emplois afin de produire jusqu'à 400 biplaces par an. Le lancement du pilote industriel, couplé à un projet similaire de moindre ampleur en Floride, représente un investissement global de 40 millions d'euros. Heureuse nouvelle, le petit avion frugal a été désigné lauréat du programme « Produire en France des aéronefs bas carbone » du plan France 2030 et va bénéficier d'un appui de treize millions d'euros. Une levée de fonds de dix millions d'euros est également en préparation. Si l'avionneur vise un chiffre d'affaires de 120 millions d'euros d'ici à la fin de la décennie, l'argent disponible manque pour l'heure puisque ses ventes n'ont pas dépassé le demi-million d'euros l'an passé.

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Mais les dirigeants affichent une confiance inébranlable et ambitionnent, à l'image de l'équipe de rugby locale deux fois championne d'Europe, de s'affirmer à l'international. « Nos carnets de commandes sont pleins, nos camarades constructeurs ont les mêmes délais de livraison que nous donc c'est le bon moment pour lancer le chantier de l'usine », s'impatiente Cyril Champenois. « Nos plus gros concurrents [Cesna, Pipper ou Cirrus, ndlr] ont des capacités de production importantes mais pas de bureau d'études. C'est là que nous serons capables de résoudre l'équation gagnante », renchérit-il au milieu des ateliers à l'organisation encore très artisanale.

Elixir Aircraft ateliers

Les salariés en charge de l'assemblage sont déjà à l'étroit dans l'entrepôt de l'aéroport. (crédits : MG / La Tribune)

« On a l'avantage culturel »

La question du recrutement, comme pour tout le secteur aéronautique, est peut-être la plus grosse barrière pour Elixir Aircraft, dans une ville certes riche en compétences grâce aux industries nautiques mais où le logement est arrivé à saturation. Les postes en production seront dédiés à l'assemblage de pièces (ailes et fuselage), au drapage et à la peinture. Les dirigeants tiennent absolument à conserver l'implantation rochelaise et anticipent l'afflux de salariés qu'ils vont attirer : des apparts-hôtels pourraient être construits à proximité de l'aéroport, permettant aux nouveaux arrivants de se loger le temps de trouver un logement. « Rien que pour recruter 40 personnes cette année, c'est compliqué. On va travailler encore sur l'attractivité, c'est un gros défi. » Du reste, il faudra aligner des salaires en phase avec le niveau de vie local, dans une ville qui a atteint 4.800 euros du m2 pour les appartements anciens.

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Avec la relance d'une fabrication française dédiée à l'aviation légère, abandonnée dans les années 2000 après le rachat de Socata par Daher, Elixir Aircraft veut prouver qu'un champion français peut de nouveau émerger.

« En France on a les compétences, la "supply chain", des tas de gens qui savent faire de la pièce à des prix abordables. C'est comme cela qu'on peut tenir tête aux constructeurs américains ou chinois. On a l'avantage culturel », s'envole le cofondateur, alors que 90 % de la chaîne d'approvisionnement du biplace est française.

Le moteur lui vient de l'autrichien Rotax et possède l'avantage de pouvoir fonctionner aussi au carburant de synthèse (e-fuel). Elixir Aircraft participe également à un programme de recherche pour intégrer sur son biplace un moteur à turbine qui pourrait tourner au e-kérosène. Histoire d'anticiper toutes les évolutions énergétiques possibles promises à l'aviation. De nombreux coups d'avance pour ce jeune constructeur, dans une industrie que les nouveaux entrants veulent dépoussiérer.

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